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Arnaut Danjuma, l’astre de Villarreal

Par Adel Bentaha
Arnaut Danjuma, l’astre de Villarreal

Débarqué incognito à Villarreal l’été dernier, Arnaut Danjuma s’est mué en indispensable du Submarino Amarillo. Une révélation pleine, pour un joueur aussi élégant que décisif, qui a su faire de son tempérament de battant une arme fatale au plus haut niveau. L’attelage nécessaire au moment d’aborder une demie aller de Ligue des champions contre Liverpool ce mercredi.

« Né un vendredi » . En hausa (langage de l’ouest de l’Afrique, donnant également son nom à un groupe ethnique du Nigeria), le nom « Danjuma » s’est posé en terme annonciateur pour son jeune porteur : Arnaut. Lui qui est ainsi venu au monde au cinquième jour de la semaine ne pouvait être mieux prédisposé pour faire trembler les filets le week-end. Car de football, Arnaut Danjuma Groenveld, de son nom complet, n’a jamais cessé d’en vivre, au point de se construire un parcours à la mesure de son talent. Entre confiance en soi et envies de grandeur.

Souvent, nous nous retrouvions obligés de dormir dans la voiture. Ce fut une courte période, mais c’était suffisamment long pour marquer votre enfance.

Des hauts et des Pays-Bas

Pourtant, avant d’affoler les défenses européennes, Arnaut Danjuma a dû se forger une vie d’homme. Il n’a que quatre ans, quand son père Cees et sa mère Hauwa décident de quitter le Nigeria et sa Lagos natale. Un premier bouleversement, suivi d’un déchirement une fois arrivé à Oss, dans le sud des Pays-Bas. Sans explication, le paternel demande effectivement le divorce, laissant derrière lui une femme seule, chargée d’élever Arnaut, son frère Reiner et sa sœur Lisette. Alternant chômage et travaux domestiques, Hauwa tente, au possible, de donner une éducation décente à ses trois protégés. « Après le divorce de mes parents, ma mère s’est retrouvée privée de tout, s’émouvait-il dans une interview accordée au site de l’AFC Bournemouth. On lui refusait des logements et elle peinait à trouver un travail. Nous étions donc obligés de loger à droite, à gauche, chez des connaissances. Et souvent, nous nous retrouvions obligés de dormir dans la voiture. Ce fut une courte période, mais c’était suffisamment long pour marquer votre enfance. » Des mots lucides, comme un pansement posé sur une plaie encore sensible.

Et pour oublier l’inoubliable, le jeune Arnaut cultive son amour du football. Sur le bitume, l’adolescent peaufine en effet son jeu. « Le football me gardait loin de mes soucis. Je pouvais divaguer pendant ces quelques heures, c’était plaisant. C’était une échappatoire. » Malheureusement, l’impitoyabilité de la vie n’a pas fini de frapper la famille Groenveld, voyant la fratrie être placée en famille d’accueil : « Mon frère, ma sœur et moi avons été placés par les services sociaux. Et je n’ai vraiment pas aimé ça, poursuit-il. Les responsables de ces familles s’occupaient à peine de nous, refusant par exemple de m’emmener à l’entraînement, voire même à l’école. » Le salut ? Il viendra, comme par miracle, de Cees, son père, revenu au contact des siens. « Mon père est un peu revenu du jour au lendemain dans nos vies. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, j’en étais très content, car c’est mon père. Mes parents n’ont que rarement évoqué leur divorce, et je respecte cela, c’est leur vie. Et puis, je sais que souvent, on entend des histoires négatives sur les couples divorcés, sur leurs difficultés à bien s’entendre. Mais dans mon cas, tout s’est plutôt bien déroulé, malgré les quelques difficultés que l’on a connues au début. » Un discours lucide. Encore une fois.

Carrière en contre-la-montre

La vie de famille plus ou moins réparée, Arnaut peut désormais se consacrer pleinement à ses rêves de footballeur. Accompagné par un père attentif à l’évolution de son fils, Danjuma enchaîne les licences, montant en niveau année après année. Dans la petite structure du RKSV Margriet d’abord, puis au TOP Oss, avant de toucher au but : le PSV Eindhoven, en 2011. « Je n’ai jamais vu un adolescent aussi grincheux et compétiteur que lui, se remémorait Ron Smits, son formateur à Margriet, au micro d’Omroep Brabant. Donc il était aux aguets sur la moindre remarque, scrutait chaque mot que l’on pouvait dire sur son jeu. Mais comme il est de nature timide, il se cachait derrière son père pendant que je lui donnais des conseils, par peur de croiser mon regard. » Une carapace assumée, que les dirigeants du PSV se refuseront à ouvrir.

