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« Au Soudan, ils m’ont fait passer pour un albinos »

Propos recueillis par Ruben Curiel
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Ancien attaquant, Stefan Zoll a parcouru les clubs semi-professionnels en Angleterre, avec quelques passages ratés à Rennes et Dunkerque. En parallèle, celui qui étudiait l’arabe a voyagé en passant par le Maroc, le Soudan et la Syrie, où il a été kidnappé par les services secrets. Interview d’un globe-trotter qui a désormais atterri en Arabie saoudite, pour enseigner le jiujitsu.

Tu peux nous raconter tes débuts en Angleterre ?J’ai commencé très tôt à jouer au football, dans des petits clubs. Puis à 14 ans, j’ai intégré le centre de formation de Leeds United. À cette époque, Leeds était en Premier League, et c’était l’un des meilleurs centres en Angleterre. J’ai côtoyé Jonathan Woodgate là-bas, j’ai vu Alan Smith dans ses œuvres. Leeds recrutait les meilleurs jeunes des environs. C’était l’époque ou Beckham et Scholes sortaient de Manchester United. Leeds et Manchester étaient les meilleurs académies de jeunes de l’époque. Mais Leeds ne m’a pas offert de contrat. Barnsley, qui jouait en seconde division, est venu me chercher. Pareil, c’était un très bon centre de formation. C’était en 1998, quand l’équipe jouait en Premier League.
Tu avais l’objectif de devenir professionnel ?Je rêvais d’intégrer le groupe professionnel. J’étais attaquant, et j’avais un style totalement différent du traditionnel avant-centre anglais. J’étais rapide malgré ma grande taille. Je pensais vraiment pouvoir franchir le cap. Mais finalement, je n’ai pas réussi à Barnsley. J’ai fait un essai à Tottenham ensuite. Je suis allé à Londres, je m’entraînais avec les Spurs pendant six mois. Je jouais avec les jeunes et avec la réserve. Il y avait Peter Crouch à l’époque. Il avait deux ans de moins que moi, et il jouait avec les jeunes. Les gens disaient : « Il ne deviendra jamais professionnel, il est trop maigre et trop grand. » Finalement, il a réussi à bluffer tout le monde.
Après Barnsley, tu vas faire un essai à Rennes. Comment tu as atterri en France ?Mon père vit en France depuis très longtemps. C’est un pianiste, qui travaille dans de nombreux conservatoires, il donne des cours aussi dans la région de Rennes. Mon père vient d’Allemagne, et quand il s’est séparé de ma mère, il est allé vivre à Rennes. J’avais 16 ans, et il a obtenu un essai à Rennes pour moi. Je ne sais pas comment il a fait ! Je me suis entraîné pendant trois semaines à Rennes. J’étais tellement étonné. Les infrastructures étaient parfaites, les jeunes vivaient au sein même du centre. C’est là que j’ai compris que les clubs français étaient en avance sur l’Angleterre, au niveau de la formation. Même à Leeds, ce n’était pas si bien organisé. J’ai vécu à Rennes, et même si c’était court, c’était une superbe expérience. Ils ne m’ont pas gardé finalement.
Donc tu vivais entre la France et l’Angleterre ? Oui, c’est très dur pour un gamin. J’avais juste le football en tête. Je ne voulais rien faire d’autre. C’était dur pour ma mère, qui a dû élever mes sœurs et moi seule. Mais mon père et elle m’ont toujours soutenu dans mon rêve de devenir professionnel.

Tu es rentré en Angleterre après Dunkerque ?

Oui, et j’ai continué ma tournée des clubs (rires). J’ai fait un essai à Crystal Palace. J’ai atteint mon meilleur niveau là-bas, même si je n’ai pas intégré le groupe pro. Mais je savais que je pouvais tout de même vivre du football. J’étais persuadé de mes qualités. Et c’est en France que j’ai trouvé une énième opportunité.

Un retour à Rennes ?

