- Bhoutan
- Thimphu City FC
Armand Beadum : « Avec 32 buts, il y a des chances que mes statistiques soient observées »
Kane, Mbappé, Haaland et Guirassy peuvent aller se rhabiller : le meilleur buteur de la saison est un Tchadien de 27 ans et joue dans le club de Thimphu City FC, au Bhoutan, le pays du Bonheur national brut. Armand Beadum a en effet inscrit 32 buts avant le dernier match de la saison, lundi face à Paro.
Vous avez signé à Thimphu City FC en juin dernier, et vous en êtes à 32 buts en 17 matchs, sur les 59 inscrits par votre équipe, avant la dernière rencontre de Premier League face à Ugyen Academy, lundi. Vos statistiques ne sont pas communes. Vous avez marqué plus que Mbappé, Kane et d’autres…
Oui, enfin, il faut relativiser, car c’est difficile de comparer. J’espère conserver cette première place au classement des buteurs de la Premier League bhoutanaise. Derrière moi, il y a un Japonais (Kazuo Homma) qui joue à Paro, le club champion. Il en est à 28 buts, normalement, ça devrait aller. Je suis très content d’avoir marqué autant. Cela n’a pas été suffisant pour que Thimphu City soit leader, mais personnellement, je suis très content de mon bilan, pour ma première saison au Bhoutan. Je joue dans une équipe qui pratique un jeu offensif. J’ai marqué presque à tous les matchs, je vais essayer de bien finir le championnat.
Lors du match contre Namilha, le 25 octobre (10-0), vous avez inscrit sept buts. C’était la première fois que vous réussissiez un septuplé ?
Ah oui ! Je voulais faire quelque chose ce jour-là, car Homma avait quatre buts d’avance sur moi au classement des buteurs. J’étais très concentré et j’ai marqué ces sept buts. On m’a donné le ballon du match, sauf que je dois en avoir six ou sept chez moi, car j’ai mis quelques triplés et quadruplés. Mais je ne vais pas pouvoir les rapporter au Tchad, quand je vais rentrer au pays après la fin de la saison. Ça prend trop de place. Je vais les laisser au club !
Comment un attaquant tchadien se retrouve meilleur buteur au Bhoutan ?
J’ai quitté le Tchad en 2019. J’avais joué à Gazelle, puis à Elect-Sport, mais dans mon pays, le football n’est pas professionnel. Je faisais des études à N’Djaména, et je gagnais une centaine d’euros grâce au foot. Un jour, une de mes connaissances, qui travaille dans l’humanitaire, m’a parlé du Népal, que des clubs pourraient être intéressés par mon profil. J’ai envoyé des mails à des clubs en leur proposant de venir à mes frais au Népal, et d’effectuer des essais. L’un d’eux, Chyasal Youth, m’a proposé un contrat assez rapidement, car j’avais marqué plusieurs buts lors de matchs amicaux. J’ai donc signé dans ce club. Puis j’ai ensuite rejoint Lumbini et enfin AFP Club. Mais la saison dernière, le championnat du Népal a duré quatre mois au lieu de sept. Il fallait que je retrouve vite quelque chose, et grâce à un joueur japonais avec qui j’avais joué au Népal, et qui était à Thimphu City, j’ai été mis en relation avec le président, qui m’a proposé de venir. Au Népal, j’étais vraiment professionnel, je gagnais correctement ma vie, autour de 2500 euros par mois, ça s’était bien passé sportivement. Je ne voulais pas retourner au Tchad, et comme je n’ai pas d’agent, j’ai écouté cette proposition.
Et que saviez-vous du Bhoutan ?
Absolument rien ! C’est pourtant un pays proche du Népal. Je me suis renseigné. J’ai appris par exemple que c’est le Pays du bonheur national brut ! Que c’est une monarchie héréditaire. J’ai discuté avec le président de Thimphu City du contrat. J’allais gagner moins qu’au Népal, environ 1600 euros, mais avec des primes, un logement et une voiture fournis par le club. J’ai accepté et je suis venu. Et j’ai découvert un pays vraiment surprenant.
Qu’est-ce qui vous a le plus étonné ?
