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Assam Allem, un Tigre dans la ville
Cet été, les tigres de Hull City ont rugi. Au mercato, l'ex-promu rosbif a investi autant que le Milan AC, l'Inter et Naples réunis. Cocasse quand on sait que son président, Assem Allam, menace de se tirer de Hull City depuis un bail. Branché sur un courant Thatcher et mondialisation, l'homme d'affaires égyptien, autrefois adulé, est devenu l'homme le plus impopulaire du Yorkshire. Récit.
« Il n’y a rien de mieux que nous puissions faire pour la réputation et l’image de la région que d’avoir un club qui joue en Premier League. Quand t’es en Premier League, dans le monde entier, personne ne vient te demander où est Hull. » En 2010, Assem Allam souhaite entrer dans le game de la Premier League et remercier surtout une région, le Yorkshire, qui l’a accueilli à ses 29 ans, en 1968, alors qu’il fuyait son Égypte natale. Dirigé alors par Gamal Abdel Nasser, auto-proclamé Premier ministre et chef des armées, le pays des Pharaons est en guerre contre les positions israéliennes. C’est sous le statut de réfugié politique que le jeune Assem va écrire son histoire avec l’Angleterre. Diplômé de la fac d’économie de Hull, il déboule comme comptable à la Tempest Diesel Limited, pour finalement la racheter, à coups d’emprunts. Malgré une faillite, Assem Allam rebondit en reprenant une modeste entreprise de groupes électrogènes en 1992, pendant que le Royaume vit son « annus horribilis » . Allam Marine Limited décolle et devient une puissante firme internationale qui lui vaudra d’être sacré meilleur entrepreneur 2006 du Royaume-Uni.
Un nouveau nom pour un nouveau départ
Fort de cette réussite, l’opération « remerciement du Yorkshire » débute donc en octobre 2010, avec son fils. Alors mal classé en Championship (D2 bretonne), les Allam souhaitent faire de Hull une référence outre-Manche et rêvent de Ligue des champions ainsi que de reconnaissance internationale. La famille pose 40 millions sur la table. Animé par un nouveau souffle, Hull ne mettra qu’une année pour remonter dans l’élite. Steve Bruce, ancien soldat de Ferguson, en devient l’entraîneur. Une belle pioche, pas bling-bling, mais un type qui a déjà roulé sa bosse et ses joues sur les bancs anglais. Seulement, on est encore loin de la reconnaissance continentale. C’est pourquoi le néo-président de Hull souhaite changer le blase de son club, pour être plus audible à l’export. « »Hull City » n’est pas un nom très pertinent, c’est même moche. Puis il est trop fréquent. Ici en Angleterre, presque tous les clubs finissent par« City ». Je n’aime pas être comme tout le monde. Moi, je veux que le club soit spécial. Hull City Association Football Club, c’est trop long » , se justifie-t-il au Hull Daily, le canard local. Allam veut un nom qui claque : « »Hull Tigers » serait plus à même d’attirer des marchés publics nationaux et internationaux. » Il prévoit même d’accompagner cette nouvelle AOC par 30 millions de livres pour agrandir de 10 000 places le stade, construire un complexe sportif flambant neuf avec un centre commercial et les activités afférentes. « C’est classique chez lui. Il aime relever les challenges et faire progresser les entités partout où il passe » , précise un employé de EY.
Référendum pour, la fédé contre
Cependant, ces nouvelles ambitions ne font pas que ravir les fans de Hull, contre le changement de nom de leur club. « Nous ne sommes pas un grand club en Angleterre et encore moins dans le monde, cela ne va pas changer en adoptant un nouveau nom » , écrira une branche des supporters dans un communiqué. D’heureux bienfaiteur, Assem passe alors pour un homme perfide, prêt à tout pour se faire de l’argent au nom du club. « Pour M. Allam, ce n’est peut-être qu’un nom, mais pour nous les supporters, c’est le nom de quelque chose que l’on aime, que l’on adore même et que l’on continuera à aimer » , poursuit le communiqué. Pendant les matchs, les banderoles « City till we die » – City jusqu’à la mort, ndlr – foisonnent, appelant à une consultation des supporters. Un référendum, pour faire genre, est alors organisé par la direction auprès des abonnés. L’abstention de près de 9 000 supporters biaise le résultat. Le « pour un changement de nom » l’emporte de justesse avec 2 565 voix contre 2 517. Mais le référendum n’a qu’une valeur de sondage. Le vote décisif sera entériné par le comité directeur de la Fédération du foot anglais, à 63,5% contre. Mauvais perdant, Allam menace de vendre le club : « Personne sur la terre n’est autorisé à remettre en question mes décisions d’affaires. Je ne le permettrai pas. Je peux vous donner mon CV si vous voulez. Vous n’aurez qu’à regarder… Ils (les supporters, ndlr) peuvent mourir quand ils veulent, du moment qu’ils quittent le club et laissent la majorité du public profiter du bon football que nous leur proposons » , réagira-t-il peu avant la décision du comité, sentant le refus de la Fédération arriver.
Une faim de Tigre
Sans offre depuis avril, date de la décision de la Fédération anglaise, Allam n’a toujours pas vendu Hull City. Alors, il y a quelques jours, la 28e fortune du football anglais – 360 millions d’euros de capital personnel – l’a répété : le club cherche toujours un repreneur. Pas « du genre à revenir sur ses décisions » , l’homme promet qu’il ne bifurquera pas tant que son club s’appellera « Hull City » et tant qu’il n’obtiendra pas les pleins pouvoirs de son entité. Malgré ses velléités de départ, l’intéressé s’est montré actif sur le marché des transferts estival. L’international uruguayen Abel Hernández est venu pour un peu moins de 15 millions d’euros. Un record historique pour le club. Gastón Ramírez, lui aussi international uruguayen et grand espoir du football mondial autrefois courtisé par le Barça, a débarqué de Southampton en prêt. Tout comme Thomas Ince, jeune talent anglais proche de rallier l’Inter Milan l’hiver dernier, Jack Livermore transféré définitivement de Tottenham, l’international rosbeef Michael Dawson, les bons joueurs de PL Mohamed Diamé et Robert Snodgrass respectivement transférés de West Ham et Norwich, sans oublier Hatem Ben Arfa qu’Allam voulait plus particulièrement. En tout, Hull a dépensé pas moins de 55 millions d’euros. Bref, un mercato XXL tourné vers la refonte totale d’une équipe destinée à être plus compétitive et certainement plus allumeuse pour un nouvel investisseur. Allam, qui a déposé un recours à la FA, n’exclut néanmoins pas, en cas de revirement de situation, de rester à la tête de la formation de son Yorkshire d’adoption. Un homme de parole, un vrai.
Par Quentin Müller