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Le Bénin victime des petites amitiés d’Infantino ?
Le Bénin l’a mauvaise. Les Guépards ont dû jouer au Rwanda, dans un stade non homologué par la CAF et hors date FIFA, un match qualificatif pour la CAN 2023 qui aurait dû se dérouler à Cotonou. La raison avancée ? La franche amitié entre Paul Kagame, le chef de l’État rwandais, et Gianni Infantino, le boss de la FIFA, et leur entregent en Afrique.
À l’autre bout du fil, la voix de ce proche de la Fédération béninoise de football (FBF) est un mélange d’agacement et de résignation. « Et ça recommence ! Il y a deux ans, on s’était fait arnaquer sur l’affaire des tests Covid lors d’un déplacement en Sierra Leone, ce qui avait coûté à la sélection une qualification pour la CAN au Cameroun. Cette fois-ci, on a changé tout notre programme presque à la dernière minute, et nous sommes nombreux, ici, à croire que tout s’est joué au très haut niveau, dans des sphères qui nous dépassent. »
Pour bien comprendre ce qui ressemble fortement à une conclusion définitive, il faut remonter quelques semaines en arrière. Le Bénin et le Rwanda doivent s’affronter deux fois en qualifications pour la CAN 2024 en Côte d’Ivoire, dans un groupe L également composé du Sénégal et du Mozambique. Les Béninois devaient recevoir le mercredi 22 mars au Stade de l’Amitié à Cotonou et les Rwandais cinq jours plus tard, au stade international de Huye, au sud du pays. Mais la Confédération africaine de football avait mis son veto, en raison de la qualité des infrastructures hôtelières de l’ancienne Butare, pas adaptées pour accueillir des sélections nationales A. Et l’instance avait donc décidé que les deux matchs se joueraient finalement à Cotonou.
Au Bénin, l’axe Kagame-Infantino-Motsepe soupçonné d’avoir forcé la main
Pourtant, rien ne s’est passé comme prévu. Quelques heures après le match du 22 mars, qui avait vu Gernot Rohr diriger pour la première fois les Guépards, les Rwandais font leurs valises et filent à l’aéroport international de Cotonou pour monter dans un avion de ligne, direction Kigali. « Ils étaient bien décidés à partir et à ne pas revenir. Des gens de la fédération ont tenté de leur demander de ne pas quitter Cotonou, mais en vain », poursuit cette source. Et pour cause, puisque la CAF avait décidé de tout chambouler. « Le Rwanda a proposé de jouer au stade Pelé à Kigali, un stade qui n’est pas homologué par la CAF, car les tribunes ne peuvent pas accueillir de spectateurs, et cela a été validé », ajoute notre interlocuteur. Contacté par So Foot, Véron Mosengo-Omba, le secrétaire général de la CAF, a livré la version officielle. « Nous avons décidé de donner notre accord, car le terrain et les vestiaires sont homologués, mais comme les tribunes ne le sont pas, nous avons imposé le huis clos. Ce n’est pas la première fois que nous acceptons de donner une chance à un pays », explique le dirigeant.
Ces explications ont pourtant du mal à convaincre au Bénin, où on préfère plutôt insister sur des motifs un peu moins avouables. Et notamment une intervention de Paul Kagame, le chef de l’État rwandais, auprès de son ami Gianni Infantino, le président de la FIFA, et réélu le 16 mars dernier lors du Congrès de l’instance à… Kigali. « Mettez-vous à la place de Kagame, qui en plus adore le foot. Il accueille le monde du football dans d’excellentes conditions, mais son pays est incapable de recevoir le Bénin pour un simple match qualificatif pour la CAN. Ce n’est bon ni pour son image, ni pour son ego. De plus, le match a été décalé au 29 mars, c’est-à-dire en dehors des dates FIFA (20-28 mars), ce qui a contraint Gernot Rohr à libérer plusieurs joueurs, rappelés par leurs clubs en Europe, intervient une autre source béninoise, bien introduite dans les milieux sportif et diplomatique. On imagine bien le circuit : Kagame appelle Infantino qui appelle Patrice Motsepe, le président de la CAF, qui appelle Mathurin de Chacus, le président de la fédération béninoise. »
La réserve du Bénin pour régler le problème ?
Contacté, ce dernier réfute cette hypothèse. « Je n’ai pas subi de pression, il me semblait logique d’aller jouer à Kigali, à partir du moment où la CAF était d’accord pour que le match s’y joue. » Au Caire, au siège de la CAF, on ne dit pas autre chose. « Il n’y a eu aucune intervention de la part de Paul Kagame auprès de Gianni Infantino, et de Gianni Infantino auprès de la CAF. Ce sont de pures spéculations », insiste Véron Mosengo-Omba. Pas sûr, pourtant, que les Béninois avalent ces arguments, surtout quand on connaît le poids diplomatique du Rwanda en Afrique. « Sur ce plan, le Bénin ne pèse pas grand-chose, alors que c’est tout le contraire pour Kagame », explique un ancien diplomate, fin connaisseur du continent africain.
Mais l’affaire n’est peut-être pas terminée, puisqu’après le match du 29 mars (1-1), les Béninois ont déposé une réserve officielle à propos de la présence sur la pelouse synthétique de Kigali de l’attaquant Kevin Muhire, averti lors de la 2e journée face au Sénégal (0-1, le 7 juin 2022 à Dakar) et également le 22 mars à Cotonou. « Normalement, il aurait dû être suspendu », rappelle Rohr. Le Rwanda pourrait donc perdre ce match sur tapis vert. « Et là, Kagame et Infantino ne pourront pas faire grand-chose », ironise une des sources béninoises. Méfiance quand même.
Par Alexis Billebault
Tous propos recueillis par AB