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« Au final, on a le même style qu’en 1996 »
Membre de l'épopée tchèque de l'Euro 1996, Vladimir Šmicer a pris le temps d'évoquer ses successeurs. Un groupe sans véritable star qu'il estime capable de battre les ténors sur un match.
La Tchéquie est une équipe pas très fantaisiste, mais solide. On peut simplifier de la sorte ?C’est ça. La qualification a été basée sur le travail : une équipe bien en place, qui travaille bien, qui ne fait pas vraiment le jeu, mais qui sait se projeter vers l’avant rapidement quand elle récupère le ballon. Au final, c’est le style que l’on avait déjà en 1996, quand on a fait l’exploit (la Tchéquie a atteint la finale, ndlr). Je ne pense pas que l’on possède des joueurs en mesure de garder le ballon. On a plutôt une équipe positionnée bas, qui défend bien, et qui tente de ressortir en contre-attaques.
Un jeu de contre-attaques avec un seul attaquant de pointe, cinq joueurs au milieu. Les milieux offensifs excentrés ont un rôle crucial, ils doivent marquer des buts…Totalement. Notre meilleur joueur, c’est Rosický, mais il ne peut pas tout le temps jouer à cause des blessures. C’est un joueur qui peut faire des différences. Quand il n’est pas là, le jeu de l’équipe est différent, car c’est lui le vrai manieur de ballon. Les autres ne déméritent pas, ils courent, ils sont disciplinés, mais pour faire des différences, c’est un peu plus compliqué. Nos milieux offensifs excentrés sont les plus à même d’être dangereux offensivement.
Qui sont les joueurs incontournables de la sélection ?Bonne question, on n’a pas ce type de joueurs. C’est peut être notre force, c’est que chaque joueur peut être remplacé sans que l’équipe ne soit trop pénalisée. À part peut être Darida du Hertha Berlin, ou Dočkal, du Sparta Prague, qui peut jouer dans l’axe ou côté droit.
Et dans le vestiaire, c’est Petr Čech le taulier ?C’est l’homme important, quand il est dans les buts, tous les défenseurs sont plus calmes, car ils savent qu’il y a un gardien fiable. Sa présence donne de la tranquillité à toute l’équipe.
Beaucoup de joueurs importants sont assez vieux, trentenaires. On est en fin de cycle ?
Pour pas mal de joueurs, c’est la dernière chance de faire quelque chose. Rosický, Plašil… ce n’est pas sûr qu’ils continuent après l’Euro. Mais on a des joueurs avec beaucoup d’expérience, Sivok, Kadlec, et c’est bien aussi. On a des hommes d’expérience associés à des joueurs plus méconnus, comme Skalac, qui ont besoin de se montrer.
Il y a une star médiatique dans ce groupe ?Pas vraiment, c’est à l’image de notre parcours qualificatif. Aucun joueur star, pas un énorme talent, mais un bon groupe avec un bon état d’esprit. On joue les uns pour les autres, c’est la force de cette équipe. En revanche, il n’y a pas de joueurs de différences comme le Portugal peut avoir Ronaldo. Chaque équipe a un joueur de ce type, chez nous, c’est plus dur à trouver.
Vous attendez quoi de cette équipe ?Si on passe le premier tour, tout dépend de qui l’équipe va affronter. Mais en match à élimination directe, tout est possible. Notre objectif, c’est déjà sortir de la poule avec l’Espagne, la Croatie et la Turquie. Ce serait déjà honorable.
L’équipe penche t-elle à droite avec le duo Dočkal/Kadeřábek ?Oui, je pense qu’on est plus offensif à droite. Kadeřábek c’est un latéral droit offensif, il était même milieu au Sparta Prague. On a plus de bons joueurs côté droit que côté gauche.
Est-ce qu’il y a des personnalités atypiques dans le groupe ?Darida, c’est un joueur box-to-box qui peut frapper des deux pieds, éventuellement faire quelques différences. Skalac, de Brighton, il est aussi techniquement surprenant, et n’est jamais nerveux. En revanche, on n’a pas trop de joueurs tarés, même Sivok, le plus fort tempérament, n’est pas forcément un fou.
Quel est votre point de vue sur le coach Pavel Vrba ?C’est un bon entraîneur, qui a fait du bon travail à Žilina, il a joué la Ligue des champions et gagné des titres avec Plzeň. Et là il a qualifié l’équipe pour le championnat d’Europe en remportant un groupe avec la Turquie et les Pays-Bas. Il est efficace, il tire toujours le meilleur des groupes à sa disposition. Il voit bien les capacités des joueurs et s’adapte à ça. C’est un entraîneur complet.
C’était quoi le plus grand moment des qualifications ?La clé, c’est le premier match contre les Pays-Bas. Ils sortaient d’une troisième place en Coupe du monde, et on a débuté avec une victoire à Prague contre eux. On avait raté le Mondial, changé d’entraîneur et on n’avait pas gagné nos quatre matchs amicaux avant de les affronter. Et puis on bat les Pays-Bas avant d’aller gagner en Turquie. Là, je me suis dit : « Ça y est, c’est bon, on va se qualifier. » Tu peux te qualifier en étant troisième, alors quand tu débutes en battant les Pays-Bas et la Turquie, tu es quasiment qualifié.
Vous n’avez pas douté après le nul contre la Lituanie ?On avait du mal, surtout à la maison. On n’a pas fait de gros matchs à la maison à l’exception de celui contre les Pays-Bas. On joue mal contre les équipes qui défendent, on manque de créativité au milieu, alors on a lutté sur tous nos matchs à domicile, mais on a pris beaucoup de points à l’extérieur.
La Tchéquie est plus à l’aise contre le Portugal ou l’Allemagne, que contre l’Albanie alors ? C’est clair, c’est caractéristique de l’équipe de Tchéquie.
Est-ce qu’en Tchéquie on voit la France comme un vainqueur potentiel ?On voit que l’équipe de France a bien travaillé, que le groupe fonctionne bien. Les derniers matchs ont été une réussite. Il y a du plaisir entre les joueurs, ce qui est très important. Et vu que vous avez des joueurs de qualité, vous jouez à la maison… Je me souviens de 1998 et de 1984, quand vous organisez un tournoi, vous gagnez. Vous êtes favoris.
Favori ou dans les favoris ?Dans les favoris, vous n’êtes pas tout seul. L’Allemagne est toujours là. L’Italie on ne sait jamais, même si je ne pense pas. Mais en compétition, l’Italie est toujours dure à battre. L’Angleterre a du talent, mais dans un match serré, il manque un truc spécial au milieu pour faire la différence. France et Allemagne sont les deux gros favoris pour moi.
L’Euro se déroule en France, est-ce que les supporters tchèques vont se plaire chez nous ?Nos supporters sont tranquilles, ils vont être bien en France, il n’y aura pas de problème entre les Français et Tchèques. L’alcool principal en Tchéquie c’est la bière, donc nos supporters devraient être contents, il y aura sûrement de la bière belge disponible. Mais bon, la bière c’est surtout à Prague, dans le reste du pays notamment en Moravie, les gens boivent beaucoup de vin.
Propos recueillis par Nicolas Jucha