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  • Les questions existentielles du football

Au fait, c’est quoi, un but venu d’ailleurs ?

Par Antoine Donnarieix
5 minutes
Au fait, c’est quoi, un but venu d’ailleurs ?

En plein cœur d'un match de football, au moment de s'ouvrir une bière ou lorsque la tension est palpable, il apparaît d'un coup sec, sans prévenir. Souvent déclencheur d'une vive émotion, le but venu d'ailleurs reste un événement unique en son genre. Mais qui est-il vraiment ?

Coupe du monde 2006 en Allemagne, huitième de finale entre l’Argentine et le Mexique. Dans cette rencontre tendue, la séduisante Albiceleste de José Pékerman est prise dans les mailles du filet tendu par son adversaire du soir, volontaire et accrocheur. Emmenée en prolongation, elle ne parvient pas à se sortir de ce bourbier, présage d’une séance de tirs au but souvent comparée à la loterie. L’Argentine ne veut pas jouer avec le feu, pas cette fois. Dans la Red Bull Arena de Leipzig, Maxi Rodríguez décide d’endosser le costume du sauveur. 98e minute de jeu. Un centre tendu de Juan Pablo Sorín, un contrôle de la poitrine bien maîtrisé, et pan. Une reprise de volée du gauche, complètement excentrée depuis l’extérieur de la surface. Une folie. Deux secondes où le temps s’arrête, deux touches de balle, pour un but gravé dans les livres d’histoire de la Coupe du monde.

Inscrire ce genre de buts dans la plus prestigieuse des compétitions internationales, tout footballeur professionnel rêve un jour d’y parvenir. Karim Benzema comme Wayne Rooney, Eden Hazard comme Marco Verratti, Stefan de Vrij comme Sergio Ramos. Seulement, les élus sont bien trop rares pour offrir ce plaisir à chacun d’entre eux. Pour aller même plus loin, sans ce facteur de rareté, le plaisir serait réduit, car trop habituel. Pour se matérialiser, le but venu d’ailleurs nécessite une chose immatérielle, présente dans la vie de footballeur comme dans la vie de monsieur tout le monde : le signe du destin, aussi appelé coup de pouce, ou de façon plus brutale, la chance.

Govou : « Il faut être insouciant »

Quand l’Olympique lyonnais expérimente sa toute première phase finale de Ligue des champions durant la saison 2000-2001, le Bayern Munich se dresse devant les hommes de Paul Le Guen, un soir de mars. Habitué à passer son tour en C1, le jeune Sidney Govou va bientôt changer de dimension médiatique. « Steve Marlet était suspendu, Tony Vairelles n’était pas dispo (en prêt à Bordeaux, ndlr), donc il ne restait plus beaucoup d’attaquants mis à part Sonny et moi, résume l’ancien Bleu. Les beaux buts peuvent venir de partout, mais là, le contexte les rend encore plus impressionnants. C’était la deuxième phase de poules, la plus grosse des compétitions européennes, et la victoire était essentielle pour nous ce soir-là. C’est un tout, je pense. »

Dans cette soirée européenne où l’OL est attendu au tournant, Sidney ne s’écrase pas malgré ses 20 ans. Il est invincible. « Je suis arrivé en centre de formation assez tard, donc une partie de mon jeu s’est faite à l’instinct. Ce soir-là, j’ai tenté ces frappes comme j’aurais pu tenter autre chose, mais je pense que le choix était bon. » Mais comment marquer deux buts aussi fantastiques dans un si gros match ? Si certains pensent que cela passe par la concentration ou la détermination, pour Govou, pas du tout. « Il faut être insouciant, comme je l’étais ! De toute façon, j’ai toujours eu confiance en moi-même, c’est une de mes forces… Mais ce soir-là, je ne m’étais pas fait des montagnes d’affronter le Bayern. J’ai juste joué. » Ou joué juste, c’est selon.

Vidéo

Marquer un magnifique doublé contre le Bayern Munich en Coupe d’Europe, l’exploit est déjà colossal. Mais quand en plus de ça, le gardien de but s’appelle Oliver Kahn, on peine à croire ce que l’on voit, le cerveau bloque, que ce soit devant sa télé, dans le stade… ou même après avoir envoyé un obus dans la toile d’araignée de Gerland. « Honnêtement, j’ai un gros trou de mémoire ! J’ai couru vers le public, mais j’étais porté par l’émotion, confesse Govou. Tu perds le fil, tu ne vois plus rien, tu n’entends plus rien. Dans ma carrière, j’ai rarement connu ça… Je dirais même que je ne l’ai plus jamais connu. » La crise d’appendicite du foot, en somme.

Un but à double tranchant

Dès lors, une fois la foule acquise à sa cause, le passage post-célébration rend-il encore meilleur ? « En tant que joueur, cela ne m’a pas transformé, juge l’ancien numéro 14. Je restais déjà sur de bonnes performances. La preuve : en fin de semaine, j’avais déjà un rendez-vous de prévu avec le président pour signer un nouveau contrat. Bon, le match m’a sûrement aidé à mieux négocier derrière hein, mais j’étais déjà dans les petits papiers. » Un but, aussi dingue soit-il, ne joue donc pas sur les performances intrinsèques d’un joueur, mais peut lui offrir une belle page à garder dans ses DVD de collection…

Cependant, l’inverse n’est jamais très loin et peut prendre la forme d’un cauchemar à éradiquer au plus vite de sa boîte à souvenirs. Toujours présent pour l’occasion, Govou avait assisté depuis le banc de touche du Parc des Princes à l’éclair de génie signé James McFadden, lors d’un France-Écosse pour les éliminatoires de l’Euro 2008. « Même si tu constates le but et que tu vois qu’il est beau, t’as quand même pris un sacré coup au moral et ton premier réflexe, c’est de te dire : « Oh le salaud, il aurait pu éviter aujourd’hui ! » Après, d’un point de vue objectif, le geste reste magnifique. »

Passer du rire aux larmes pour un but sorti de nulle part, c’est finalement bien là que réside la source même de ce sport. « C’est ça le foot, c’est pour des actions comme ça qu’on l’aime, résume Govou. Ça te procure des émotions fortes. Ensuite, en tant que spectateur, je ne suis pas trop du genre à bondir de mon canapé et m’exciter. Je reste calme. » Qu’il soit encaissé ou inscrit, le but de malade sera donc toujours lié à des émotions bien personnelles, accessibles pour tous les fans de foot. « La base, c’est l’instinct, termine Govou. Certains réfléchissent trop et pensent qu’ils ne vont jamais y arriver. Parfois, il faut arrêter de penser. La technique, c’est d’y aller et frapper. La balle pourra peut-être partir en tribunes, mais si tu es dans un bon jour, elle partira en lucarne. Et ça peut arriver n’importe où : en finale de Ligue des champions, mais aussi en DH, en district, au street, de partout ! Ce n’est pas du tout réservé à l’élite, bien au contraire. » Au prochain futsal, jouez-la comme Maxi Rodríguez.

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Par Antoine Donnarieix

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