D’abord, ce n’est pas simple de s’adapter, car Thimphu, la capitale, est à 2400 mètres d’altitude. Pour respirer normalement, ce n’est pas évident. À Katmandou, au Népal, on est aussi assez haut (1400 m), mais pas autant. Ensuite, ce qui est incroyable ici, c’est le calme. Il y a très peu de bruit. Au Népal, ou dans d’autres pays asiatiques, c’est beaucoup plus bruyant. Les gens sont également très calmes. C’est un pays qui s’est ouvert il y a seulement quelques années au tourisme. Je peux vous assurer que ce n’est pas facile d’avoir un visa. Quand je suis arrivé, on m’a donné un visa d’un mois. Entre-temps, ils observent comment vous vous comportez, et si vous ne faites pas de conneries, l’immigration vous délivre un permis de travail.
Le quotidien à Thimphu, c’est comment ?
Très agréable. C’est une ville calme, très sûre. Je n’ai jamais entendu parler d’agressions, de vols. Aujourd’hui (l’interview a été réalisée le 30 novembre), il y a des élections législatives. Il n’y a pas d’incidents. Les gens sont cool, accueillants. Il n’y a pas d’agressivité dans leur comportement. La ville est très belle, les bâtiments, les maisons ont un style particulier, que j’aime beaucoup. Le stade national, où joue la sélection et où se disputent des derbys, est un exemple. S’il n’y a pas une pelouse et des buts au milieu, tu n’as pas l’impression d’être dans un stade de foot ! On s’entraîne tous les jours. J’aime bien aller boire un café, faire un tour. J’habite au centre. On se fréquente pas mal, avec les autres joueurs. Les Bhoutanais vont facilement t’inviter chez toi. Moi, je suis assez copain avec le fils du président. Il joue dans l’équipe, on joue de temps en temps à la console, on va boire un café. J’aime bien aussi regarder la télé locale, enfin quand les programmes sont en anglais, ça me permet de comprendre un peu mieux le pays. Le quotidien est agréable, même si je suis loin de ma femme et de mes deux enfants, qui vivent au Tchad. Et j’ai un peu de mal avec la nourriture locale, qui est très épicée. Ce n’est pas trop mon truc. Je préfère me faire à manger ce que j’aime. Et quand on va en déplacement, je demande à manger des trucs simples, comme des pâtes, du riz, de la viande, mais sans épices.
Quel est le niveau du football au Bhoutan ?
On pratique un football plus technique que physique, les équipes jouent de manière offensive. Je ne sais pas si tous les clubs sont professionnels. Il y a une volonté d’aller vers le professionnalisme. Il y a des efforts de faits sur la formation des jeunes, avec des académies. Le problème, c’est que les moyens manquent. Le niveau est plus ou moins équivalent à celui du Népal. Évidemment, ce n’est pas comme en Inde, en Thaïlande, en Indonésie, mais le Bhoutan est un petit pays, il faut lui laisser le temps de progresser. La sélection a battu Hong-Kong (2-0) en qualifications pour la Coupe du monde 2026 (0-4). Il y a des joueurs étrangers dans pas mal de clubs.
Allez-vous y rester ?
Je suis en fin de contrat. Le président m’a proposé de rester, mais je lui ai dit que j’avais besoin de réfléchir. Il y a des rumeurs, comme quoi Paro, le champion, qui va participer à la Coupe de l’AFC, serait intéressé. Mais j’aimerais aussi rejoindre un championnat plus relevé. Je n’ai pas d’agent, mais il y a quand même des chances que mes statistiques soient observées, même si j’ai marqué des buts dans un championnat très peu connu. J’ai voulu être professionnel, le Népal et le Bhoutan m’ont permis de le devenir, et j’ai envie que ça continue.
Et la sélection nationale tchadienne ?
J’avais été présélectionné il y a quelques années. J’aurais dû être dans le groupe pour les deux premiers matchs qualificatifs pour la Coupe du monde contre le Mali (1-3) et Madagascar (0-3), mais si j’ai bien compris, cela revenait trop cher à la fédération en billets d’avion pour me faire venir !
@so_foot À quand la carte TOTY de Beadum sur FC 24? #bhoutan #thimphucityfc #beadum
Propos recueillis par Alexis Billebault
Photos : Thimphu City FC