Quand je rentrais chez moi le soir, je trouvais Arnaut encore à l’entraînement dans la salle de gym. Il me fait énormément penser à Sébastien Haller, que j’ai côtoyé à Utrecht, dans son éthique de travail.

Impatient pour les uns, trop gourmand pour les autres, le parcours eindhovenois de ce talent reconnu de tous s’arrête ainsi aux portes du groupe professionnel. « Au PSV, ce sont les dirigeants et personne d’autre qui m’ont refusé une signature en professionnel, pestait l’intéressé dans Sportmagazine. Ce n’est pas lié à mon niveau sportif, mais simplement à ce que ces gens pensaient de moi en tant que personne. Et comme j’ai une fierté et que ça m’a fait mal, j’ai préféré partir ! » Coéquipier d’Arnaut à Bruges, Benoît Poulain se souvient effectivement de ce joueur au plan de carrière précis : « Il sait très bien où il veut aller, détaille le défenseur français. Quand on fait cinq clubs à 25 ans, ce n’est pas dû au hasard. Il a un plan en tête, avec des objectifs très grands et quand on regarde son parcours, on se rend compte qu’il monte vite, et bien, en gamme. » En effet, après ce départ précipité du PSV à l’été 2016, celui qui n’a alors que 19 ans apprend à se faire les dents au NEC Nimègue.

Deux saisons passée entre l’Eredivisie et son antichambre, pour un bonhomme se taillant doucement, mais sûrement une réputation sur les bords du Waal. « À 19-20 ans, il avait déjà une attitude de grand professionnel, se félicitait Wilco van Schaik, directeur général du NEC, dans Voetbal International. Quand je rentrais chez moi le soir, je trouvais Arnaut encore à l’entraînement dans la salle de gym. Il me fait énormément penser à Sébastien Haller, que j’ai côtoyé à Utrecht, dans son éthique de travail. »

Poste-frontière

Devenu trop grand pour l’Eerste Divisie, la deuxième division néerlandaise, Danjuma, fidèle à lui-même, ne perd dès lors pas de temps et choisit de filer de l’autre côté de la frontière : à Bruges donc. Au Club, c’est pourtant dans un rôle radicalement différent de celui qu’on lui connaît aujourd’hui qu’il débarque. Benoît Poulain : « Il était clairement latéral ou piston gauche. Nous jouions en 3-5-2, et lui était chargé de tout le couloir. Il défendait sans rechigner, mais on voyait clairement qu’il était plus à l’aise en attaque », sourit aujourd’hui le Français. « J’ai découvert un mec vraiment super sympa ! Un relou, mais dans le sens positif du terme. Il était excellent dans le chambrage, quand il te tenait, il ne te lâchait pas ! Et puis, chez nous, il s’est lié d’amitié avec Sofyan Amrabat, dont il est resté très proche depuis. »

En 2018, à Bruges c’est donc : la découverte de la Ligue des champions, un coup de canon inscrit face à l’Atlético et une première cape sous la tunique oranje contre… la Belgique (match durant lequel il marquera par ailleurs). L’étape essentielle à l’épanouissement de tout footballeur est ainsi toute trouvée. « Il a tout fait comme Haller, poursuit Van Schaik. Sébastien a choisi de s’aguerrir à l’Eintracht Francfort, Arnaut, lui, c’est Bruges. Ils ont eu un parcours similaire avant de briller au plus haut niveau. » Mais comme tout semblait aller trop bien pour lui, Danjuma a, pour une énième fois, décidé de forcer le destin, une saison seulement après son arrivée. « Vers la fin, on sentait que ça ne collait plus trop avec la direction. Arnaut est une personne qui aime bien prendre du temps pour lui et ses proches. Alors quand les dirigeants ont commencé à se montrer plus« stricts », il a senti sa liberté menacée et a préféré partir. Et puis quand je vois le prix auquel il a été vendu(16 millions d’euros, NDLR), je me dis qu’ils ne devaient pas être mécontents de son transfert. Personnellement, je me réjouis de le voir cartonner avec Villarreal, car c’est une personne adorable. »

J’ai découvert un mec vraiment super sympa ! Un relou, mais dans le sens positif du terme. Il était excellent dans le chambrage, quand il te tenait, il ne te lâchait pas !

