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Arthur Rinderknech : « Je rêvais plus d’être joueur de foot que de tennis »
À 26 ans, Arthur Rinderknech commence à se faire un nom dans le monde de la petite balle jaune. Celui qui est actuellement le troisième joueur français au classement ATP a disputé son premier Open d'Australie, où il a dû abandonner au deuxième tour, quelques semaines après avoir été sélectionné pour la Coupe Davis. Plus jeune, le géant d'1,96 mètre rêvait aussi de ballon rond et admirait Blaise Matuidi. Entretien avec un supporter de plus en plus partagé entre les Verts et le Stade rennais.
Tu viens de participer à ton premier Open d’Australie, où tu as passé le premier tour avant d’être contraint de déclarer forfait. Comment as-tu digéré cet abandon ? Avec un peu de repos parce que mon poignet m’a empêché de jouer le deuxième tour. J’ai fait quelques IRM, là je vais couper pendant dix ou quinze jours. Je digère tranquillement, en retrouvant mes proches et en prenant mon mal en patience avant de repartir.
En septembre dernier, Richard Gasquet nous disait qu’il enviait la possibilité pour les footballeurs de rentrer chez eux le soir après les matchs et notamment les défaites. C’est aussi ton cas ? C’est sûr que notre vie est bien différente. Ils partent un week-end sur deux en déplacement pour un ou deux jours, puis ils sont vite de retour chez eux. Nous, on part 30 à 35 semaines par an loin de chez nous, c’est un autre mode de vie. C’est clair que ça doit être plus agréable de pouvoir rentrer chez soi après une défaite, mais on a également la chance de découvrir des pays, des villes, on ne se plaint pas.
Plus jeune, tu faisais déjà du tennis, mais tu jouais également au foot. Quels souvenirs gardes-tu de cette période ? Quand j’étais plus petit, je faisais du foot comme un fou dans la cour de récré. Naturellement, mes parents m’ont inscrit dans un club en même temps qu’au tennis à l’âge de 6-7 ans. Je jouais au CO Vincennes, là où a été formé Blaise Matuidi. J’ai toujours été dans l’équipe A. C’est marrant parce qu’à chaque fois qu’on grimpait d’une catégorie, on retrouvait un entraîneur qui avait eu Matuidi huit ans plus tôt. C’est devenu mon joueur préféré. Puis, Vincennes était un super club formateur, on a été champions d’Île-de-France à plusieurs reprises, on battait les jeunes du PSG…
Quel était ton poste sur le terrain ? Aujourd’hui, tu mesures 1,96 mètre, on aurait plus tendance à t’imaginer dans la peau d’un défenseur. J’aimais bien le milieu défensif, comme Matuidi ! Mais je n’y ai jamais joué, c’est le poste que je me donnais dans la cour de récré. (Rires.) Sinon, j’étais plutôt latéral gauche, je suis gaucher au niveau des pieds. J’ai aussi évolué comme défenseur central à un moment, je m’éclatais bien.
Et concernant la technique, ça se passait comment ? Je pense que j’étais assez technique grâce au tennis, j’étais habile de mes pieds. Le jeu de jambes du tennis m’a beaucoup apporté pour le foot en matière de rapidité. J’étais déjà grand à l’époque, c’est vrai qu’on a tendance à penser qu’on est un peu patauds, mais le tennis m’aidait à être vif et réactif au niveau des jambes. J’avais aussi les qualités d’un grand et une bonne endurance. C’est pour cela que j’aimais bien le poste de latéral pour courir comme un fou dans mon couloir, monter et descendre. Il y avait même un ou deux clubs qui avaient appelé mes parents à 13-14 ans pour intégrer un centre de formation ! Je crois qu’un club de Ligue 2 m’avait repéré sur un tournoi de phase finale. Ma mère avait d’ailleurs trouvé ça très déplacé, elle avait fait comprendre au gars que ce n’était pas un âge auquel on appelait les jeunes, mais tu dois savoir mieux que moi comment ça fonctionne dans ce milieu.
Comment se passait l’alternance entre le foot et le tennis et comment s’est fait le choix entre ces deux sports ? C’est simple, le tennis c’était le lundi, le mardi et le vendredi. Le foot plutôt le mercredi, le jeudi et le samedi. Le dimanche, c’était un peu de repos. Je m’éclatais, je n’arrêtais pas. C’est à 13-14 ans qu’il a fallu faire un choix. Je ne me débrouillais pas trop mal en tennis. Pourtant, je dirais que je préférais le foot à ce moment-là ! Mais le tennis, c’était plus naturel par rapport à ma famille qui baignait dedans, et je ne regrette pas du tout.
Ta maman a été joueuse professionnelle, ton papa a joué à un très bon niveau, tu n’as jamais ressenti cette pression familiale autour de ta réussite sportive comme on peut le voir régulièrement dans le foot ? Pas du tout ! Mes parents ne pouvaient quasiment jamais venir me voir jouer au foot, ça ne collait pas avec leurs boulots. Mon père a dû venir deux fois. Le tennis, c’est ma décision à 100%. En vérité, il n’y a même pas eu de choix, c’est arrivé du jour au lendemain. En fait, mes parents ont divorcé à ce moment-là, je suis parti vivre avec ma mère à l’ouest de Paris, vers Boulogne-Billancourt. C’était la rentrée, j’avais repris le tennis depuis une semaine ou deux, et j’étais sur le point de commencer la saison de foot avec l’ACBB. Dès le premier jour, j’ai dit à ma mère que je ne me sentais plus capable de faire les deux. Puis, je ne voulais pas tout recommencer à Boulogne après mes années passées à Vincennes. Je suis passé à autre chose, j’ai continué le foot avec les copains, mais plus en club.
