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Aronica : « Napolitains et Siciliens sympathisent facilement »
Ancien défenseur et palermitain pur-sang facturant 250 matchs de Serie A avec les maillots du club de sa ville, mais aussi de la Reggina, Messina et surtout le Napoli, Salvatore Aronica a le profil parfait pour parler de l’opposition entre les deux principales villes du Mezzogiorno. Le derby des Deux-Siciles.
Hormis ton passage chez les jeunes de la Juve et à Ascoli, tu as effectué toute ta carrière dans le Sud de l’Italie. C’était voulu ?Non, c’était vraiment le fruit du hasard. C’est une logique géographique, les régions voisines vous aperçoivent. J’étais à Crotone, Messine m’a repéré, j’étais à Messine, la Reggina m’a repéré, j’étais à Reggio Calabria, le Napoli m’a repéré etc.
Napoli-Palermo c’est le vrai derby du Sud ?Géographiquement oui, car ce sont les deux villes les plus importantes du Mezzogiorno, mais footballistiquement, rarement les deux clubs ont lutté pour les mêmes objectifs, c’est encore plus vrai aujourd’hui. Ils n’ont pas la même renommée, Palerme a juste connu la période dorée il y a dix ans avec quelques qualifications en Coupe d’Europe.
Mais c’est aussi l’appellation que l’on donne à Napoli-Roma.Oui, mais là, c’est plus d’un point de vue sportif, même si les deux villes ne se situent pas très loin l’une de l’autre. C’est une rencontre qui commence une semaine à l’avance via notamment les organes de presse.
Et Napoli-Bari ?Quand les frères Matarrese s’occupaient vraiment bien de Bari, c’était effectivement un match avec un certain enjeu entre deux grosses villes du Sud, mais là aussi, d’un point de vue purement footballistique, la rivalité est quasiment inexistante. Les rivaux sportifs du Napoli sont la Roma, la Juve, le Milan, etc. Vraiment, les Napoli-Lecce, Palermo, Bari c’est exclusivement un facteur géographique.
Napoli-Palermo est aussi appelé le derby des Deux-Siciles.En référence au royaume qui fut constitué au début du XIXe siècle avant l’unité italienne, c’est histoire de rappeler la grandeur de cet État qui concernait ces deux villes. Néanmoins, je ne pense pas qu’il y ait vraiment quelque chose de politique derrière cette appellation, une volonté de sécession ou de se démarquer du Nord. C’est juste relatif à une certaine période historique. Se sentir « duosicliano » plutôt qu’italien, c’est un concept dépassé pour moi, on vit aussi bien à Naples, Milan ou Palerme.
Est-ce un pan de l’histoire sur lequel on insiste beaucoup dans les écoles du Sud de l’Italie ?J’avoue que les professeurs insistaient énormément dessus, oui. Au-delà de ça, Palerme et la Sicile ont été dominés par différentes ethnies, et ce pendant longtemps. Il y a une vraie richesse que les enseignants cherchent à inculquer aux élèves. Et il faut savoir que Palerme n’a jamais vraiment accepté le fait d’être sous la domination de Naples durant la période du Royaume des Deux-Siciles, c’est une ville qui a toujours aimé mettre en avant son indépendance.
Le sentiment d’appartenance méridionale existe vraiment ?Oui je pense, car malgré la variété des cultures au sein du Mezzogiorno, il y a une certaine solidarité concernant l’histoire, les positions géographiques, mais aussi les choses négatives comme la mafia qui a malheureusement toujours caractérisé cette partie de l’Italie.
Tu te vexes si on te sort les stéréotypes sur le Sud de l’Italie ?Je n’y prête plus attention, c’était devenu une habitude, notamment quand je portais le maillot du Napoli et que l’on se déplaçait dans le Nord. On recevait des « terroni » ( « paysan » , mais avec un côté très péjoratif, presque « cul-terreux » , ndlr) dans les stades, j’ai presque envie de dire que ça fait partie du jeu. Et puis c’est un racisme has-been parce que, malheureusement, la nouvelle cible, ce sont les réfugiés qui traversent la Méditerranée.
Les supporters des deux clubs sont très amis, tu sais pourquoi ?Précisément non, mais c’est un gros jumelage avec un réel respect réciproque. Avant et pendant le match les chefs ultras se rencontrent, se saluent affectueusement. C’est un vrai derby sportif et la rivalité concerne les joueurs avant tout.
Donc, ça ne se reflétait pas sur le terrain ?Non, le Renzo Barbera et le San Paolo sont des enceintes trop grandes pour que cet aspect puisse empiéter sur le terrain, ce n’était pas « visible » , et nous les joueurs étions et sommes concentrés sur ce qu’on doit faire. C’est beaucoup plus palpable quand c’est l’inverse, pour un Napoli-Roma par exemple.
Quelles sont les principales similitudes et différences entre ces deux villes ?Les similitudes : le climat, l’hospitalité des gens, une vie tranquille, moins frénétique, mais aussi une certaine indiscipline ou approximation et des quartiers difficiles, mais quelle ville importante n’en a pas ? J’ai vraiment trouvé peu de différences, Naples est une des seules villes que j’associe à Palerme en tout et pour tout. Disons que Palerme est plus cosmopolite, car elle a été dominée par les Grecs, les Barbares, les Bourbons, ça se voit aussi d’un point de vue architectural.
Et les Napolitains et Palermitains ?J’ai remarqué qu’ils avaient une grande facilité à discuter et sympathiser quand ils se rencontrent. En tout cas, il est difficile qu’ils s’embrouillent. D’ailleurs, il y a pas mal de Napolitains à Palerme, j’en croise souvent qui me demandent des photos. Il s’agit généralement de policiers, de carabiniers. L’inverse est valable, il y a un genre d’échange des forces de l’ordre.
Cuisine palermitaine ou napolitaine ?Palermitaine, cuisine et pâtisserie palermitaine d’ailleurs. Ce sont deux cuisines assez proches, la grosse différence concerne la façon de cuisiner le poisson, peut-être que les poissons siciliens ont plus de saveur, mais si tu me parles de mozzarella, je te dis Naples toute la vie.
Pourquoi y a-t-il beaucoup plus de Napolitains que de Palermitains, voire même de Siciliens en Serie A ?Je suis toujours le seul Sicilien à avoir évolué en Ligue des champions depuis qu’elle porte ce nom, c’est dire. Pourtant il y a un bon réservoir, mais les centres de formation sont vraiment mal structurés. Moi, la Juve m’a découvert lors d’un match que je disputais en Calabre. J’ai assisté récemment à un Palerme-Inter U19, les Nerazzurri étaient quatre fois plus forts. Je trouve qu’il y a moins d’envie de se sacrifier chez les jeunes Siciliens. Ils ne sont pas encore des joueurs affirmés qu’ils portent déjà tatouages et crampons colorés.
Palerme, 5e ville plus peuplée d’Italie, a le potentiel pour avoir un club luttant régulièrement pour d’importants accessits, et pourtant… Elle paye la gestion Zamparini entre changements de coachs, de directeurs sportifs, les joueurs écartés du groupe. Il n’y a aucune programmation et envie de progresser, de toute façon il veut vendre depuis déjà quelques années. En plus, il s’enfonce financièrement avec toutes ces indemnités de licenciement. Tant que le club ne sera pas vendu à un repreneur qui est compétent, qui a de l’envie, on n’en sortira pas.
Propos recueillis par Valentin Pauluzzi