Non, non. Cette fois, j’ai rejoint Dunkerque (rires). Il y avait un entraîneur anglais, dont je ne me souviens pas le nom (Bobby Brown, ndlr). Il voulait absolument des joueurs anglais pour son équipe. Il est allé chercher un joueur à Colchester aussi ! On a signé tous les deux, on était le duo d’attaque anglais de CFA. C’était une expérience incroyable.
Tu t’es adapté à la ville ?C’était très dur au début. La culture française est tellement différente. Et j’avais 19 ans. C’était ma réelle première expérience à l’étranger. Je n’ai jamais aussi bien mangé de ma vie. Je me levais à 6 heures du matin pour acheter une baguette et des pains au chocolat. Tu ne trouves pas ça en Angleterre (rires). Dunkerque est une très belle ville. J’habitais à cinq minutes de la mer. Et j’ai énormément appris de la mentalité française. Je me suis entraîné avec d’excellents joueurs. Il y avait pas mal d’internationaux maliens dans notre équipe. Ils étaient vraiment bons. Je me rappelle Mamadou Bagayoko. Quel joueur !

Mais tu retournes finalement en Angleterre ?Oui, un an après. J’ai encore fait quelques essais. Mais c’est la période où j’ai réalisé que je visais peut-être trop haut. Et j’ai accepté une offre provenant d’un club de Non-League football (semi-professionnel, ndlr). C’était une belle offre économique, l’occasion de gagner quelques pounds en jouant.
Le Non-League Football est plutôt connu pour son football violent…Il faut savoir que beaucoup d’anciens professionnels anglais finissent leur carrière à ce niveau. Je pense que le niveau est assez élevé. Beaucoup de jeunes qui n’ont pas réussi dans les académies de jeunes des clubs professionnels jouent dans ces divisions. Mais ça reste des joueurs qui ont un certain bagage.
Tu t’es imposé dans un club ?Non, j’ai continué mon périple (rires). J’ai joué à Farsley Celtic, à Pickering Town, à Harrogate, à Whitby Town et enfin à Stocksbridge Park Steels. En 2006, à Stocksbridge (son dernier club, ndlr), j’ai côtoyé une star du moment : le meilleur buteur de Premier League.
Jamie Vardy ?Oui ! Il venait d’intégrer l’équipe. Il était là, tout frêle. Il était remplaçant, il jouait des bouts de match. Je me disais : « Ce gars, il est bon, mais il n’a rien de spécial. » Maintenant, je le vois jouer à Leicester, battre le record de Van Nistelrooy… Il est impressionnant. C’est la preuve que le Non-League Football est plein de joueurs talentueux. Aujourd’hui, les recruteurs viennent chercher les jeunes dans ces divisions.
Tu ne trouves pas que le football amateur est négligé en Angleterre ?À mon époque, il l’était. Dans mes bons jours, je faisais ce que je voulais avec le ballon. J’ai toujours pensé que je pouvais faire une carrière professionnelle. Mais à l’instar de nombreux jeunes, je n’ai pas concrétisé les opportunités. Mais j’ai vu de nombreux joueurs qui auraient pu jouer en Premier League.
Le football amateur anglais est connu pour de folles anecdotes…J’en ai vu des folies (rires). Quelques bastons, même avec les supporters. Le pire, c’étaient les tacles. J’étais rapide, donc les défenseurs voulaient me casser la jambe. Ils provoquaient tellement ! Ils te disent à l’oreille : « Si tu touches la balle, je te pète la jambe. » Je me souviens, une fois, un de nos milieux de terrain a subi le pire tacle que j’ai vu lors de ma carrière. Un mec lui a ouvert le mollet, on voyait l’os, c’était horrible. La pire blessure que j’ai vue. Il faut être fort en Non-League Football. Tu ne verras jamais des gars simuler à ce niveau.
C’est pour ça que tu as commencé les arts martiaux ?Effectivement, ça m’a tellement aidé. Je n’avais pas forcément le temps de m’entraîner, puisque le football prenait tout mon temps. Je devais même travailler pour gagner un peu de sous. J’étais videur pendant quelques mois. Et en même temps, j’étudiais.
Comment tu pouvais concilier tout ça ?À 21 ans environ, j’ai compris que je ne serais pas footballeur professionnel. Et je n’avais fait que ça toute ma jeunesse. Je savais que je devais retourner à l’université. Je voulais étudier une langue, et j’ai choisi l’arabe. Je pensais que ça me serait utile. Quand j’ai commencé à étudier l’arabe, c’était un an après le 11 septembre… Le Moyen-Orient était au centre de toutes les discussions. Et j’ai voulu en savoir plus. Je suis allé au Maroc pendant un an ensuite.
