ACTU MERCATO
Au-delà du mercato : qu’est-ce qu’Al-Fateh ?
Après une belle entrée en championnat (4 points en 2 matchs), le club d’Al-Fateh compte bien jouer les trouble-fête lors de cette nouvelle édition de Saudi Pro League. Comme il y a dix ans. Huitième et dernier épisode de notre série consacrée à l’histoire des clubs saoudiens, avec la nouvelle formation de Jason Denayer.
L’ADN : un conquérant devenu modèle
Poussés par la jeunesse d’Al-Mubarraz, ville de la province orientale, trois hommes d’affaires locaux y créent un club en 1958. Il permet aux petits et aux plus grands du coin de s’amuser chaque semaine autour d’un ballon rond, mais se veut ambitieux. Al-Fateh (« Le Conquérant ») de son nom, l’institution cherche l’approbation des fans de football issus de la région, mais sa stagnation dans de basses divisions lui barre cette voie. Dans la province orientale, Al-Fateh ne parvient pas à sortir de l’ombre faite par Al-Ettifaq et ses succès des années 1960, ne restant longtemps qu’un club qui ne compte pas dans le paysage saoudien. En mal de reconnaissance, Al-Fateh sort de terre de grandes infrastructures sportives dans la ville d’Al-Mubarraz à partir des années 1990. Un moyen de donner des opportunités sportives aux jeunes de la région, telles qu’elles existent déjà dans les grandes villes saoudiennes. Un moyen aussi de s’attirer leur sympathie. Mais pour cela, il faudra attendre 2013. Cette année-là, les Fils des palmiers n’ont intégré la Saudi Pro League pour la première fois de leur histoire que depuis quatre saisons. Pourtant, ils créent la surprise et raflent le titre, au nez d’Al-Hilal et à la barbe d’Al-Shabab. Les faisant entrer dans l’histoire du football saoudien, ce titre est le premier depuis 1987 à n’être remporté ni par un club djeddien ni par un club riyadien. Il entérine aussi le rôle de modèle du club, salué pour ses performances dans toutes les disciplines sportives, du handball à la natation.
Côté ville : à la conquête d’un public
Au sein de la province orientale du pays, le contexte est très différent de ceux de Riyad ou de Djeddah. Beaucoup d’argent y est expulsé des puits de pétroles, mais on n’y trouve aucun grand centre urbain comme c’est le cas dans les villes hébergeant Al-Nassr et Al-Ittihad. Assez peu d’unité, donc, entre les habitants des différents centres démographiques de la région. Cette communauté hétéroclite se divise alors en plusieurs bases de supporters, dont seule une minorité soutient les clubs locaux plutôt que l’un des quatre géants nationaux. À Al-Mubarraz, entre Dammam et Riyad, le club d’Al-Fateh réussit tout de même, petit à petit, à se créer une base d’appui solide. Le club est aussi appuyé financièrement par des cheikhs liés au gouvernorat local, permettant de renforcer le poids du club dans la province. Sans les moyens ni l’exposition des clubs des grandes métropoles, Al-Fateh sait pourtant leur faire peur.
Héros d’antan : Élton d’Arabie
Le titre historique acquis par Al-Fateh a deux principaux artisans, tous deux étrangers. Tandis que l’avant-centre congolais Doris Fuakumputu inscrit 17 buts cette saison-là, c’est surtout le meneur de jeu brésilien Élton Gomes qui brille alors. Surnommé Élton Árabia pour être arrivé dans la péninsule arabique dès 2007, son accomplissement le plus retentissant reste d’avoir offert un championnat à Al-Fateh en 2013. Impliqué sur 21 buts, il est élu meilleur joueur de la saison en Saudi Pro League. D’où qu’ils soient, les observateurs du championnat ne manquent ses prestations sous aucun prétexte, le Brésilien étant capable d’enchaîner les buts supersoniques depuis plus de 35 mètres. La saison suivante, Élton Árabia n’a pourtant pas l’occasion d’exposer ses frappes surpuissantes en Ligue des champions, où Al-Fateh ne remporte aucun match. Le club s’est depuis inscrit dans le ventre mou du championnat saoudien, laissant derrière lui une gloire épisodique au souvenir immortel.
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L’avis de Hussein, supporter d’Al-Fateh
« Les matchs joués contre Al-Fateh sont toujours difficiles pour les grandes équipes du championnat. À l’inverse de la plupart des plus petits clubs, Al-Fateh offre un jeu bien plus offensif et un pressing souvent intense. D’autres préfèrent défendre avant tout, mais ce n’est plus dans notre mentalité. C’était aussi notre façon de faire lors de la saison du titre en 2013, mais le football saoudien a beaucoup évolué depuis, alors nous avons dû nous adapter pour espérer, un jour, connaître ce succès à nouveau. »
Quelle équipe pour Al-Fateh en 2023-2024 ?
La région entourant Al-Mubarraz représente un grenier de nourriture pour l’Arabie saoudite, grâce à ses vastes et nombreux élevages de bétail. Elle symbolise aussi un petit grenier d’internationaux, puisqu’avec Al-Shabab, Al-Fateh est la seule équipe pouvant se targuer d’avoir placé l’un des siens dans le onze titulaire de l’Arabie saoudite lors de la dernière Coupe du monde, aux côtés de l’écrasante majorité de joueurs d’Al-Hilal. Cette exception, Firas Al-Buraikan, est pour cela l’un des joueurs les plus en vogue d’Al-Fateh, les supporters étant fiers d’être représentés par une star nationale. La saison prochaine, l’avant-centre saoudien sera plutôt bien entouré. Il sera accompagné de l’Espagnol Cristian Tello, au club depuis un an, mais surtout du n°10 arménien Lucas Zelarayán, fraîchement débarqué de MLS où il était sans conteste l’un des meilleurs joueurs. Le club négocie aussi l’arrivée de Julian Draxler, pour qui l’Europe semble devenir trop exigeante. Plus bas, le milieu défensif Petros, habitué aux joutes saoudiennes, formera une première barrière destinée à repousser les attaquants adverses. Ces derniers devront ensuite se frotter à la nouvelle charnière centrale se composant de Fran Vélez et de Jason Denayer. De quoi prolonger la réputation de poil à gratter qui colle à la peau d’Al-Fateh.
Par Amaury Gonçalves