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Arribart : « J’ai été élu meilleur commentateur en 2006 »
Non sans mérite, Jean-Luc Arribart pose depuis dix ans son timbre sur la mystérieuse Ligue 2 française. Fils de boulanger, éloquent, ancien libéro, agent et directeur commercial de la Lyonnaise des eaux, ce grand narcisse tente d’imposer son style et son humour dans un milieu qui n’en a pas. Personne n’est épargné. Rencontre.
Détenteur depuis 10 ans d’une carte de presse, le grand public en oublierait presque votre parcours de joueur professionnel. Celui d’un très bon défenseur breton…
Natif de Rennes, j’ai commencé le foot à 10 ans au Stade Rennais. C’est ici que j’ai fait toute ma formation tout en poursuivant mes études jusqu’au baccalauréat. Je dis souvent que j’ai Bac+3, mais en réalité c’est « Bac plus trois mois » ! A l’origine, je pensais faire Pharmacie. L’idée était sympa : deux trois années un peu chiantes, l’apprentissage des fleurs, des formules chimiques mais finalement, après un bon coup de collier, tu finissais épicier ! Bon, le problème c’est donc qu’au bout de trois mois, je suis passé pro…
Mais ce semblant de cursus supérieur vous tout de même a permis de jouer en équipe de France universitaire. Vous dîtes y avoir fait « des trucs pas très avouables » . C’est à dire ?
Mon dieu, on faisait les cons. Une belle bande de potes. Nous n’étions pas des branleurs mais pas loin. C’est à cette époque que j’ai rencontré Arsène Wenger, inscrit, si ma mémoire est bonne, en « Sciences Eco » . Une certaine maturité mais un beau branleur quand même. Sur le pré, Arsène était un joueur moyen, un libéro, comme moi. Un grand raide, lent, très lent ! Reconverti entraineur de Nancy, il ne vivait que pour cela. Je me souviens d’un match catastrophique à Lens. De mémoire, on perd 3-0. Déçu et attristé par notre prestation, il fait arrêter le bus du retour au bout de 300 mètres, colle la tête dehors et vomit ! Il était très retourné.
A défaut d’être un grand pharmacien et manager d’Arsenal, quand avez-vous optez pour le consulting sportif ?
En 1996, juste après les Jeux Olympiques d’Atlanta. Canal Plus lance le pay-per-view : les matchs du championnat de France à la demande. Comme beaucoup au début, je débarque les mains dans les poches. Or, très vite, je me rends compte que c’est un vrai boulot. Si on ne travaille pas, si on ne cherche pas à trouver soi-même des anecdotes, des « billes » et des « biscuits » , on ronronne sans cesse avec les mêmes tics de langage. Ce sont les deux trucs deux trucs que j’ai appris d’un maitre comme Charles Biétry : garde ta voix naturelle, synthétise tes propos et ne cherche pas à chantonner. Puis, ouvre ta bouche quand tu as quelque chose à dire. Sinon, mieux vaut la fermer !
C’est donc cela le petit + de Canal ?
« Quand TF1 dit qu’une équipe domine l’autre, nous on dit pourquoi ! » . Par cette formule, on s’amusait à chambrer la superficialité des commentaires de la première chaine.
Vous n’avez jamais souhaité remettre un pied dans le football ?
Si bien sûr. Par deux fois j’ai loupé la direction sportive du Stade Rennais. La seconde, je prenais le café dans le bureau de François Pinault quand les tours du Word Trade Center se sont écroulées. Je venais juste de quitter Lens, en 2000, club où j’ai été patron sportif pendant un an : pro, centre de formation et recrutement. Un super job qui a vite tourné au règlement de comptes.
Pourquoi ?
La faute à un type dénommé Francis Collado, directeur administratif du club, qui contrôlait tout. Il m’a pourri, m’a pourri la vie, m’empêchant d’exercer mon boulot. Quant à Gervais, il s’est parfois laissé emporter par sa passion dévorante. C’est un type de coup de cœur, de passion. C’est une locomotive. Quelques soient les conneries qu’il peut faire, il se remet toujours en route et repart en sprint. Il est attachant pour cela. Prendre Guy Roux comme un pare-feu médiatique, qui lui sortira trois mois plus tard son numéro d’acteur à Strasbourg – « je n’y arrive plus, j’ai plus la niaque » – alors qu’il a déjà bétonné son contrat et son retour à Canal Plus. Et dans la foulée prendre Jean-Pierre Papin, pour le moins inexpérimenté, c’est du Gervais pur jus.
