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Arteta cœur à vif
Fin août 2011, on promettait l’enfer à Arsenal. Des joueurs majeurs partis, une humiliation historique reçue à Old Trafford, la saison s’annonçait longue et morose pour une équipe et un projet sur le déclin. Si mi-février, les Gunners d’Arsène Wenger ont redressé la barre et sont encore dans le course à la qualification en Champions League, ils le doivent au talent de Robin Van Persie, certes, mais aussi à l’abattage au milieu de Mikel Arteta, nouveau taulier de l’entrejeu londonien. Zoom sur un joueur qui a passé sa vie dans l’ombre de Xavi, Iniesta et Fabregas, mais qui, en remplaçant ce dernier à Arsenal, a enfin trouvé un défi à sa mesure.
La carrière de Mikel Arteta n’est pas à un paradoxe près. Né à San Sebastian, Basque, Mikel est formé à la Masia, chez le voisin catalan. Récupérateur-relayeur destiné à se régaler en Liga, il ne s’est jamais imposé dans un club espagnol et s’est construit en Ecosse et en Angleterre, dans des championnats au jeu plus rugueux et direct. Titulaire chez les U16, U17, U19, capitaine chez les Espoirs espagnols, il n’a jamais connu la moindre sélection avec la Roja. Bloqué à ses débuts à Barcelone par les Xavi, Iniesta et consorts, il a finalement du attendre ses 29 ans pour avoir sa chance dans un grand club européen, à Arsenal, dans une école de jeu finalement très proche de celle où il a grandi et pour remplacer son sosie, Fabregas, retourné lui s’exprimer dans la maison mère.
Luis Fernandez comme premier mentor
Mikel Arteta doit son début de carrière à Luis Fernandez et au PSG, où prêté en janvier 2001, à 19 ans tout juste, il a débuté au plus haut niveau et touché à la Champions League alors qu’il n’était qu’un membre du centre de formation du Barça en quête de temps de jeu, avec Pepé Reina comme compagnon de chambre et Luis Garcia pas très loin: « Devant moi au Barça, il y avait Xavi, Guardiola et Iniesta qui faisait ses débuts. J’ai décidé d’aller au Paris-Saint-Germain pour avoir une première expérience professionnelle. J’ai pu jouer la Champions League et j’ai eu la chance d’évoluer avec des grands joueurs. Ça a lancé ma carrière. A Paris, j’ai aussi eu la chance de rencontrer Luis Fernandez. Il s’est comporté comme un père avec moi. J’avais presque 18 ans et avec cet entourage, il faut murir et vite« . Devant la défense, Arteta devient vite la plaque tournante d’un club qui ne tourne pas très rond, il fluidifie un jeu parisien foutraque et sans identité et fait partie des quatre nominés pour le titre de meilleur joueur de Ligue 1. Avec lui, entre deux saisons pourries, le PSG termine 4ème.
Pote d’enfance de Xabi Alonso
Des bons souvenirs, Mikel Arteta en a laissé partout où il est passé. Sauf peut-être à la Real Sociedad, son seul échec. Après deux années aux Rangers, un triplé championnat-coupe d’Écosse-coupe de la Ligue en 2003 et le cœur des supporters une nouvelle fois conquis, le joueur, qui s’est endurci en Ecosse, rêve de sélection et rentre chez lui, à San Sebastian avec un défi de taille, remplacer Xabi Alonso, son pote d’enfance, parti chez les Reds de Liverpool. Les deux, vivant dans le même quartier, à côté de la Playa de la Concha au cœur de la ville, ont joué ensemble chez les jeunes au Antiguoko KE et rêvaient alors de former le milieu de terrain de la Real Sociedad. Ils ne feront que se croiser, avant de se retrouver sur les bords de la Mersey. Car rarement titulaire, pas dans les plans de José Maria Amorrortu, le coach de l’époque, l’expérience tourne court avec son club de cœur, et Mikel Arteta est donc prêté à Everton dès que l’opportunité se présente, pour un mariage de six ans et demi avec les Toffees.
Une légende à Everton
Désireux de s’intégrer, il comprend alors vite les enjeux et évite de trop trainer avec son compère: « Quand je suis arrivé à Everton en prêt, je n’ai pas souhaité passer trop de temps avec Xabi parce que j’essayais de signer un contrat à Everton et j’ai compris la rivalité entre les clubs« . Deux saisons durant, il est élu meilleur joueur du club par les fans. En 2006-2007, il est élu meilleur milieu de terrain de Premier League par le public de Sky Sports. Devant Christiano Ronaldo. Excusez du peu. En février 2009, Arteta se blesse gravement contre Newcastle, un ligament est touché et l’empêche d’honorer sa première invitation dans le squad de la sélection espagnole.
Un an plus tard, avec aucune sélection avec la Roja au compteur, et la double-nationalité en poche, des bruits l’envoient même vers la sélection anglaise que ses sélections chez les jeunes espagnols empêcheront de connaître. Car le joueur a des envies de joutes internationales et sent qu’il a les épaules pour voir plus haut. Mais dans un club où il est le taulier et où tout le monde l’adore, il décide, à l’été 2010, de prolonger pour cinq saisons. « J’aurai pu partir jouer la Champions League ailleurs, ou dans un club avec beaucoup de stars, mais je mesure vraiment ce que j’ai içi. C’est énorme. Je suis à un moment de ma carrière où je veux gagner des titres et je veux jouer l’Europe mais ce que j’ai içi est incroyable » déclare-t-il à l’époque. A ce moment-là, Arteta change son braquet et se dit qu’à défaut d’être international, à défaut de réussir chez lui, il peut devenir un joueur qui marque l’histoire d’un club qui ne l’oubliera jamais. Et c’est déjà pas mal.
Le toque dans les veines
Néanmoins, Everton reste un club middle-class et quand l’opportunité se présente de remplacer Cesc Fabregas à la fin de l’été 2011, elle est presque impossible à refuser pour un joueur qui rêve depuis longtemps de briller à l’échelon supérieur. Moins polyvalent, moins tueur que Fabregas à l’approche du but, Arteta n’en reste pas moins un box to box playerde premier plan, capable de sortir une saison à 9 buts, 12 passes décisives (en 2006-2007) et destiné génétiquement à s’épanouir dans le toque d’Arsène Wenger, dont les préceptes de jeu sont finalement très proches de ceux inculqués à la Masia. Conservation, circulation, Mikel n’entre pas en terre inconnue à Arsenal : « Je connais la philosophie d’Arsenal, qui a la réputation de posséder souvent le ballon et de le faire circuler. C’est le type de jeu que j’aime« .
Sur le papier, ça devait marcher, sur le terrain, ça a collé. Wenger confirme la donne : « C’est vraiment un joueur au profil entre Song et Ramsey ou Rosicky et cela nous donne de la continuité. Mikel est le joueur qui peut conserver la balle quand on en a besoin« . Alors certes, dans l’entrejeu londonien, la place était laissée vacante mais le pari n’était pas gagné d’avance. Lorsqu’il débarque à la fin de l’été dernier, la sinistrose gagne l’Emirates et plus personne ne croit en la réussite des Gunners. Six mois plus tard, Arsenal est toujours dans le coup, et le club réalise ni plus, ni moins qu’une saison identique aux précédentes, avec une place dans le Big four, et une qualification en huitième de Champions League – avec une défait 4/0 à Milan lors de la phase aller -. Arteta, titulaire indiscutable, n’a pas attendu pour devenir incontournable.
Par Antoine Mestres