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Arnaud Souquet : « Les Américains mangent tout le temps, c’est infernal »
Les plages de Miami ou de Los Angeles, très peu pour lui. L’ancien Montpelliérain Arnaud Souquet se fait sa propre idée de la MLS dans le nord des États-Unis à Chicago, dans une ville où le football peine à se faire une place.
Jouer aux États-Unis, cela a toujours été un objectif pour toi ?
Oui, en tant que personne née dans les années 1990, j’ai été bercé par le sport américain, donc j’ai toujours eu envie de découvrir ce pays. Cependant, il fallait bien y réfléchir, car faire bouger sa famille aussi loin, ça ne se fait pas à n’importe quel prix. Quand l’opportunité s’est présentée, il y a presque deux ans, j’ai senti que c’était le bon moment, car je n’avais pas envie de découvrir ce championnat en étant trop vieux (il a aujourd’hui 32 ans, NDLR).
Le départ de Montpellier en janvier 2023 s’est-il fait facilement, sachant que c’était en plein milieu de la saison ?
J’ai eu la chance d’être dans un club et d’avoir eu un président à Montpellier qui m’a laissé partir plus facilement que si cela avait été dans un autre club. Même si je ne jouais pas beaucoup, je ne serais jamais parti pour un autre club en France en cours de saison sachant qu’on jouait le maintien, ça n’aurait pas été correct. Chicago est arrivé et m’a proposé un contrat de trois ans, il y avait une certaine sécurité, et bon, je me suis laissé tenter par l’aventure américaine.
Bonjour, Arnaud Souquet 🥵 #cf97 pic.twitter.com/23C7IpyboM
— Chicago Fire FC (@ChicagoFire) January 9, 2023
Aucun regret d’être parti donc ?
Les six premiers mois ont été un peu difficiles, parce que ce pays n’a rien à voir avec l’Europe et la France, mais je me suis vite acclimaté. Après, j’aurais aimé que ça se passe un peu mieux au niveau des résultats avec le club en MLS, car je suis un compétiteur (le Fire de Chicago a terminé bon dernier de la conférence est, NDLR). Toutefois, je suis arrivé dans un club qui a un projet, qui veut changer et qui est en train d’essayer de changer. Ça va prendre du temps, mais j’aimerais bien faire partie de cette équipe pour revenir au minimum en play-off, voire battre des grosses équipes, car je ne suis pas venu pour être en préretraite. Le jour où je n’aurai plus cette mentalité de compétiteur, j’arrêterai parce que je n’ai pas besoin de faire subir tout ça à ma famille.
Tu as eu le temps de voir un peu du pays entre deux matchs ?
Oui absolument, on venait aussi pour ça. Déjà, on a pas mal visité Chicago. C’est une grande ville, la troisième du pays tout de même, donc il y a plein de choses à faire. C’est une ville qui a l’avantage d’avoir un grand lac, donc tu as vraiment cette sensation d’avoir presque la mer en face de toi. Et puis on a visité d’autres villes américaines comme Miami, Los Angeles et récemment, on a fait Las Vegas. On en profite au maximum parce qu’on ne sait pas combien de temps ça va durer.
C’est quoi la chose qui t’a le plus marqué en arrivant ici ?
Ici, tout est plus grand et les moyens déployés sont colossaux. Dans quelques mois, on va voir un nouveau centre d’entraînement, ils ont mis 90 millions de dollars dedans. Ici à Chicago, on a l’impression d’être au Bayern en matière d’infrastructure, de matériel, de médecins, de staff et du nombre de personnes qui gravitent autour de toi. Après, pour le côté négatif qui m’a marqué, c’est la nourriture. C’est vraiment scandaleux, et quand on n’est pas préparé, ça fait un choc. Des fois, quand on part en voyage pour jouer, tu es à l’hôtel, tu as des fajitas et des burgers… Ils mangent tout le temps, c’est infernal. Il faut vraiment faire attention à son poids, c’est une mission de tous les jours, en fait. Et ici, il n’y a pas de mise au vert quand tu joues à domicile. Tu dois juste arriver une heure et demie avant le coup d’envoi comme si tu étais en district en France. C’est complètement fou.
Le niveau de la MLS, c’est mieux qu’avant ?
