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Au Betis, Joaquín retourne a casa
Fabuleux étendard du Betis du début du millénaire, Joaquín s'est offert un exil de neuf ans. Avant de retrouver sa maison. Enfin de retour dans son club formateur, ce Betico de toujours a déjà réussi son retour : plus de 20 000 personnes étaient présentes pour lui souhaiter la bienvenue chez lui.
Le Sánchez-Pizjuán est d’humeur taquine. Vainqueur, une heure plus tôt, de sa demi-finale aller de Ligue Europa face à la Fiorentina, il s’apprête à retrouver sa quiétude. Il ne reste plus que quelques joueurs qui, sourire aux lèvres, sont pressés de quitter ses travées. Entre les Sevillistas, un seul survêtement violet continue de serrer des pinces et de poser avec quelques gamins. Cette gouaille, c’est celle de Joaquín Sánchez Rodríguez. Enfant adulé de l’autre Séville, celui des Beticos, il quitte l’antre ennemi en offrant un cadeau au jeune Adrian, 14 ans, qui vient tout juste de se faufiler à travers les mailles de la sécurité. Alors qu’il s’apprête à être recalé, Joaquín l’étreint, lui offre un selfie, une dédicace personnalisée et la plus grande joie de sa vie. Adrian ne le sait pas encore, mais son idole se prépare à un retour aux sources. Un retour qui a été officialisé ce mardi par une fiesta au Benito-Villamarín. Devant plus de 20 000 aficionados, le natif du Puerto de Santa María a lâché quelques larmes et avoué « vivre un rêve » : « Je vais profiter de chaque minute de ce retour, même si je ne suis jamais parti du Betis. »
« Celui qui était avec nous, c’était son frère »
De départ, il y a bien eu. C’était à l’été 2006. Fort d’un Mondial allemand avec la Roja – son second après l’édition asiatique de 2002 -, il décide de prendre ses cliques et ses claques. Estimant avoir « tout gagné au Betis » , il prend la direction de Valence qui, contre un chèque de 25 millions d’euros, en fait le joyau de son mercato. Ce statut de joyau, Joaquín l’a connu dès ses débuts au Betis Séville. Recruté à l’âge de 16 ans au CD San Luis, il débarque dans un certain anonymat. « Celui qui était avec nous, c’était Ricardo, rembobine Miguel Valenzuela, entraîneur de l’équipe vainqueur de la Coupe du Roi junior de 1999. Il nous a demandé si son petit frère pouvait venir à l’essai. Il m’a dit qu’il était numéro dix. Il n’avait aucune idée du poste et courait toujours vers le ballon. Mais quand il le prenait, il avait quelque chose de spécial. Nous l’avons gardé. Quelques mois plus tard, en demi-finale de la Coupe, nous avons battu le Barça 4-1. Il leur a tout fait et a offert les quatre buts. Même le président Nuñez et Van Gaal sont descendus dans le vestiaire pour le féliciter. » En finale, rebelote : le Real Madrid s’incline 2-1 face au talent de Joaquín.
Rapidement, le centre de formation du Real Betis Balompié se trouve trop petit pour le talent de Joaquín. Le Benito-Villamarín et ses 56 000 strapontins découvrent cette nouvelle pépite à l’aube du nouveau millénaire. Fringuant et désarçonnant, il devient vite la nouvelle coqueluche des Verdiblancos de la capitale andalouse. Ce n’est qu’en 2001 qu’il découvre les joies de la Primera Division, son Betis évoluant une année auparavant au second échelon national. Sur une aile ou dans l’axe, il met la même misère à ses adversaires. Des mimiques de crack et une envie de gamin qui lui offrent un ticket pour l’aventure asiatique de la sélection espagnole. Sous les ordres de Camacho, il devient le Franck Ribéry espagnol, la cicatrice en moins. Contrairement au natif de Boulogne, il gagne le statut de chat noir. Bien incapable d’inscrire son penalty décisif en quarts de finale face à la Corée du Sud, il élimine par là même sa sélection. Le Betis, lui, sourit. Car Joaquín casse la baraque en Liga et en Coupe du Roi. Cette dernière, il la remporte même en 2005 pour ce qui reste le dernier trophée des Beticos.
Du cœur et du lait maternel
En 2006, le divorce est pourtant consommé. Après avoir rejeté des offres du premier Real de Florentino Pérez ou du Chelsea de Mourinho – « il était fou de lui. Mais mon enfant lui a dit que non, il ne s’en irait pas, tout Mourinho qu’il soit » , raconte son paternel au Pais -, il accepte pourtant celle de Valence. Un départ qui se fait dans la douleur, puisque durant ses cinq saisons à Mestalla, jamais il ne retrouve sa spontanéité sévillane. Miguel Valenzuela, toujours : « Joaquín est un joueur qui a besoin de se sentir important. Il a besoin de savoir que les tribunes sont avec lui. À Valence, il n’a jamais connu cette sensation. » Après deux passages, plus que réussis, par Málaga et la Fiorentina, il retrouve donc son Benito-Villamarín, car « mon cœur me le demandait » . Pour ce qui reste son dernier défi, il espère offrir aux Beticos un maintien sans stress et quelques joies. De toute façon, son père prévient qu’il « peut jouer jusqu’à 40 ans grâce à sa génétique » : « Je l’ai toujours dit. La clé réside dans le lait maternel, puisqu’il a tété le sein de sa mère jusqu’à ses six ans. » Assurément du lait andalou.
Par Robin Delorme, à Madrid