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Atlanta, c’est l’Argentine

Par Romuald Gadegbeku
6 minutes
Atlanta, c’est l’Argentine

Considéré par ses détracteurs comme la marionnette de Lionel Messi à Barcelone, puis avec la sélection argentine, Gerardo « Tata » Martino est, enfin, marionnettiste en chef à Atlanta en MLS, où chaque match est un spectacle, et où la ville s'éprend du beautiful game.

De l’Estadio Marcelo Bielsa à Rosario, en Argentine, au Mercedes-Benz Stadium d’Atlanta, aux USA, il n’y a qu’un pas. 7830 kilomètres balayés en un éclair, par une philosophie héritée, et une ferveur découverte. Deuxième au classement (avec un match en retard, N.D.L.R.) de la Conférence Est de la MLS, l’équipe de Gerardo « Tata » Martino s’affiche comme la plus excitante de la Ligue grâce à son jeu intense et débridé, et l’enthousiasme d’une ville qui la porte. Caricaturé comme le pantin de Messi au Barça, puis devenu sélectionneur de l’Albiceleste par défaut, dans le nord de la Géorgie, Martino a, depuis un an et demi, les coudées franches pour exprimer sa philosophie auprès de joueurs jeunes et malléables.

La revanche d’un bielsiste

« Je l’appelle le génie, tactiquement il nous fait énormément progresser, il me surprend parfois en voulant qu’on soit toujours plus offensifs. » C’est en ces termes que Julian Gressel, 24 ans, latéral droit du 3-5-2 des Five Stripes, évoque l’Argentin. Celui qui a été élu en 2003 meilleur joueur de l’histoire du Newell’s Old Boys se revendique héritier de Bielsa, sous les ordres duquel il remporte le championnat d’Argentine en 1990-1991. D’abord par l’intensité et le pressing mis en début de rencontre, United a marqué cinq fois sur six dans la première demi-heure de ses matchs de MLS jusque-là. Et comme l’OM de Bielsa qui évoluait en 4-1-4-1 sans le ballon, et en 3-1-3-3 avec, l’Atlanta de Martino a fait de sa dualité tactique une force.

Julian Gressel, le Brice Dja Djé Djé de Martino, explique : « Le coach nous donne beaucoup de responsabilités pendant le match. Et dans un match, tu ne peux pas rester qu’à une seule position. Lorsqu’on a le ballon, je suis ailier droit, pendant nos temps faibles je peux être milieu défensif ou défenseur droit, c’est à nous de nous adapter au contexte du match. On a une idée première qui est toujours d’attaquer, mais en fonction de nos temps faibles, du contexte, on s’adapte, et on peut changer naturellement de poste s’il le faut. La tactique ce n’est pas que des noms inscrits sur un tableau, c’est un travail d’échange et de réflexion qu’on fait pendant la semaine avec l’entraîneur. » Après une première saison en MLS convaincante, quatrième à l’Est, deuxième meilleure attaque avec 70 buts, mais sortie au premier tour des Playoffs, ATL voit plus grand cette année. L’ancien Rennais Carlos Bocanegra, directeur technique du club, l’a annoncé en début de saison : « On veut être parmi les prétendants au titre ! »

Chez eux en Amérique (du Nord)

13 décembre dernier, il s’élance, et transforme son penalty face à Flamengo, offrant la Copa Sudamericana (2-1 à l’aller / 1-1 au retour) à Independiente. Annoncé dans de grands clubs européens, Ezequiel Barco, 19 ans, débarque un mois plus tard à Atlanta pour une somme record : 15 millions de dollars (12 millions d’euros). Jamais un club de MLS n’avait opté pour une telle stratégie : acheter un jeune joueur à fort potentiel si cher, au nez et à la barbe de ses rivaux européens. Ce milieu offensif de poche arrive dans un effectif où les joueurs sud-américains ont les clefs du jeu. Devenant le quatrième Argentin du groupe.

Blessé lors de la préparation, il a goûté à ses premières minutes en MLS, le week-end dernier lors du 2-2 face au New York City de Pat’ Vieira. Et sera un animateur offensif de plus aux côtés de Miguel Almirón et Josef Martinez (actuel meilleur buteur de la MLS avec 5 buts). Si Martino demeure un bielsiste pragmatique, son équipe sait aussi attendre et faire mal en contre. Le Paraguayen et le Vénézuélien sont les fers de lance de cette équipe qui ne joue pas à la baballe (50% de possession en moyenne), mais est toujours en recherche de verticalité, la victoire (5-0) face au LAFC l’illustre. Trois buts y ont en effet été inscrits selon des principes chers à Martino : pressing, récupération haute, projection rapide vers l’avant. Des buts marqués, des beaux gestes, dans la culture US de l’entertainment, l’Atlanta United de Tata Martino est déjà un succès à moitié.

Une culture, « melting-pot des différentes expériences »

Le beau jeu est la raison pour laquelle Arthur Blank, homme d’affaires new-yorkais, déjà propriétaire des Falcons (franchise de NFL), et de United, a fait de Martino le premier entraîneur de l’histoire des Five Stripes. Pour divertir un stade, le Mercedes-Benz Stadium, et ses 72 000 places assises. Une antre à guichets fermés lors de la victoire 3-1 face à DC United lors du premier match à la maison de la saison. Depuis, l’affluence moyenne est de 51 750 supporters dans l’arène que le club partage avec les Falcons. Drafté en huitième position l’an dernier, Julian Gressel a quitté l’Allemagne pour percer en MLS il y a cinq ans déjà, et n’aurait pas misé un kopeck sur ses chances d’évoluer dans une telle ambiance. « Je n’avais jamais joué devant autant de supporters quand je suis arrivé ici à l’université, c’est incroyable pour moi, évoque le Rookie de l’année 2017. Dès la première année, les fans ont répondu présent, ils regardent la Premier League, la Bundesliga à la télé, et maintenant ils ont leur propre équipe, c’est un rêve pour eux. »

Seulement, à Atlanta, les supporters ne sont pas qu’une bande de consommateurs de soccer, le séant vissé sur leurs sièges, les pop-corn dans une main, la bière dans l’autre. Pour Paul Foster, 32 ans, membre fondateur du groupe de supporters Resurgence, les travées de son stade sont aussi le théâtre du multiculturalisme d’Atlanta. « De l’extérieur, il y a une méconnaissance de la ville, certains pensent que les gens ne se sentent pas concernés par le foot, mais c’est faux ! J’ai déjà assisté à des matchs des USA en Gold Cup, en qualifs de Coupe du monde, ça n’a rien à voir avec ce qui se passe à Atlanta, par exemple le dernier match contre New-York c’est la meilleure ambiance qu’on ait jamais eue, affirme-t-il. Ça vient aussi du fait que beaucoup de nos gars sont d’origine étrangère, et qu’ils ont des expériences avec d’autres équipes. Notre capo est d’origine bosniaque et il a pas mal suivi son équipe en Europe. On a aussi beaucoup de mecs d’Argentine, du Mexique. C’est de là que vient notre culture, c’est un melting-pot de nos différentes expériences. » Champion ou pas à l’issue de la saison, le Mercedes-Benz Stadium s’affirme de plus en plus comme un parc de rois.

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Par Romuald Gadegbeku

Tous propos recueillis par RG.

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