Je ne sais pas si c’est mieux qu’avant, mais en tout cas, ils essayent vraiment d’attirer et d’investir sur des joueurs plus jeunes pour que le championnat reste attractif. Ils ont aussi réussi à attirer des grandes stars comme Messi, Giroud ou Lloris, donc ça progresse, mais le niveau général reste quand même moyen. Il y a beaucoup moins de tactique qu’en Europe, tout est fait pour que le jeu soit un spectacle donc il y a aussi moins de rigueur en défense. Je pense que les meilleures équipes ici ne battent pas nos 5 meilleures équipes en France.
Est-ce que le football intéresse vraiment les Américains ?
Quand je vois le nombre de personnes venir dans notre stade, le Soldier Field de Chicago, j’aurais tendance à dire non, car on joue dans un stade de 80 000 places et il n’est absolument pas rempli. Après, je sais que cela progresse (le club de Chicago vient d’enregistrer la meilleure affluence de son histoire avec plus de 21 000 spectateurs en moyenne, NDLR), mais on ne sera jamais à la hauteur des autres sports américains. Surtout que Chicago, c’est une ville avec beaucoup de sports comme le basket ou le football américain, donc ici nous, on est un peu la cinquième roue du carrosse. En revanche, une ville plus petite où il y a moins de concurrence comme Columbus remplit son stade de 16 000 places pratiquement à chaque match. De plus, avec la Coupe du monde, il y aura un vrai élan populaire, j’en suis persuadé.
Avec l’arrivée de Messi, on parle plus de la MLS quand même ?
Oui, bien sûr, car ça vient dans leur objectif Coupe du monde 2026. Cet objectif a été matérialisé par la venue de Messi. Il met un énorme coup de projecteur sur la ligue. Maintenant, tout le monde entend parler de la MLS ou voit des vidéos de ses matchs. Ici, il s’amuse, c’est trop facile pour lui, même à son âge. Avec des joueurs comme lui, la MLS prend une autre ampleur et gagne de l’intérêt ici et partout ailleurs.
Malgré les 7 heures de décalage, tu arrives toujours à suivre le foot en France ?
Oui, j’essaye de suivre le foot en Europe et en particulier en Ligue 1, mais je ne me suis pas abonné à DAZN. Je trouve que c’est cher par rapport à l’offre qui est proposée. Je comprends ce qu’a voulu dire le président Nicollin, avec cette histoire de restaurant, mais c’est difficilement entendable en France en ce moment, quand des gens qui ont du mal à payer l’électricité, à faire les courses… Après, chacun est confronté à ses choix sur ce qu’il veut dépenser ou pas.
En Ligue 1, quels sont les joueurs qui t’ont le plus impressionné ?
Franchement, il y en a eu pas mal. J’ai connu les années où il y a eu le Paris de Neymar et Mbappé. Balotelli à Nice, c’était très fort aussi, et à Lille, il y avait Gervinho et le phénomène Eden Hazard.
Ça t’a surpris qu’il arrête sa carrière ?
Ça me surprend de moins en moins quand je vois des joueurs arrêter comme Hazard. Il y a une partie de toi où tu envies leur carrière, ce qu’il gagne, pour tout ça, mais il y a la partie cachée que tu n’as pas envie d’avoir et que les gens ne voient pas. En fait, ces gens-là n’ont pas de vie en dehors du terrain, car ils sont constamment observés et des fois même, ils se font embêter. Je me souviens d’une discussion avec Mamadou Sacko quand il arrive à Montpellier où il me racontait qu’il trouvait ça dingue qu’il soit allé chercher ses enfants à l’école sans se faire embêter. Pour moi, c’est justement ça qui est fou. Qu’il puisse avoir cette réaction. Donc je comprends qu’à un moment, tu arrêtes le football à cause de ce qu’il se passe autour parce que tu es rincé psychologiquement.
En tant que joueur de foot aux États-Unis, on se fait moins embêter ?
Oui, j’ai l’impression ici d’être un joueur entre guillemets « normal ». Je peux aller tranquillement chercher mes enfants à l’école. (Rires.) Après, moi, je ne suis pas une star aux États-Unis, donc ça va, je n’ai pas trop à me plaindre et je vis ma vie tranquillement avec ma famille. Mais je pense que si Mbappé débarquait dans le centre de Chicago, ça serait la même chose qu’en France.
Propos recueillis par Raphaël Bazile, à Chicago