ACTU MERCATO
Au-delà du mercato : qu’est-ce que Al-Wehda ?
Enclavée entre la mégapole portuaire de Djeddah et les montagnes du Hedjaz, La Mecque est devenue au fil des siècles le point de rencontre des musulmans du monde entier. Depuis quelques années, des joueurs internationaux s’y retrouvent également pour évoluer à Al-Wehda, sujet du cinquième épisode de notre série sur l’histoire des clubs saoudiens.
L’ADN : avec l’Indonésie en filigrane
Depuis février 2023, Al-Wehda est référencé dans le monde occidental pour avoir encaissé un quadruplé de Cristiano Ronaldo. Dans le monde musulman, ce club de La Mecque est pourtant bien connu depuis longtemps. Depuis sa fondation même, puisqu’il fut créé par des pèlerins indonésiens de passage dans la ville sainte. Par la suite, le lien entre les musulmans locaux et les pèlerins indonésiens n’a jamais été coupé, Al-Wehda (« L’Unité ») créant une passerelle sportive entre eux. Le blanc et le rouge arborés sur les tuniques des joueurs ou par les supporters rappellent aujourd’hui ce lien indélébile avec l’Indonésie. Un flou subsiste toutefois quant à la date exacte de création du club mecquois. Si beaucoup prônent une création dès 1916, le club ne fut officiellement enregistré qu’en 1946, créant une querelle avec le doyen d’Al-Ittihad sur le sujet. En 2019, le club de Djeddah avait même attaqué en justice Al-Wehda pour l’inscription « 1916 » sur son logo, obligeant ce dernier à la retirer. Malgré sa richesse historique et sociale indubitable, Al-Wehda se veut bien plus modeste sportivement. Il possède, certes, une équipe de handball très performante, mais la section football du club n’a remporté que quelques coupes entre les années 1950 et 1960, ainsi que d’épisodiques titres de champion en deuxième division. Au sein de l’élite, rien de semblable. Al-Wehda est plus habitué à faire l’ascenseur entre les deux premières divisions, jouant les premiers rôles en deuxième et les seconds couteaux en première. C’est un peu le FC Metz saoudien, quoi.
Côté ville : résider dans une ville sainte, une affaire complexe
Considéré comme le lieu de naissance du prophète Mohammed, La Mecque est devenue au fil des siècles le point de convergence des communautés musulmanes du monde entier. Cette centralité se symbolise par la Kaaba, figurant au cœur de la grande mosquée Al-Harâm et du territoire éponyme dans la ville. Cet espace « Al-Harâm », ou « sacré » en français, recouvre une grande partie de La Mecque et a pour particularité de n’être accessible qu’aux personnes de confession musulmane. Pour pallier cela, les installations et le stade d’Al-Wehda ont été construits en dehors de l’espace saint. De sorte à ce que les supporters et les joueurs non-musulmans – qui vivent pour la plupart à Djeddah, à quelques dizaines de kilomètres – puissent tout de même participer aux rencontres des Chevaliers de La Mecque. Bien que le stade du Roi-Abdulaziz et ses près de 40 000 places demeurent en dehors des frontières sacrées, son histoire reste étroitement liée à ce qui se passe en son sein. A partir des années 1970, le gouvernement saoudien s’était en effet employé à créer de grandes infrastructures dans la ville pour l’accueil de pèlerins toujours plus nombreux. Peu importe que cette entreprise ait détruit des sites historiques irremplaçables. Elle devait surtout permettre la création d’immenses complexes hôteliers, de meilleures voies d’accès aux lieux saints ou… ce stade, qui fut construit en 1986.
Héros d’antan : Anselmo de Moraes, capitaine de l’antipode
Parallèlement à l’élan urbain que connait l’Arabie saoudite à la fin des années 1980, l’une des futures légendes d’Al-Wehda naît, à l’autre bout du monde, à São Paulo. Après de courtes piges en Italie, Anselmo de Moraes rentre au pays puis rallie le club saoudien en 2018 depuis l’Internacional. Très vite, le milieu de terrain s’impose comme une référence du championnat. Grâce à ses dribbles dévastateurs et sa vision de jeu, il s’éclate dans un football – au même titre que le brésilien – encore peu rigoureux tactiquement. Brassard de capitaine sur le bras, il mène surtout les Chevaliers de La Mecque à une quatrième place historique en 2019-2020, plaçant l’équipe devant des clubs tels qu’Al-Shabab, Al-Ettifaq ou Al-Ittihad. Malgré un prêt d’un an à Al-Nassr en 2021-2022 pour qu’Al-Wehda se décharge de son salaire, le capitaine brésilien y est bien de retour et devrait encore être l’un des joueurs phares du club la saison prochaine.
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L’avis de : Abdullah, habitant de La Mecque
« Beaucoup de Mecquois supportent aujourd’hui des clubs de Djeddah ou de Riyad, mais nous sommes tout de même beaucoup à soutenir Al-Wehda. Même si la religion prend une place centrale dans la ville, le football s’en est trouvé une aussi. Par exemple, c’est impossible de se balader dans un quartier de La Mecque (en dehors du territoire sacré) sans trouver un enfant ou des adultes en train de jouer sur l’un des très nombreux terrains construits ici. Rien que devant ma maison, il y en a deux ! »
Quelle équipe pour Al-Wehda en 2023-2024 ?
En raison de moyens plus modestes – mais pas moins importants – que les grands clubs saoudiens, l’équipe dirigée par le grec Giorgos Donis (ex-APOEL Nicosie et Panathinaïkos) ne devrait pas procéder à une refonte complète de son effectif. La plupart de ses joueurs étrangers devraient s’y maintenir, Anselmo de Moraes en tête. D’autres comme le vétéran Óscar Duarte, appartenant à la génération dorée du Costa Rica, l’ancien Caennais Fayçal Fajr ou l’avant-centre français Jean-David Beauguel resteront aussi, en principe, à La Mecque. Ce dernier pourrait néanmoins céder sa place de titulaire en attaque à Ciro Immobile. L’attaquant italien est la grande cible des Chevaliers de La Mecque, qui lui proposent un contrat de 60 millions d’euros étalés sur trois ans. Le défenseur marocain Jawad El-Yamiq, demi-finaliste de la Coupe du monde, ainsi que Nampalys Mendy, sont aussi en négociations avancées avec le club saoudien. Al-Wehda devra tout de même continuer de placer sa confiance en certaines jeunes pousses mecquoises, telles que l’arrière gauche bien nommé Islam Hawsawi (21 ans). Parce que même dans le football, la religion n’est jamais très loin à La Mecque.
Par Amaury Gonçalves