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Artur Yusupov, l’invité de dernière minute
Leonid Slutsky, le sélectionneur de l'équipe de Russie, n'est pas un grand fan de la jeunesse. Pourtant, à la dernière minute, il a dû se résoudre à appeler le jeune Artur Yusupov en renfort pour remplacer le malheureux Igor Denisov, blessé en match amical. Et ça tombait plutôt bien, puisque le joueur du Zénith était en vacances dans le même hôtel que sa sélection, à Monaco.
Dans la vie, les opportunités ne tiennent pas à grand-chose. Au bon endroit, au bon moment, et c’est une destinée toute entière qui peut basculer. Sans toutefois en faire des caisses, c’est un peu ce qui est arrivé à Artur Yusupov, le jeune milieu de terrain du Zénith Saint-Pétersbourg, il y a 10 jours. Alors que le lascar se détendait tranquillement les arpions sous le soleil monégasque, après une saison rude et glaciale passée au pays des Soviets, il a eu la surprise d’apprendre qu’il était appelé en urgence par Leonid Slutsky pour pallier la blessure d’Igor Denisov et intégrer le groupe des 23 qui débutera son Euro le 11 juin prochain contre l’Angleterre, au stade Vélodrome. Et il n’a pas fallu aller bien loin pour lui signifier son appel sous les drapeaux, puisque Yusupov logeait… dans le même hôtel que ses potes de la sélection ! Au calme.
Du transat à la fonte
Venu terminer ses petites vacances pépère, à Monte-Carlo, comme la plupart de ses compatriotes blindés aux as, Yusupov était présent dans les gradins de Louis-II pour assister au dernier match de préparation des Russes avant le début de l’Euro (1-1 contre la Serbie). Il a donc pu vivre en direct live la blessure de son compère Denisov. De là à dire qu’il lui a discrètement lancé un sort depuis les tribunes, il n’y a qu’un pas. Et si tel est effectivement le cas, il faut avouer que le bougre cache bien son jeu. A la suite de cette convocation de dernière minute, le gamin a d’abord eu un mot à l’attention de son pote tombé au combat : « J’espère que tout ira bien pour Igor. » Actor studio. Avant de finalement revenir à sa pomme, sans pour autant fanfaronner et sans jamais manier la langue de bois : « C’est arrivé comme ça… Après avoir passé 14 jours en vacances, c’est sûr que je risque d’être à court de forme. Je ne sais pas vraiment dans quelle condition physique je vais être. »
Qu’il se rassure, la probabilité de le voir fouler les pelouses françaises cet été est inférieure à celle de retrouver la Benz’ réintégrer l’équipe de France pour l’Euro. Autant dire qu’il est peinard. Mais qui dit appel de dernière minute, loin de chez soi, dit inévitablement préparation à la hâte. Voire à l’arrache. Yusupov toujours : « J’avais prévu de rentrer à Moscou aujourd’hui (lundi, ndlr). Je n’ai même pas de chaussures de foot, j’ai dû emprunter celles de Roman Neustädter. On fait la même pointure. » Saint-Pétersbourg devra donc patienter avant de voir son enfant rentrer au pays. Quelques heures après cette péripétie, Yusupov s’envolait avec la sélection russe direction l’Île-de-France, où sont installés ses quartiers (Rueil-Malmaison).
Il faut toujours se garder une réserve
Ça ne sera pas la première fois que l’ancien joueur du Dinamo côtoie l’équipe nationale de Russie. En effet, il avait déjà eu le plaisir d’être convoqué avec la « Sbornaya » lors des deux matchs amicaux de novembre 2015. Mais des prestations en demi-teinte, couplées à une forte appétence du sélectionneur Leonid Slutsky à ne sélectionner que des joueurs à la voix rauque et à la pilosité bien affirmée, avaient eu raison du jeunot Yusupov (21 ans). Il aura donc fallu un signe du destin pour que le joueur soit finalement rappelé en catastrophe. Si son manque de fraîcheur, légitime après 15 jours de vacs à s’enfiler de la cochonnaille et à s’arroser de cocktails, ne devrait pas être préjudiciable à la Russie, cette affaire a tout de même relancé un débat au pays du roi Poutine. En choisissant de ne pas se garder sous le coude une petite armée de réservistes, Slutsky a joué avec le feu. Au risque de se brûler…
Déjà amputé d’un élément important en la personne de Dzagoev, remplacé depuis par Torbinsky, le sélectionneur de la « Sbornaya » a dû se résoudre à rappeler un vacancier pour pallier l’absence de Denisov. Il y a mieux pour une compétition qui fera office, pour les Russes, de petite répétition à deux ans seulement de la Coupe du monde sur les terres maudites de Napoléon. Mais puisqu’à chaque chose malheur est bon, les supporters russes pourront toujours se consoler en se disant que cette expérience devrait permettre à Artur Yusupov de s’intégrer en douceur dans un groupe attendu au tournant en 2018. Milieu de terrain pas trop maladroit avec ses pieds, il a rejoint le Zénith l’été dernier et pourrait très bien, en cas de progression linéaire sous les ordres de Mircea Lucescu la saison prochaine, figurer dans les 23 Russes qui disputeront le Mondial à la maison. En attendant, le joueur va devoir cravacher sévère s’il veut revenir un tant soit peu au même niveau physique que ses partenaires.
Par Aymeric Le Gall