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Au fond, Courbis est toujours amoureux de l’OM

Par Romain Canuti
Au fond, Courbis est toujours amoureux de l’OM

Il fait comme si la page était tournée depuis longtemps, mais Rolland Courbis fait toujours tout pour gagner à Marseille. Parce qu'au fond de lui, il est toujours amoureux. Mais il n'a toujours pas digéré la relation.

Rolland Courbis est déjà passé par le nouveau Vélodrome cette saison. C’était au mois de novembre, avec Montpellier. Après la rencontre, il est passé dans les couloirs, a serré des mains, s’est montré beau joueur en conférence de presse alors que son équipe, victime d’une erreur d’arbitrage, aurait très bien pu ne pas se faire rejoindre. Puis il est allé gratter avant de partir le maillot de Rémy Cabella. Il aurait pu jouer de son statut pour forcer la porte du vestiaire marseillais, mais il a attendu sagement, trois barrages de sécurité plus loin, que l’on vienne lui apporter. Son ancien joueur n’en avait plus, mais a promis de lui en envoyer un. Courbis a fait comme si de rien n’était et il est parti. Saluant un peu tout le monde avec un sourire tellement banal qu’il en devient distant. Le coup de l’ex que l’on recroise et qui fait tout pour prouver qu’il est passé à autre chose. Mais au fond, un petit cœur qui bat toujours. Les années n’effacent pas une histoire aussi forte.

À la tête d’une des plus grandes équipes de l’histoire du club

Rolland Courbis a été coach de l’OM pendant 2 ans et 5 mois. Jusqu’à Didier Deschamps, c’était un record. Il a été invaincu au Vélodrome pendant 1 an et 8 mois toutes compétitions confondues, ce qui en fait la plus longue période de l’ère moderne du club. Il a commencé un championnat encore plus fort que Marcelo Bielsa, avec un bilan de 11 victoires et 3 nuls sur les quatorze premières journées de sa deuxième saison au club. Mais il était surtout à la tête d’une des équipes les plus fortes de l’histoire du club. Peut-être la quatrième, derrière l’indétrônable trio composé de la formation du doublé 71-72 (Skoblar-Magnusson-Bosquier), celui de la cuvée 91 (Waddle-Papin-Stojković) et bien évidemment 93 (Pelé-Bokšić-Völler). Son équipe de la saison 1998-1999 a envoyé un sacré jeu. Les amoureux de ce sport ont pris autant de plaisir à voir évoluer cette équipe que celle de Marcelo Bielsa l’an dernier. Il y avait d’ailleurs des similitudes. Un ailier reconverti meneur de jeu contre toute attente (Dimitri Payet et Robert Pirès), un équilibre discuté parce qu’il y avait en plus trois attaquants (Dugarry-Maurice-Ravanelli et Ayew-Gignac-Thauvin) et un milieu plutôt joueur sur les deux éléments qui étaient censés être défensifs (Brando-Roy et Imbula-Romao).

À la fin, après avoir longtemps rêvé de titre, les deux équipes se sont effondrées pour finir aux places d’honneur. L’Argentin avait pour lui le fait d’évoluer dans un championnat relevé, avec un Paris intouchable, un Monaco royalement fourni et un centre de formation lyonnais qui arrivait à maturité. Courbis avait lui le plus gros budget de la division. Mais il avait deux excuses. Il est d’abord tombé sur un exceptionnel Bordeaux. Pour preuve, avec une moyenne de points supérieure à l’OM champion de Deschamps en 2010, il ne termine qu’à la seconde place. Mais il a surtout eu le tort d’emmener en même temps sa formation en finale de Coupe UEFA. « Les Bordelais sont éliminés par Parme en quarts, 6-0 au retour, puis regardent tranquillement les demi-finales à la télé. Nous, on élimine Bologne en demies et on rentre d’Italie à 4h du matin le jeudi, alors qu’on joue à Lens, le champion en titre, le samedi. À Bollaert, on est menés 0-1, on a deux blessés, puis on prend trois buts en dix minutes (0-4)… Ce match, on l’a perdu en grande partie à Bologne » , se souvient-il aujourd’hui, amer, dans les colonnes d’Ouest-France. Mais là où Bielsa est encore idolâtré pour le plaisir qu’il a donné aux spectateurs de l’enceinte du boulevard Michelet, Courbis n’est que le gros con qui a fait sortir Dugarry à l’heure de jeu à Paris alors que l’OM menait, une erreur fatale à quelques journées de la fin.

