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Aston Villa 1982: Quand les Claret and Blue braquaient l’Europe

Par Jérémie Baron
5 minutes
Aston Villa 1982: Quand les Claret and Blue braquaient l’Europe

Glorieuse équipe d’avant-guerre, Aston Villa est également l’une des cinq formations anglaises à avoir gravé son nom au palmarès de la Ligue des champions. Ou plus exactement de la « Coupe des clubs champions européens » à l'époque, en battant le Bayern Munich, 1-0, en finale. C’était en 1982 pour sa première dans la compétition et avec un coach novice arrivé en cours de saison, lors d’une éphémère période dorée pour le club de Birmingham.

En 1978, Peter Withe fait l’erreur ultime : quitter Nottingham Forest, fraîchement sacré champion d’Angleterre et qui s’apprête à rafler les deux éditions suivantes de la Coupe des clubs champions européens. Un loupé qui laissera une trace chez l’attaquant irlandais, mais qui sera rattrapé quatre ans plus tard avec Aston Villa. Et de fort belle manière, puisque c’est lui qui inscrira le but le plus important de l’histoire des Villans, contre toute attente, face au Bayern Munich. Une belle aventure qui débute dans un contexte de razzia britannique : de 1977 à 1981, l’Angleterre est à la fête puisque Forest et Liverpool ont raflé toutes les éditions de la Coupe des clubs champions. Lors de cette année 1981, c’est Villa qui brise l’hégémonie des Reds en championnat : emmenés par un Withe comeilleur buteur de l’exercice (20 réalisations), les Villans s’assoient sur le trône d’Angleterre 71 ans après, s’offrant ainsi le droit de découvrir, la saison suivante, la plus grande compétition du continent.

Ron se brouille avec Ron

Après avoir tranquillement écarté le Valur Reykjavik (7-0 score cumulé), l’escouade des West Midlands tombe sur le Dynamo Berlin, champion d’Allemagne de l’Est et tombeur du grand Saint-Étienne. « Nous étions nouveaux, mais nous avions une équipe solide qui savait très bien défendre », témoigne Withe depuis l’Australie, où il vit désormais. À l’aller en RDA, une volée et un rush mémorable de l’irrésistible ailier Tony Morley offrent un succès précieux (1-2) et déterminant pour passer au retour malgré une défaite (0-1). Mais alors que les coéquipiers de Dennis Mortimer (quel blase !) s’invitent dans le top 8 européen, la saison des Claret and Blue va prendre un tournant.

J’ai frappé à moitié avec mon pied et à moitié avec mon tibia. Je suis convaincu que si je l’avais bien frappé, le gardien l’aurait sauvé.

Flirtant avec la zone rouge en championnat, Villa n’est pas au mieux et « Ron » Saunders, en brouille avec l’actionnaire principal Ron Bendall, claque la porte. Pas rien : en 8 ans, l’entraîneur a fait remonter le club et a garni le palmarès avec deux League Cup, mais surtout le titre de champion neuf mois plus tôt. La direction désigne son adjoint, Tony Barton, comme entraîneur principal. C’est donc avec un illustre inconnu à sa tête qu’Aston Villa va attaquer les quarts de finale. « Le départ de Ron a été un grand choc pour tout le monde, témoigne Withe. Mais Tony a continué là où Ron s’était arrêté. »

Cafard et bagarre

Ainsi, Barton redresse le navire en championnat et redonne confiance à son groupe avant de se frotter à un sérieux client : le Dynamo Kiev, mené par Blokhine, Ballon d’or 1975. Accueillis dans un hôtel désastreux à Simferopol (à cause du temps glacial dans la capitale ukrainienne), Dennis Mortimer et ses coéquipiers en repartent avec un sacré souvenir : selon la légende, le milieu Gordon Cowans y aurait trouvé un cafard mort au milieu d’un morceau de pain ! Surtout, ils reviennent de Crimée en ayant conservé un score nul et vierge (0-0) malgré l’absence de leur patron de défense Allan Evans et une flopée d’occasions pour les Soviétiques. Deux semaines plus tard, c’est la tempête à Birmingham et sur un terrain indigne de ce niveau, les locaux s’ouvrent les portes du dernier carré grâce à Gary Shaw et Ken McNaught (2-0).

Au moment où Liverpool passe à la trappe contre le CSKA Sofia, l’équipe que personne n’attendait continue sa route et tire Anderlecht, qui vise la coupe aux grandes oreilles avec à son tableau de chasse la Juventus. Morley écœure les Belges en inscrivant à Villa Park le seul pion des deux matchs (1-0, 0-0). Mais c’est pour une autre raison que le duel est resté en mémoire : après un aller très âpre, la manche 2 au stade Émile-Versé voit des fans de Villa, venus en nombre, entamer la bagarre avec leurs homologues d’Anderlecht. Le match est même interrompu pendant quelques minutes après un envahissement de terrain. L’incident débouchera sur 20 blessés et 27 interpellations et a failli être fatal, si l’on en croit Peter Withe : « Anderlecht a essayé d’utiliser ça pour nous exclure de la compétition. Sans succès, mais il y avait un risque. »

« Les 23 minutes les plus longues »

Sur la dernière marche se présente un monstre qui a faim : le Bayern, emmené par Rummenigge, double Ballon d’or en titre. « Nous n’étions pas intimidés par cela, mais plutôt détendus et nous avions hâte de relever ce défi », se souvient Withe. Mais tout se gâte après dix minutes de jeu, lorsque le dernier rempart Jimmy Rimmer, souffrant, doit céder sa place à Nigel Spink, une seule apparition sous les couleurs de Villa à l’époque. Aucunement effrayé, il se montre infranchissable et se fait un nom lors de cette nuit rotterdamoise. Sur la corde raide pendant une bonne partie du match, mais incroyablement généreux dans le combat, les Britanniques vont surprendre leur adversaire à la 67e minute, Peter Withe se retrouvant seul en pleine surface après un petit numéro côté gauche de Morley, et trouvant la faille avec l’aide du montant. « J’ai frappé à moitié avec mon pied et à moitié avec mon tibia, racontera le héros juste après le match. Je suis convaincu que si je l’avais bien frappé, le gardien l’aurait sauvé. »

Un cataclysme pour les Bavarois, qui ne parviendront jamais à revenir et verront un but d’Hoeneß refusé pour hors-jeu dans les derniers instants. « C’étaient les 23 minutes les plus longues que j’ai connues dans un match, mais nous avons réussi à résister, explique Withe. Nous étions bien organisées et avions une grande confiance en nous. Les célébrations ont duré toute la nuit. Le meilleur souvenir a été de descendre de l’avion à l’aéroport d’East Midlands en sachant que nous conservions la Coupe d’Europe en Angleterre. » Après ça, les Anglais iront même chercher la Supercoupe face au Barça (0-1, 3-0), puis ce sera la dégringolade : Barton prendra la porte en 1984 et les Villansconnaîtront une descente en deuxième division en 1987. Mais impossible d’oublier, surtout pour Withe : « Les gens continuent de me parler de ce but, admet-il. Et je ne m’en lasse pas. »

Dans cet article :
Allez Nice : on se réveille !
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Par Jérémie Baron

Propos de Withe recueillis par JB sauf mention. À lire : All For the Love of the Game, la biographie de Peter Withe.

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