Direction Bournemouth au mois d’août 2019, à la rencontre de la Premier League. Néanmoins, entre blessures et rendement insuffisant, Arnaut peine à s’imposer outre-Manche, assistant impuissant à la relégation des siens en Championship. Un passage obligé, auréolé d’un titre de meilleur joueur du club lors de la campagne 2020-2021. « J’ai fait mon possible pour ramener le club dans l’élite, je ne peux pas faire plus et je ne peux pas rester en Championship, dira-t-il. Il faut que j’avance dans ma carrière. » Suffisant, finalement, pour voir Villarreal sonner à la porte l’été dernier et déclencher la furie Danjuma.

L’homme d’Emery

L’arrivée du Néerlandais avait pourtant de quoi surprendre du côté de Castellón. Vainqueur de la Ligue Europa, qualifié en C1, le Submarino Amarillo se targuait également d’avoir une attaque efficace, portée par le trio Gerard-Alcácer-Chukwueze et renforcée par l’arrivée de Boulaye Dia. Débourser près de 25 millions d’euros pour s’attacher les services d’un joueur méconnu, évoluant en deuxième division, n’était donc pas vraiment dans les habitudes du président Fernando Roig. En réalité, l’instigateur de ce projet se nomme Unai Emery, conscient du plein potentiel à tirer de sa future recrue. « C’est l’un des seuls coachs au monde auxquels je voue un profond respect et à qui je donne une légitimité sans faille, narrait ainsi Arnaut au Guardian. Je discute une dizaine de fois par jour avec lui. C’est l’un des seuls mecs qui me font comprendre le jeu d’une autre manière. Chacune de ses causeries est une leçon de stratégie. »

En Espagne, c’est en effet dans un rôle hybride et bien plus offensif que Danjuma se révèle. Pierre angulaire du 4-3-3 de coach Unai, le Néerlandais s’est mué en indispensable pendant de Yeremi Pino ou Samuel Chukwueze à gauche, et en alternative en pointe. Un profil complet, bien loin des tâches défensives administrées au cours de sa vie brugeoise. « En le découvrant à Villarreal, j’ai été assez surpris de le voir à ce point dans l’axe de l’attaque, analyse Benoît Poulain. À Bruges, il était déjà très offensif et sur certaines phases de contre, il se retrouvait même dans la surface avant notre numéro 9. Mais il était collé à la ligne de touche. Aujourd’hui, c’est devenu un véritable attaquant. Réussir ce changement en moins d’un an, franchement, respect. » De quoi donner un peu plus de consistance à ses 10 buts inscrits en Liga (son plus haut total en première division), mais surtout à ses 6 réalisations en 12 matchs de Ligue des champions. Pas étonnant également de le voir disputer 33 rencontres (26 titularisations) sur 45 possibles, n’ayant manqué les 12 autres que pour blessure.

J’ai une faim énorme ! Dire qu’en ce moment, je fais partie des meilleurs ailiers au monde n’a rien de prétentieux. C’est même vrai et factuel.

« Il est en train d’écrire quelque chose de sérieux, enchaîne Poulain. Arnaut, c’est un joueur hollandais typique, hein. Comme ses compatriotes, sur le terrain il est confiant, voire arrogant pour certains, il ne se laisse pas faire et, surtout, il a une ambition énorme. Il a sciemment choisi Villarreal car il sait que c’est un tremplin. Aujourd’hui, il est dans une équipe que je nomme la « deuxième zone », derrière le Real Madrid et le Barça. Et à mon avis, le connaissant, il ne va pas tarder à rejoindre la première. » Des paroles justifiant dès lors le discours plein d’à-propos d’un joueur pas près de s’arrêter. « J’aime bien faire le bilan de mes étapes en carrière : aujourd’hui j’ai 25 ans, je joue à Villarreal et je suis en Ligue des champions. C’est déjà bien. Mais je veux faire encore mieux ! J’ai une faim énorme ! Dire qu’en ce moment, je fais partie des meilleurs ailiers au monde n’a rien de prétentieux. C’est même vrai et factuel. » Le fameux « melon » hollandais. Né un vendredi, Arnaut Danjuma devra donc faire de cette confiance absolue une arme de choix pour déstabiliser l’armée rouge de Liverpool et démontrer qu’en milieu de semaine également, tout lui réussit.

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Par Adel Bentaha

Propos de Benoît Poulain recueillis par AB.

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