Malgré ce choix, tu avais déjà rêvé, voire envisagé de devenir un joueur de foot professionnel ? J’en rêvais plus que d’être joueur de tennis ! Je ne savais même pas ce que ça voulait dire être joueur de tennis professionnel à cette époque. Je regardais aussi beaucoup plus de foot que de tennis, je passais mes week-ends devant la télé. Je ne manquais pas une minute de Saint-Étienne, voire d’autres clubs. Je m’imaginais faire partie de ces joueurs sur le terrain.
D’où te viens cette passion pour le foot ? Mon père m’a donné le truc pour Saint-Étienne dès tout petit. Rien à voir avec la ville où j’ai mis les pieds deux ou trois fois pour aller voir un match. Mon grand-père était un grand fan à l’époque de l’épopée des Verts, il emmenait mon père dans le Chaudron. Je me souviens avoir assisté à une défaite 1-0 dans un derby et un succès 2-0 contre Rennes avec un but de Piquionne. J’avais aussi été les voir route de Lorient. Mon deuxième club a d’ailleurs toujours été le Stade rennais. Mon premier coach au COV était un grand fan de Rennes, c’était à l’époque de Frei, Utaka, ils avaient une très belle équipe. Vingt ans plus tard, je me retrouve à Rennes, qui l’eut cru… (Rinderknech habite et s’entraîne à Saint-Grégoire, à côté de Rennes, NDLR.)
Depuis que tu as posé tes valises en Bretagne, Rennes marche bien, à l’inverse de Saint-Étienne. Tu ne risques pas de devenir un supporter rennais ? Ce n’est pas encore du 50/50, mais si Saint-Étienne descend en Ligue 2… Ça dépend de la situation. Par exemple, en décembre, j’avais envie que Rennes défonce les Verts pour que Claude Puel s’en aille. Je n’ai rien contre lui, mais son heure avait sonné, il devait partir. J’espérais volontiers une victoire de Rennes, qui n’était pas très loin des places en Ligue des champions et que Sainté change de coach. C’est exactement ce qui s’est passé, Rennes en a mis cinq. Bon, j’ai encore un petit penchant plus prononcé pour Saint-Étienne, mais on verra bien comment se termine cette saison.
Tu as grandi en région parisienne, tu aurais aussi pu te tourner vers le PSG, surtout avec l’arrivée des stars sous QSI.Je n’ai aucun problème avec le PSG, j’aime bien sans être fan. Bien plus que l’OL en tout cas, c’est sûr. (Rires.) C’est vrai qu’ils peuvent faire rêver, ils ont une très belle équipe, et je suis à 100% derrière eux quand c’est la Ligue des champions. Mais Saint-Étienne et Rennes sont devant, on va dire que c’est ma troisième équipe.
Maintenant que tu vis à Rennes, est-ce que tu vas régulièrement au Roazhon Park ? En tant que joueur pro de tennis, tu as sans doute pu croiser quelques footeux. J’ai la chance de connaître quelques personnes qui bossent au club. Mon pote Manuel Guinard est un grand fan de Rennes, on aimerait y aller plus souvent, mais ce n’est pas toujours facile vu qu’on bouge beaucoup. Le mois dernier, on avait été invité à Rennes-Nice, ça ne s’était pas trop bien passé. Je crois que je suis un peu un chat noir. Je n’ai pas croisé beaucoup de joueurs, mais quand j’ai remporté l’Open Blot de Rennes début janvier 2020, M’Baye Niang et Clément Grenier étaient dans les tribunes. Ils m’avaient tous les deux écrit après le match pour me dire qu’ils avaient adoré la finale, l’ambiance et le tournoi.
Tu es un peu l’opposé de Yoann Gourcuff, qui a choisi le foot plutôt que le tennis quand il était jeune. On a appris récemment qu’il tapait lui aussi la balle jaune en Bretagne, à Larmor-Plage, où il a remporté quelques matchs. Une petite partie de tennis contre Gourcuff, ça te dirait ? J’avais entendu dire qu’il se débrouillait bien. C’était un joueur de foot que j’aimais beaucoup, il a malheureusement un peu disparu, mais il était très technique. Je ne savais même pas qu’il était en Bretagne, c’est vrai que sa famille vient de là-bas. Je suis sûr qu’il prend du bon temps et j’espère qu’il s’est éloigné des blessures. Jouer un match contre Gourcuff ? Je pense qu’il me mettrait quelques petits points, c’est sûr. (Rires.)
La finale de l’Open d’Australie oppose Rafael Nadal à Daniil Medvedev ce dimanche matin. À quel match de foot pourrait-on comparer cette affiche ?Nadal et le Real Madrid, ça colle bien. Celui qui a tout gagné depuis très longtemps, ça correspond. Medvedev, c’est un peu le nouveau fort, le Manchester City, qui n’a pas autant de titres, mais qui débarque et rivalise avec les meilleurs. Un Real-City !
Dernière question : tu as pu partager un entraînement avec Roger Federer et tu racontais récemment dans un podcast d’Eurosport ta tension et la peur de le blesser. En gros, c’est comme jouer au foot avec Zidane ?Ce serait exactement la même chose que jouer au foot avec Zizou, oui. Ça doit être la même sensation. Celle d’avoir des frissons dans les jambes. Tu ne vois pas des joueurs comme ça tous les matins.
Propos recueillis par Clément Gavard