Et le football dans tout ça ?J’ai joué dans une équipe marocaine, au Maghreb de Fès ! Une expérience folle. Je jouais aussi dans la rue, avec les jeunes, les locaux. Ils passaient la moitié du match à s’embrouiller, il y avait des grosses bastons. Mais le niveau était assez élevé. Le gros problème du football marocain, ce sont les terrains. Une catastrophe… C’était vraiment impossible de jouer si tu n’y es pas habitué. J’ai eu du mal. Mais c’est un vrai pays de football.
Tu es un vrai globe-trotter. D’où vient cette passion ?De mon père, je crois. J’ai toujours été impressionné, car il parlait trois langues. Et je voulais faire pareil. Mais je voulais étudier une langue différente, m’éloigner de l’Europe. Je me suis découvert une passion pour le Moyen-Orient.
Une passion qui t’a emmené au Soudan…Oui, j’y suis allé pendant l’intersaison, je ne sais plus en quelle année. Chaque été, j’allais dans un pays différent pour parfaire mon arabe. Quand mes coéquipiers allaient faire la fête en Espagne, j’allais faire du volontariat au Soudan. Je voulais sortir de cette image du footballeur peu cultivé. C’est un pays magnifique. D’ailleurs, j’ai même joué au foot là-bas.
À un niveau professionnel ?Oui, vraiment (rires). Je vais te raconter une histoire incroyable. Je jouais à Al Hilal Club, à Khartoum. J’étais le premier blanc européen à jouer pour le club ! Un jour, avant le derby, le club rival a inventé une histoire complètement folle qui est sorti dans les journaux locaux. Ils disaient que je n’étais pas un vrai joueur européen, et que j’étais un Soudanais albinos ! C’était fou…
Un de ces voyages a pourtant très mal tourné…Oui, en 2005. J’étais en Syrie, à l’époque où on pouvait encore voyager là-bas. J’étudiais l’arabe. J’ai été kidnappé par les services secrets. Les opposants au gouvernement étaient déjà maltraités à cette époque. Mais je n’étais absolument pas lié à un quelconque groupe politique. Je suis resté enfermé pendant deux jours dans une cellule horrible. J’ai vu des choses que je ne peux même pas raconter. Je ne peux pas donner trop de détails, pour ne pas avoir de problèmes si je rentre un jour en Angleterre. Ils ont même enfermé un de mes élèves. Nous étions « des menaces pour la sécurité intérieure » . Je voulais juste améliorer mon arabe, et cela se passait très bien avant ça. J’ai une histoire assez folle, et je pense écrire un livre, un jour.
Après le football, tu t’es tourné vers une discipline totalement différente, le jiujitsu brésilien…Oui, j’ai même gagné quelques médailles ! C’était une manière de rester dans le monde du sport, de garder l’adrénaline de la compétition. Quand j’ai arrêté le football, j’étais un peu perdu. Et le jiujitsu m’a permis de remplir le vide qu’avait laissé le foot. Je pratiquais un peu quand j’étais footballeur. Puis en 2006, j’ai décidé de m’installer en Arabie saoudite.
Une nouvelle destination exotique…Oui, mais avec un réel projet. J’ai gagné quelques médailles dans d’autres compétitions. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai enseigné l’anglais en Arabie saoudite. Avec ce métier, j’avais le temps de pratiquer à fond l’art martial.
Tu en as fait un métier ?Oui, après six ans à enseigner l’anglais. J’ai décidé de tout abandonner, et de donner des cours de jiujitsu dans quelques salles. Au début, j’ai fait ça pour mon fils, qui n’aime pas le foot. Je voulais qu’il s’entraîne. Et mes cours sont devenus célèbres. Il y a deux ans, une entreprise dirigée par des princes m’ont approché. Ils voulaient ouvrir un centre de MMA. J’ai accepté l’offre, et je dirige désormais la section enfant de la salle sportive. Ils veulent ouvrir 30 salles dans tout le pays lors des cinq prochaines années.
La prochaine destination ?Je ne sais pas. Je suis bien installé ici avec ma famille. On verra. Pour l’instant, mon seul objectif, c’est de gagner une médaille d’or lors des championnats du monde.
Tu as définitivement tourné la page du football ?Je me suis blessé au dos, donc j’ai du mal à jouer. Je ne prends pas trop de risques. Quand je regarde en arrière, je regrette de ne pas avoir joué à un niveau supérieur. Mais c’est simple, le destin en voulait autrement.

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Propos recueillis par Ruben Curiel

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