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Au Red Star, Uber se prend un stop

Par Adrien Candau
5 minutes
Au Red Star, Uber se prend un stop

Une délocalisation prolongée à Beauvais, un partenariat critiqué avec Vice, une image qui se veut l'émanation d'une certaine idée de la banlieue branchée : le Red Star veut grandir, en modernisant son fonctionnement. Quitte à parfois fâcher son noyau de supporters, flippé que le club perde en chemin ce qui a constitué son identité. Des fans pour qui le partenariat que le club a récemment conclu avec Uber a des airs de goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Patrice Haddad est un président comme un autre. À savoir, un homme qui souhaite logiquement « faire grandir et structurer son club » . Une noble ambition, même si les moyens pour refaire scintiller l’étoile du Red Star n’ont pas toujours plu à tout le monde. L’année dernière, le partenariat conclu avec le média Vice avait fini par froisser quelques supporters, sans pour autant renverser la table. Cette saison, celui conclu avec Uber prend une tournure autrement plus sulfureuse. Une alliance contre nature aux yeux de certains supporters, qui ont décidé d’aller chatouiller d’un peu plus près les mollets de la direction. Et cette fois-ci, pas question de lâcher le bifteck.

Étoile rouge de colère

À l’origine du mal, donc, ce partenariat avec l’entreprise de VTC Uber annoncé par le club début octobre 2018. De quoi faire péter un fusible au Collectif Red Star Bauer, un groupe de supporters emblématique du club audonien. L’entreprise de VTC serait à les entendre tout sauf en phase avec les fameuses valeurs d’un club toujours très ancré à gauche dans l’imaginaire collectif, comme au sein de son noyau de supporters les plus assidus. « Tout ça s’est fait en plusieurs étapes. Il y a d’abord eu cette arrivée de Vice, qu’on a vu d’un œil curieux, mais ensuite on s’est un peu énervé avec eux, pose Vincent Chutet-Mézence, le président du Collectif Red Star Bauer. On a vu que ce partenariat avec Uber a engendré énormément de critiques et que ça allait au-delà de notre groupe de supporters. Le nombre de sympathisants du club, notamment plus anciens, que j’ai vu s’étonner de cette décision… Donc on s’est décidé à faire un communiqué… On est tous conscients que le club a besoin de partenaires, mais Uber, c’est scandaleux, c’est quand même la négation absolue du droit du travail. Le partenariat est vraiment aux antipodes de ce que les gens peuvent défendre et de ce que le club promeut. Sans compter que la manière dont c’est présenté, avec un versant social, machin… On prend vraiment les gens pour des cons ! »

Symboles qui fâchent

Le versant social en question, c’est le financement par Uber du Red Star Lab, le programme éducatif du club favorisant l’accès à la culture. Le nœud du problème, à en entendre certains. « Ce qui choque ici, c’est la dimension ultra symbolique du club, à laquelle on porte atteinte, déroule Mickaël Correia, auteur d’Une histoire populaire du football. On se dit : « Putain, même le Red Star est en train de céder aux sirènes néo libérales… » Ce qui est chaud par rapport à Uber, c’est qu’ils vont financer le Red Star Lab, soit le volet social du club. » Uber, à qui certains reprochent régulièrement d’être une alternative perverse au chômage endémique qui touche certains quartiers populaires, en recrutant une masse de chauffeurs sous-payés et précarisés. Dans le 93, le département du Red Star, les entreprises de VTC comme Uber sont même à la pointe de la création d’emplois et d’entreprises ces dernières années.

Côté club, le discours est évidemment différent. Le directeur général du Red Star, Grégoire Potton, théorise ainsi le choix de ce partenariat : « Pourquoi Uber ? Eh bien, parce que quand on vient voir des marques classiques qui investissent dans le foot, ils veulent rester dans le domaine du sponsoring traditionnel. Plutôt que du sponsoring classique, le Red Star conclut depuis plusieurs années des partenariats comprenant la promotion de contenus et d’activités. Là, avec Uber, on organise des événements comme des tournois de foot avec des chauffeurs, ou pour leurs enfants. » Ce dernier estime aussi que la grogne est portée par une minorité des fans : « Quelle que soit l’entreprise choisie, on aurait été critiqué de toute façon…Je ne pense pas qu’on puisse dire que ces critiques soient représentatives de l’opinion de l’ensemble des supporters. »

Bauer au stade critique

Au-delà des arguments portés par les uns et les autres, les tensions qui animent certains supporters et la direction ne datent pas d’hier. « Disons que, depuis un an, on observe un raidissement du dialogue entre les supporters et le club » , estime Mickaël Correia même si la direction, elle, avance qu’elle a souvent cherché à travailler « main dans la main » avec les fans. Au cœur du schmilblick, la question de l’avenir du stade Bauer, pas encore aux normes attendues, ce qui oblige le Red Star à disputer cette année ses matchs à Beauvais. Une mise aux normes qui se fait attendre, alors que le club semble surtout avoir le regard tourné vers la reconstruction d’un stade Bauer 2.0. La Métropole du Grand Paris a dévoilé mi-octobre les trois candidats retenus pour plancher sur la future enceinte de Saint-Ouen et la livraison du nouveau stade serait théoriquement attendue «   pour 2023, le plus tôt en 2022 » , avance Grégoire Potton.

En attendant, les solutions alternatives patinent : du côté du noyau de supporters, on s’est vu interdire par la mairie de diffuser sur écran à Bauer des matchs du club. « Pourtant, c’était une des promesses de la direction, de s’organiser pour faire vivre Bauer, pendant que le club s’exportait à Beauvais » , pose Vincent Chutet-Mézence. « Oui, on avait pris cet engagement, mais avant que certains supporters ne décident de boycotter les matchs à Beauvais. Même si, évidemment, on comprend tout à fait les contraintes de déplacement qui se posent à notre public » réplique Grégoire Potton. Le partenariat avec Uber a donc achevé de faire mijoter les tensions. Patrice Haddad, le président audonien, joue, lui, la carte du pragmatisme : « Si on pouvait retrouver les usines Renault d’antan, ce serait idéal… Mais aujourd’hui, ce n’est plus possible, on doit trouver de nouveaux entrants. » Une réponse audible pour un président qui, comme tous ses homologues, est soumis à des impératifs économiques. Encore faudrait-il ne pas oublier que le Red Star, lui, est et reste encore un club un peu à part.

Dans cet article :
Jean-Louis Gasset : « On n’est pas une équipe de merde »
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Par Adrien Candau

Tous propos recueillis par AC, sauf ceux de Patrice Haddad, issus du JDD

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