Donc après Lens, vous vous dîtes que la cabine de commentateur est une place assez confortable finalement…
Je fais Lens, je m’installe là-bas, je bricole un peu dans l’immobilier, la restauration et puis Christophe Jammot m’appelle, me remet le pied à l’étrier et me propose de commenter avec lui les matchs de Coupe du Monde 2002 pour Europsort.
Maison que vous n’avez plus jamais quittée ?
Si, je suis allé sur TF1 faire un peu de Telefoot. Le truc c’est que je devais faire des séquences grand écart : être à la fois intéressant pour le footeux averti et la ménagère qui n’y connaît rien. C’est très vite devenu un endroit où on ne parlait plus de foot, où l’on faisait des trucs en 16/9, genre « Il était une fois dans l’Ouest », un gros plan d’une mouche sur le front avec en fond la bande originale de « Kill Bill ». Le tout pour entendre trois conneries dites par un international. C’est un truc qui les ravissait. Bon, bah pas moi !
Sur TF1, vous rencontrez Christian Jeanpierre avec qui vous prêterez votre voix au jeu vidéo « Pro Evolution Soccer » (PES). Pour l’argent ou l’amour de la manette ?
Pour l’anecdote. C’est vieux tout ça ! J’ai le souvenir de m’être bien marré. Mais aussi d’avoir passé une grosse, très grosse journée. Du matin au soir, Christian et moi devions enchainer littéralement un book entier de bouts de phrases, d’expressions anglaises toutes faites, traduites littéralement en français. T’imagines bien, très souvent, ça ne colle pas du tout ! Un jour, un mec me chope et me dit : « Mec, t’es pas cool, tu passes ton temps à me tailler » . Sur chacun de ces coup-francs je lui sortais : « Coup-franc mal tiré ou frappe écrasée » . Je lui ai trouvé la solution : le bouton volume ! Je ne suis pas une obligation.
A la télé ou sur un jeu vidéo, quelle est la valeur ajoutée d’un Jean-Luc Arribart ?
Je ne sais pas. C’est plutôt à vous ou aux gens qui m’écoutent de le dire.
Et bien, vous avez un petit côté…
(Il coupe). En 2006, j’ai été élu meilleur commentateur sportif par l’Equipe Magazine. Devant Dugarry et je ne sais plus qui… Le mec avait mis un truc du genre : « on le croirait sorti d’une émission d’Arte sur la Transylvanie » . Mais il me trouvait des qualités de concision et de pertinence.
Votre style est bien moins institutionnel des grandes chaines hertziennes. C’est la Ligue 2 qui veut ça ?
Bien sûr, on se permet plus de choses. Et ça va, hein, ce n’est que de la Ligue 2 : du football le lundi soir ! Les mecs sont sur le canapé avec leurs potes en train de boire une bière et manger une pizza. On ne va quand même pas les faire chier à l’image avec une cravate et un cul coincé. C’est un feuilleton dans lequel on ajoute de la proximité. Avec les acteurs et les téléspectateurs…
Bref, tout le monde se connaît ?
La Ligue 2, c’est une famille dont nous faisons partie depuis dix ans. On embrasse les présidents, on connaît leur femme, on les tutoie. Chaque année, nous les voyons remonter, puis pour certains redescendre. Quand un dirigeant est tout fier d’accéder à l’élite, on lui dit qu’une année, c’est vite passé !
Quel regard portez-vous sur cette fin de saison ?
A partir de maintenant, ce ne sont plus que des matchs charnières. Mon dieu, c’est très mauvais ce que je viens de dire : on dirait du Steve Savidan ! Non sérieusement, j’ai assisté la semaine dernière à quelque chose d’étonnant ! Le Mans-Reims : personne n’a été foutu de faire une passe vers l’avant. Ce n’est pas un manque d’envie mais s’installe désormais une certaine forme d’inhibition, de tétanie, de crispation. En fait, c’est tout ou rien : soit le match est acharné, soit c’est un bel exercice de refus de jeu ! Bref, tous les points coûtent très cher. Et presque tout le monde est concerné. Les nerfs peuvent très vite lâcher !
Propos recueillis par Victor Le Grand