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Au pied du Murray

Par Maxime Brigand
5 minutes
Au pied du Murray

Quatrième meilleur buteur anglais de Premier League cette saison et archer en chef de Brighton, Glenn Murray vit à 34 ans le pic d'une courbe d'ascension fragile et trimbalera dimanche son drôle de style face à Arsenal.

Belle saison traversée par Glenn Murray, 34 piges et une mèche dont la durée de vie est de plus en plus incertaine. Voici un type revenu en Premier League l’été dernier, avec une pancarte de héros dans le dos et une pile de statistiques honorable sous le bras : 183 buts claqués toutes compétitions confondues depuis 2004, un peu moins de 500 matchs chez les pros. Des chiffres comme les mensurations d’un costume. Celui d’un mec normal, né au début des années 1980 dans le nord-ouest de l’Angleterre, devenu, à la sueur, référence d’un cercle au sein duquel il n’a jamais vraiment été convié. Que raconte Murray ? L’histoire d’une race : l’attaquant du troisième type. Soit 188 centimètres de cœur, de courage et de roublardise, dans un ensemble où la technique n’a quasiment pas sa place. « Une sorte de Bobby Zamora, sans les problèmes physiques » , résume Paul Winstanley, boss du recrutement du Brighton & Hove Albion FC, actuel douzième de Premier League qui reçoit dimanche Arsenal dans son Amex Stadium. Une bête curieuse, donc, mais aussi bien autre chose : samedi dernier, face à Swansea (4-1), Glenn Murray a planté ses dents dans un doublé, faisant grimper sa barre saisonnière à dix buts en championnat – douze toutes compétitions confondues –, et est aujourd’hui le quatrième meilleur buteur anglais de la saison derrière Harry Kane, Raheem Sterling et Jamie Vardy.

L’ascenseur et la cour de récréation

Soit une petite prouesse quand on n’est pas entouré de Dele Alli, Kevin De Bruyne ou Riyad Mahrez. Tout ça, le coach des Seagulls, Chris Hughton, humble bâtisseur du promu, l’a dit à sa manière il y a quelques jours : « Marquer dix buts, au sein d’une équipe comme la nôtre, pour qui c’est plus compliqué de marquer en Premier League, c’est un exploit. » Depuis le début de saison, c’est une rengaine : Murray, dont la principale caractéristique est de n’en posséder aucune en particulier, use ses adversaires. Balancez-lui un ballon de votre camp, si possible aérien, il l’attrape, le contrôle, le maîtrise, le protège, puis se retourne et accélère. Cette saison, Hughton l’a couché dans le onze titulaire à dix-huit reprises, l’a fait entrer à chaque fois lors des autres rencontres et a toujours balancé au loin l’idée de faire reposer son sniper. Au fond, pourquoi le ferait-il ? Murray n’en a aucune envie et parle de son job avec ces mots : « Marquer est la plus belle sensation du monde. C’est devenu une habitude. C’est une drogue. Chaque enfant a couru dans la cour de récréation en prétendant marquer devant des milliers de personnes. Moi, je fais ça pour de vrai. »

À une époque où les footballeurs se révèlent de plus en plus jeunes et deviennent millionnaires avant les vingt-cinq piges, lui a plutôt tapé ailleurs, dans l’autre monde : celui du dimanche, de la galère et des pelouses flinguées. Murray, c’est l’histoire du mec qui n’en croit pas ses yeux, qui n’a jamais entendu l’hymne de la Ligue des champions et qui a passé sa vie dans un ascenseur rouillé : deux ans en League Two, quatre en League One, cinq en Championship et donc quatre en Premier League. Un jour, à Carlisle United, au début des années 2000, on lui a demandé de jouer arrière gauche. Il a vingt ans, la tête au fond de la gamelle : « J’ai sincèrement pensé à tout arrêter car j’étais très déçu. J’avais perdu toutes mes illusions, je commençais à détester ce que je faisais. Mes souvenirs de cette époque sont ceux de voyages en voiture pour aller aux matchs, d’entraînements dans le silence, d’une grosse frustration. » À cet instant, certains dirigeants tranchent pour lui : « Pas assez bon. »

« J’ai attendu de trouver la personne qui me dirait« oui » »

Que faire, alors ? Tout plaquer, vraiment ? Non, trop simple, et l’histoire donne raison à Murray : Kane et – surtout – Vardy, eux aussi, ont mis du temps avant de montrer le bout de leur nez. Ainsi, c’est le théorème des planètes qui s’alignent au bon endroit, au bon moment. « Je suis simplement resté debout et j’ai attendu de trouver la personne qui me dirait « oui », lâchait-il récemment dans un entretien donné à Sky Sports. Cette personne a été Chris Hughton et le message envoyé pour les jeunes est fort – oui, les revers sont inévitables, les opinions extérieures sont souvent fausses, et les situations peuvent évoluer. » Après Carlisle, il y a eu Rochdale, Brighton une première fois, avec lequel il terminera champion de League One en 2011 sous les ordres de Gus Poyet, qui décidera finalement de s’en séparer malgré 22 pions enfilés en championnat, Crystal Palace, ennemi intime des Seagulls où il reste une légende et avec lequel il découvrira la Premier League, puis Bournemouth, où il ne s’imposera jamais vraiment dans le football commandé par Eddie Howe. Mais, comme toujours, Glenn Murray est revenu. Car personne n’a jamais vu le bonhomme tirer la tronche sur un terrain.

Mieux : la saison dernière, l’Anglais a été l’un des acteurs majeurs du retour de Brighton dans l’élite et restera dans l’histoire comme le mec qui a ouvert le score face à Wigan (2-1), le 17 avril 2017, jour où les Mouettes ont validé leur montée. Cette saison, c’est encore au-dessus : quand il marque, son regard s’ouvre et le sourire débarque dans la foulée. Là où, à Palace, Glenn Murray finissait le plus souvent grâce au boulot d’ailiers comme Wilfried Zaha et Yannick Bolasie, il a trouvé à Brighton un joueur comme José Izquierdo, mais surtout un passeur hors du commun avec Pascal Gross, arrivé au printemps dernier en provenance d’Ingolstadt. Murray balance : « Il est différent de tous les joueurs avec qui j’ai déjà évolué. C’est un meneur très intelligent, mais aussi très créatif. S’il se retrouve dans une situation de un-contre-un et qu’il ne reste que le gardien à battre, beaucoup de joueurs iraient la jouer en solitaire. Mais si je suis libre et mieux placé, Pascal me sert. C’est une différence de mentalité. » Bête curieuse, définitivement, que même une arrestation fin janvier en compagnie de sa femme, Stacey, pour une sombre affaire de fraude fiscale, n’a pas fait flancher. Retour à sa mission principale : marquer. Arsenal est prévenu.

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