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Au Hellas, Antonín casse la Barák
Rayonnant au sein du collectif bien huilé du Hellas, Antonín Barák est l’un des mâles alpha de la saison en Serie A. L’international tchèque de 27 ans vit sa meilleure vie en Vénétie et pourrait ne pas s'éterniser à Vérone à force de bonifier ses partenaires et de martyriser ses adversaires. Empoli, qui reçoit le Hellas ce dimanche (15h) et qui avait vu Barák marquer à l'aller, est prévenu.
Chaque être humain a le droit un jour ou l’autre à son moment de gloire. Pour Antonín Barák, ce 16 janvier 2022 avait tout de la journée idyllique. À une petite centaine de kilomètres au sud de Vérone, au cœur de l’Émilie-Romagne, le soleil brillait fort au-dessus du Mapei Stadium. Depuis quelques saisons en Serie A, l’affiche Sassuolo-Hellas est rarement une déception. En partie car elle oppose deux des équipes les plus sexy dans le jeu de la Botte, deux formations qui ne cessent d’attaquer chaque week-end où qu’elles jouent. Leur première empoignade en 2022 n’y fera pas exception : score final 4-2 en faveur du Hellas. Et Antonín Barák dans tout ça ? Un triplé – chanceux diront certains – saupoudré d’une passe décisive pour un récital qui dégoûte les uns autant qu’il ravit les autres. Parmi ces derniers, son coach, Igor Tudor, ne manquera pas d’en placer une ce jour-là pour son maître à jouer tchèque : « Barák est un trequartista atypique, il fait le lien depuis l’arrière et est parfait pour ce type de football. C’est un garçon en or et il a tellement de qualités qu’il peut jouer dans n’importe quelle équipe de Serie A. » Pour l’histoire, ce triplé signé Barák n’est ni plus ni moins que le premier inscrit par un milieu de terrain du Hellas en Serie A. Voilà pour les présentations.
Le joyau de Vérone
Lorsque l’on jette un œil à l’actuel classement des buteurs du plus beau championnat du monde dans les années 1990, il ne faut pas longtemps pour tomber sur l’international tchèque qui fait le bonheur de Vérone. Avec dix réalisations depuis le début de saison en championnat, Antonín Barák est en dixième position. Pour se faire une idée, il a par exemple inscrit plus de buts que n’importe quel joueur de l’AC Milan ou de l’Atalanta. Pas étonnant alors de constater qu’il est le milieu de terrain le plus prolifique de Serie A. Avec Giovanni Simeone (15 buts) et Gianluca Caprari (10 buts), ils pèsent à eux trois 35 des 54 buts inscrits par le Hellas cette année. Un trio diaboliquement tueur qui brille dans le 3-4-2-1 d’Igor Tudor et qui permet surtout au Hellas d’être confortablement installé dans le top 10 avec la quatrième meilleure attaque de l’élite italienne.
Tudor, un maestro que Barák, qui dispute sa cinquième saison en Italie, avait déjà croisé à l’Udinese pour une expérience peu probante il y a trois ou quatre ans. Comment expliquer un tel changement ? « Nous avions aussi une très bonne relation à Udine. Il s’adressait toujours à moi de façon directe, racontait Barák. Mais c’est là où j’ai subi ma première vraie blessure dans le monde professionnel, j’ai manqué presque une saison et j’ai eu du mal à revenir. Je n’avais plus l’impression de faire partie du projet, je ne me sentais pas chez moi et je voulais changer d’environnement. » À Vérone depuis deux ans, Barák esquive les pépins et brille au point que son président parle ouvertement de lui comme d’un joueur « prêt pour jouer dans les cinq meilleurs clubs en Europe ». Mais cela n’a pas toujours été le cas.
Maladie chronique, harcèlement et Cesc Fàbregas
Avant de voir ce grand blond de 27 ans aux chaussettes baissées – et qui fut le seul joueur de l’Euro 2020 à jouer avec des « Pantafolo d’Oro » aux pieds – se réaliser pleinement sur un terrain de foot, il y a eu des années galères. À 17 piges, Antonín Barák se bat contre un syndrome de fatigue chronique lié à une malformation au niveau de sa colonne vertébrale. Pendant six mois, il ne fait rien. « Je dormais 22 heures par jour. J’étais loin de tout : le football, l’école, les amis. Puis j’ai commencé à travailler avec un entraîneur : il m’a fait marcher pendant 5 minutes, puis 10, puis 15 et ainsi de suite. Jusqu’à ce que je recommence à courir. » Courir, cela a toujours été la préoccupation de son père, qui l’a coaché de ses 4 à 15 ans. Mais contrairement à beaucoup de darons qui passent leur temps à dégoûter leurs fils au bord de la main courante sans véritable raison, Barák senior a un CV qui parle pour lui : en Tchéquie, c’est un coach respecté qui a entraîné certaines des équipes nationales de jeunes et a même collaboré avec l’Ajax. S’il fait faire du rab de course à son fils qu’il trouve alors « trop lent », il base ses séances sur l’épanouissement et la technique. Revers de la médaille : comme tous les « fils de coach » , Antonín est régulièrement pris en grippe par certains des jeunes du club de sa ville natale, Příbram. Lorsqu’il intègre l’équipe première quelques mois avant ses problèmes de santé, la situation se répète avec un partenaire qui le harcèle : « Parfois, je rentrais à la maison en pleurant. J’étais vraiment fatigué de cette situation. J’avais 17 ans et je n’avais jamais vécu ça. » À tel point qu’aujourd’hui, l’intéressé refuse d’aborder le sujet et n’a jamais donné le nom de son tortionnaire.
Dix ans plus tard, Antonín est parvenu à surmonter tous les obstacles physiques et mentaux qui lui pourrissaient la vie. Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est que même s’il court beaucoup, Antonín Barák n’est pas devenu un monstre de rapidité. Mais cela n’a pas d’importance, à entendre ce fan de Pavel Nedvěd qui s’en défend : « Comme je comprends le jeu, je peux compenser le fait que je ne suis pas très rapide. Je vais vous donner un exemple : Fàbregas n’était pas très rapide, mais il était toujours le premier à toucher le ballon parce qu’il savait ce qui se passait avant les autres. » Après avoir goûté aux barrages de Ligue Europa avec le Slavia Prague en 2016 et donc à l’Euro avec l’équipe nationale l’été dernier, il aimerait désormais « participer un jour à la Ligue des champions » et « lutter de nouveau, comme au Slavia, pour remporter le championnat ». Pas sûr que ce soit au Hellas que cela se produise. Mais vous l’avez compris : Barak aime bien avoir un coup d’avance sur tout le monde.
Par Andrea Chazy
Propos d'Antonin Barak recueillis par la Gazzetta dello Sport et le Corriere Della Sera.