La rupture jamais vraiment consommée

Forcément, la frustration a pris le dessus. Dès qu’il en a eu l’occasion sur les deux dernières saisons, « El local » s’est payé la tête d’ « El loco » . Il s’est donc mis définitivement à dos une grande partie des supporters de l’OM. Mais Courbis s’en fout, pour lui, le mal est déjà fait. Amoureux de ce club où il a été formé, mais dont il a dû partir à peine majeur pour permettre la venue de Marius Trésor, il est revenu l’entraîner contre l’avis de sa mère. Pour elle, le public marseillais, intransigeant avec les siens, allait finir par le bouffer. Et c’est évidemment ce qu’il s’est passé. Courbis ne se remettra jamais du titre perdu en 1999. L’entraîneur avait alors deux portables, une rareté pour l’époque. Un intime et un dont un peu tout Marseille avait le numéro. Les réseaux sociaux avant l’heure. Rolland écoutait tout, et n’était parfois pas loin de la crise de nerfs. Dans la foulée de cet échec, lui qui tenait si bien le marché des transferts français se met à faire n’importe quoi, tente de refaire totalement l’équipe, persuadé qu’il y a un ressort mental cassé dans le groupe. Les coups de trop, il fera peut-être le pire mercato de l’histoire du club. Le roublard est empâté, limite parano et il se fait écarter au moins de novembre. Même s’il était conscient que ça n’allait pas, il était persuadé que les jours meilleurs allaient venir. Il se voyait bien prendre du recul tout en laissant son adjoint aux commandes. Il a appris son départ avant un match de Ligue des champions contre la Lazio. Des dirigeants le prennent à part pour lui dire que Casoni va le remplacer. Sa première réaction est alors de dire : « OK et moi, du coup, j’ai quel poste ? » Vu la moue de ses interlocuteurs, il comprendra que l’histoire s’arrête brutalement. L’adrénaline mettra de long mois à redescendre.

Il rate rarement les retrouvailles

En fait, elle n’est pas redescendue complètement, même si l’intéressé nie en bloc. « Il se fait toujours une fierté d’y venir faire un truc avec l’équipe qu’il dirige. Il y a deux choses dans sa vie : le football et Marseille. C’est en lui, et tu ne peux pas les enlever. Pour Rolland, rentrer au Stade Vélodrome, ça reste quelque chose de fort, avoue son ami Laurent Paganelli à 20 minutes et qui s’enfile déjà du pop-corn en pensant à cet OM-Rennes. Je sais qu’il va encore nous trouver quelque chose. Il va peut-être faire jouer Dembele dans les buts. Il ne peut pas rester « classique » pour un match comme ça. Il sait que le point faible de l’OM, c’est sa charnière centrale, donc il est capable de mettre trois mecs devant dans l’axe. » En novembre, il avait déstabilisé Michel avec Ryad Boudebouz avant-centre et des flèches dans les couloirs. Dans ce stade, il a aussi réussi à déjouer les plans de Bernard Tapie au début de son règne en s’imposant avec sa petite équipe de Toulon, il a récidivé avec son AC Ajaccio contre Philippe Troussier. Et donc avec Montpellier contre Bielsa l’an dernier. Vengeance froide contre ce public qui se repasse en boucle des causeries de vestiaire sous-titrées de l’Argentin, faisant comme si les siennes n’existaient pas. Pourtant, comme le rappelle Paganelli : « Si tu ressembles à Sim, il va te dire que tu ressembles à Alain Delon, et que tu peux aller draguer Claudia Schiffer ou Rihanna, ou piquer la femme de Piqué. » Ça reste de l’amour.

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