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À Clermont, les U19 aussi font des miracles
Les jeunes du Clermont Foot vivent un rêve éveillé : ils affrontent l’AS Monaco ce samedi (17 h 15) au Stade de France dans le match le plus important de leur carrière : la finale de la Coupe Gambardella.
Le calme règne encore sur le complexe des Gravanches à Clermont-Ferrand, à trois jours d’un match dans toutes les têtes. Une infrastructure novatrice, où rugbymen de l’ASM Clermont et footballeurs du Clermont Foot se côtoient tous les jours au sein d’un centre de formation partagé, fruit de l’idée révolutionnaire de l’ex-président du CF63 il y a six ans, Claude Michy.
Pas d’inquiétude, donc, si la tunique jaune et bleu vous apparaît au premier abord, il faut s’enfoncer un peu plus loin pour apercevoir les héros du moment. Les jeunes du Clermont Foot sont en finale de la Gambardella, dont ils partagent l’affiche avec une autre ASM, celle de Monaco cette fois. Pour cette séance du mercredi, l’état d’esprit est exemplaire. Chacun est concentré, le regard tueur, les prises de risques dans les contacts sont assumées, personne ne craint une blessure. Les plus dissipés sont bien leurs collègues de National 3, sur le terrain d’à côté. « Ce n’est pas nous qui faisons le plus de bruit, ce sont les grands de la N3 qui viennent nous chambrer. Ils avaient été moins loin, eux. Ils nous donnent de la force, et mettent l’ambiance pour qu’on aille au bout », confie après la séance Mohamed-Amine Bouchenna (16 ans), la star de cette équipe.
Les enfants de Pascal Gastien
Au programme, un toro, du jeu court au sol, puis long, avant une opposition entre remplaçants et titulaires. « On ne fait pas une séance pour faire une séance, on cherche à s’améliorer », crie à ses troupes le coach Sébastien Mazeyrat. Il arpente le terrain, au plus près de ses protégés, pour déceler les moindres erreurs. « C’est un groupe sérieux, pas du tout pénible à gérer. Ce sont des travailleurs », affirme l’entraîneur.
Les habitudes n’ont pas changé pour cette semaine spéciale. Le groupe s’est préparé comme aux tours précédents, avec le rapatriement de certains joueurs promus en N3. Même s’il faut, cette fois, être vigilant sur d’autres aspects que le jeu. « Il faut canaliser l’excès d’envie, ce sont des garçons fougueux. Ils sont hyperdéterminés, il faut plus les freiner que les pousser », relève Sébastien Mazeyrat.
En voyant évoluer les jeunes pousses, on ne peut s’empêcher de remarquer la philosophie de Pascal Gastien observée en Ligue 1. Jeu qui repart de l’arrière, en une touche de balle, toujours au sol, sans balancer devant, avec des ailiers rapides et un entrejeu qui maîtrise son sujet. Le technicien auvergnat a instauré ses principes à tous les niveaux, lui l’ancien directeur de la formation du Clermont Foot. « C’est la base de notre projet. Ils sont formatés pour faire ça et on les entraîne pour ça. Pascal (Gastien) était présent sur la séance de mardi, il vient assez souvent parce qu’il prend plaisir à les voir grandir », confirme le coach des U19.
Le président du club Ahmet Schaefer, qui a repris le club il y a trois ans, a parfaitement assuré la transition lors de son rachat, en laissant à Gastien père le soin de transmettre ses savoirs. « Pascal regarde le plus de matchs de jeunes possible, en plus de ceux du FC Biel-Bienne (D3 suisse) et de l’Austria Lustenau (D1 autrichienne), nos clubs satellites, pour vérifier que sa philosophie de jeu est bien appliquée. Ça montre qu’il aime travailler avec des jeunes joueurs. Il sait les former et les mettre en avant. Les résultats que l’on voit aujourd’hui, ce sont les bases qu’a mises Pascal Gastien il y a sept ans comme directeur du centre, affirme le boss du CF63. Le projet est clair, les joueurs jouent, l’environnement familial du club est bon, on a nos valeurs, on travaille et on reste humble. »
Contrôle d’anglais et panne de sommeil
Cette finale est forcément dans les têtes de tout le monde dans un club déjà à la fête, déchargé de la pression du maintien des A, assurés de rester dans l’élite. « Si quelqu’un nous avait dit qu’on serait en finale de Gambardella, en étant quasiment maintenus avec les A, on n’y aurait pas cru. Je signe chaque année pour ça, c’est magnifique », se réjouit Ahmet Schaefer.
Enzo Cantero l’avoue, il a hâte de fouler la pelouse du Stade de France : « C’est de l’excitation, personnellement je dors mal la nuit, je n’ai qu’une envie, c’est de jouer. Je me suis imaginé tous les buts que je pouvais mettre, c’est quelque chose qu’on ne joue qu’une fois dans notre vie. » Le jeune homme a fait très forte impression tout au long de la compétition sur le côté droit de l’attaque. Son pied gauche ravageur et son sens du but ont fait de lui un élément fort du groupe. Il a inscrit un doublé en 32es contre Béziers (2-1), avant d’être décisif en quarts contre Carquefou (4-0) et d’égaliser juste après le but précoce de Rennes en demies lors de la qualification aux tirs au but (2-2, 5-4 TAB).
Il forme un trio d’attaque prolifique avec Ilhan Fakili, sur le côté gauche avec une pointe de vitesse impressionnante, lui aussi à quatre réalisations, dont le deuxième but contre le Stade rennais et le seul de la partie en 16es contre Istres (1-0). En pointe, Mohamed-Amine Bouchenna, double buteur en 8es contre Marignane Gignac (4-2) et déjà en contrat pro depuis fin 2022 (ce qui a fait de lui le plus jeune pro Clermontois de l’histoire à 16 ans et 5 mois), comptera sur son sang-froid devant les cages pour faire la différence. Un atout de poids face à l’impressionnante défense monégasque, qui n’a concédé que deux buts sur l’ensemble de la compétition. « On se sent prêts, on a travaillé, donc on est confiants. […] Il faudra qu’on rentre mieux dans notre match, c’est ce qui nous avait fait défaut en demies », argumente Bouchenna.
Au Stade de France, ils ne pourront pas compter sur autant de supporters qu’en demies, dans un Gabriel-Montpied bien garni avec environ 8000 spectateurs. « Je ne m’attendais pas à autant de supporters. Quand on sort du couloir, qu’on se retourne et qu’on voit que toute la tribune est remplie, pour nous c’est incroyable », assure Enzo Cantero. Ce mercredi, ils ne sont que quelques-uns à venir encourager leurs jeunes. Après avoir craqué des fumigènes et chanté, ils repartent avant la fin de l’entraînement, sans doute avec l’envie pressante d’aller se désaltérer. Cette finale sera pour sûr l’aboutissement ultime d’une belle bande de copains, sans égo, dans le calme et la sincérité. Certains seront même rappelés à leur vie d’étudiants jusqu’au dernier moment : quatre d’entre eux passent un contrôle d’anglais vendredi matin à 7 h 30 au lycée Godefroy de Bouillon. Avant que le bus ne vienne les chercher juste devant l’établissement pour filer sans escale au Stade de France, sans doute sous les applaudissements de leurs camarades et professeurs. Et rien que ça, c’est déjà une victoire pour n’importe quel lycéen.
Par Jason Cotard, à Clermont