- Reportage
« Au foot, citoyens ! »
16h, mercredi 16 mars. Didier Roustant et Daniel Karyotis, président de la Banque Palatine, lancent leur opération « Au foot, citoyens ! » au stade Déjerine, coincé entre le périph' et le MacDo de Porte de Montreuil. Douce journée, pelouse bien taillée, une après-midi passée en compagnie des jeunes du Paris FC, des éducateurs et du parrain du programme, Emmanuel Petit
Le concept de l’initiative de Didier Roustan ? Inculquer les valeurs civiques aux petits footballeurs qui vivent dans des conditions pas toujours faciles. Le respect, la tolérance, la maîtrise de soi, la solidarité…. tout ça, quoi. Trois équipes de jeunes participent à l’opération : les débutants (6-8 ans) du SC La Viste (un club de Marseille), les 13 ans de l’ASPTT Marseille et les 15 ans du Paris FC, qui accueillaient le lancement. Les gosses de ces équipes vont être évalués tout au long de l’année. Les critères : des notes sont données à chaque match et pour chaque joueur par les éducateurs sur le respect de l’arbitre, l’attitude envers les partenaires et les adversaires. Comme ça, l’évolution de chaque marmot peut être analysée d’une semaine sur l’autre, le but étant d’améliorer son comportement et de devenir un gentleman du terrain. Ouais bon, ça fait un peu Bisounours dit comme ça, mais l’idée est louable.
Pourquoi cette opération ? Comme le dit Mathieu, éducateur du Paris FC, fier dans son survêt’, les stars du monde pro et leur attitude de merde, ça donne une vieille image aux jeunes qu’il doit gérer, déjà eux-mêmes issus de quartiers pas forcément faciles… Les insultes, les intimidations et les mauvais gestes, c’est pas nouveau dans le monde du foot, mais quand on doit gérer des gamins de 15 ans qui, en plus, se prennent pour les futurs Cristiano… En fait pour Michel, le classe directeur technique de l’ASPTT au petit polo Burberry et au trench noir cintré, « c’est surtout les parents qui posent des soucis, les gosses, eux, sont adorables » . Des parents surexcités par la perspective de voir la cellule familiale se sortir de la précarité : « Au centre d’entraînement de l’OM, on a fait une détection la semaine dernière pour les gosses du club, leurs parents étaient tellement énervés et mettaient tant de pression sur les enfants qu’on a dû les calmer direct » . Le foot, usine à rêves. Des rêves plein de Porsche Cayenne. « La génération rap » comme l’appelle Emmanuel Petit, parrain de l’opération, qui est venu échanger avec les petits du Paris FC, tous assis autour de lui pour une séance de questions-réponses.
D’ailleurs une des premières questions posées par les gamins au champion du monde 98, c’est : « avez-vous fait carrière pour l’argent ? » . Après des premières minutes où les ados font mine d’être détachés, ils rentrent dans le jeu et posent des questions de plus en plus techniques. C’est que Petit s’implique vraiment dans la discussion et cherche à attirer leur attention, notamment par un phrasé de circonstance. « Moi aussi j’étais dans une bande, c’était dans un autre contexte à l’époque, on volait tout le monde mais le foot a été une porte de sortie » explique-t-il. Les jeunes ont l’air finalement vraiment intéressé par le discours de l’ancien Gunner, qui leur rappelle qu’avant de s’en mettre plein les poches, va falloir en baver pas mal d’années. Il commence à philosopher : « c’est le grand homme qui fait le grand footballeur ou plutôt le contraire à votre avis ? » . Un des petits, bagues aux dents, se retourne discrètement vers son pote : « la vie de ma mère, c’est trop compliqué ce qu’il a dit là » . Finalement, après une bonne heure de conversation, les jeunes, armés de leur F-50 Messi et de leur Nike CR7, retournent taper un peu la balle. Mettre des petits ponts aux potes, c’est encore ce qui les fait plus marrer.
Vincent Gersin
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