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Assassin : « Un match au Maracanã dure cinq heures ! »
Pionnier du rap français, Rockin’ Squat vit au Brésil depuis douze ans. Flamengo, Romarinho, Maracanã, Pelé, Ronaldinho… A deux ans du coup d’envoi de la prochaine Coupe du monde, voyage sur les terres sacrées de la Seleção.
Tu vis le football brésilien au quotidien ?
Je suis allé plusieurs fois au Maracanã, c’est impressionnant. Dans ce stade, un match dure cinq heures ! Il faut deux heures pour faire entrer les gens dans le stade, et deux heures pour les faire sortir, avec une heure et demie de match au milieu ! Les gens sont debout du début à la fin. Tu n’as jamais vu ça de ta vie ! C’est le stade dans lequel joue Flamengo : le club qui a le plus grand nombre de supporters au monde.
Pourquoi tant de bons joueurs locaux ?
C’est un vivier de joueurs parce que là-bas, tu n’as besoin de presque rien pour jouer. J’ai vu des jeunes jouer au football avec des cannettes de coca. Avec rien du tout, ils se font des matchs : avec des mangues, des noix de coco, etc. Dès qu’il y a quelque chose de rond, ça peut partir en dribbles.
La Coupe du monde 2014 avance-t-elle bien ?
Je reviens tout juste du pays et, là-bas, beaucoup de gens disent que le Brésil n’est pas prêt pour accueillir la Coupe du monde : le Maracanã a dépassé les travaux de 80 millions d’euros. Mais les Brésiliens s’en sortent toujours. Même si ça va être le bordel, le Mondial aura bien lieu !
Les travaux sont-ils visibles ?
Au Maracanã, par exemple, ils refont les structures internes pour les joueurs et le staff technique. Ils bossent aussi sur les tribunes, qui devraient d’ailleurs contenir un peu moins de places.
As-tu le sentiment que les Brésiliens suivent les championnats européens ?
Les Brésiliens connaissent les championnats européens au travers des joueurs brésiliens qui y évoluent. Ils suivent leurs joueurs en priorité. Dans le pays, les joueurs qui sont mis sur un piédestal sont plus anciens, comme Garrincha. Les supporters le placent d’ailleurs devant Pelé. Garrincha est mort assez tôt et fût le mari d’Elza Soares, une chanteuse très populaire au Brésil. Le couple était assez atypique.
En gros, tous les bons joueurs partent en Europe ?
Il y a beaucoup de grands joueurs qui sont en Europe, c’est vrai, mais il y a un tel potentiel qu’il y a toujours de bons joueurs ici.
Lucas va rejoindre le PSG…
…Et je pense que ça va faire du bien à l’équipe. Mais certains restent, Neymar est toujours là !
Pour toi, les grands joueurs brésiliens du moment ?
Romarinho est l’un des grands espoirs du pays. Jonathan, également. Après, les Brésiliens ont envie de venir jouer en Europe car il y a de l’argent à prendre. Le schéma classique : ils partent en Europe, dans les pays du Moyen-Orient, puis ils reviennent tous au Brésil à la fin de leur carrière. Ronaldinho est revenu à Flamengo avant d’aller à l’Atletico Mineiro. En fait, je connais peu de Brésiliens qui ont envie de vivre hors du Brésil.
Pelé est-il toujours si bien vu aujourd’hui ?
Pas spécialement par le peuple brésilien, même si on l’aime beaucoup : c’est une légende. Mais ses prises de position sont très édulcorées. Comme un Platini, on l’aime bien mais ce n’est pas lui qui va faire bouger les choses. En vérité, Pelé tient un discours assez éloigné des problèmes sociaux du Brésil.
Tu parles de Platini, le football français t’intéresse ?
La France, à l’échelle européenne, est l’un des pays les plus faibles en Ligue des Champions. De toute façon, les équipes qui avancent sans grosses mannes financières derrière elles ne peuvent pas rivaliser avec les grandes équipes européennes. Je pense donc que l’arrivée d’un mec comme Ibrahimovic à Paris est importante pour que l’équipe devienne un grand club au niveau européen. Tout le mal que je leur souhaite, c’est de pouvoir rivaliser avec le Barça.
Et un Manchester City, plein aux as, éliminé de la C1 ?
Heureusement que l’argent ne fait pas tout, mais cela y contribue fortement. Ce n’est pas n’importe quel petit club qui peut prétendre à devenir champion d’Europe. Un petit club de province ne peut pas rivaliser avec une équipe de 11 joueurs qui déchirent parce qu’ils sont payés des millions de dollars. Il y a des réalités économiques auxquelles tu ne peux pas échapper.
Qu’aurais-tu à dire à Zlatan Ibrahimovic ?
C’est un très bon joueur, le but qu’il a mis contre l’Angleterre le confirme encore un peu plus. Pour moi, le meilleur joueur reste Ronaldinho : lui, c’est la magie, le beau geste, l’inspiration. Le football, c’est du sport, mais c’est aussi de l’art.
Et à Fuelco, contraction de football et écologie, la mascotte de la prochaine Coupe du monde ?
Si les dirigeants du football commencent à prendre en compte les questions écologiques, on ne peut que les applaudir. Mais ça reste une mascotte. Quand on voit les problèmes en Amazonie, avec le barrage de Belo Monte, ou les massacres des Indiens dans l’Etat du Mato Grosso, il reste beaucoup à faire.
Footeux ou pas, il est important d’avoir toujours ça à l’esprit ?
Je n’ai aucune leçon à donner à qui que ce soit, mais que tu sois footballeur, boulanger ou chômeur, avoir une conscience politique, c’est important : cela permet de ne pas seulement être une pile du système. Je suis quelqu’un de résolument humain et je pense que la culture est la clef pour se sentir mieux. Pour moi, le football est, à la base, un divertissement, une manière de lâcher la pression. Mais à une échelle planétaire, il peut parfois masquer les problèmes de notre société.
A voir : Rockin’ Squat / Assassin 100% Live Band avec Cheick Tidiane Seck – en concert au Casino de Paris le 2 décembre 2012 – Billeterie
Propos recueillis par Romain Lejeune