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Arjan de Zeeuw, en quête d’enquêtes
Depuis qu'il a pris sa retraite en 2009, Arjan de Zeeuw est enquêteur pour la police hollandaise. Spécialiste en science médico-légale, les cambriolages et le trafic d'êtres humains font désormais entièrement partie du quotidien de cette ancienne star de Wigan. Bien loin du rectangle vert et de la ferveur des supporters de Premier League…
« Ah non, c’est vrai, je ne joue pas aujourd’hui. » Combien d’anciens footeux se sont levés un matin après leur retraite avec ces quelques mots à la bouche ? Arjan de Zeeuw en fait partie. Mais si cet ancien défenseur de Premier League ne joue plus, il s’est trouvé une autre vocation, une deuxième passion. L’amplification en chaîne par polymérase. Précisément. C’est une méthode de biologie moléculaire d’amplification génique in vitro qui permet de dupliquer en grand nombre une séquence d’ADN connue, à partir d’une faible quantité. Une technique d’investigation de plus en plus utilisée en criminalistique. Vous dites ? Moins intéressant que le 4-3-3 de Gerardo Martino samedi soir en finale de la Copa ou que le transfert de Falcao chez les Blues ?
Football et science médico-légale : du WAFC à NCIS
Avant de devenir le capitaine emblématique qu’il a été à Wigan et à Portsmouth, Arjan de Zeeuw a étudié la science médico-légale tout en pratiquant le foot au sein des ligues régionales hollandaises, à Telstar précisément. À 25 ans, il arrête tout pour s’envoler vers la Premier League. L’aventure britannique devait être éphémère, comme l’explique De Zeeuw dans un entretien accordé récemment à la BBC : « Je pensais y aller, jouer quelques années, rentrer aux Pays-Bas et devenir médecin. Mais j’ai tellement aimé ce que je faisais là-bas que je suis revenu seulement 13 ans plus tard ! La passion du football en Angleterre est tellement plus grande qu’elle ne l’est aux Pays-Bas. » Tu m’étonnes.
L’amour des supporters, les frissons d’avant-match, l’univers des vestiaires et des entraînements… Oui, footballeur est sans aucun doute le job le plus cool au monde. De Zeeuw le reconnaît lui-même sans problème. Mais à 45 ans, l’ancienne gloire de Wigan est lucide. Il est rentré au bercail, est revenu s’installer dans sa ville d’origine au nord d’Amsterdam et confie que sa nouvelle vie lui apporte elle aussi beaucoup de satisfaction. Toujours à la BBC, il raconte : « Quand tu as été footballeur, tu as envie de l’être jusqu’à tes 100 ans ! C’est le meilleur boulot que tu puisses faire. Mais aujourd’hui, je travaille 36 heures par semaine, j’aide les gens, j’ai beaucoup appris et je continue d’en apprendre énormément au quotidien. »
De retour aux Pays-Bas à l’âge de 39 ans, difficile pour lui de reprendre ses études de médecine. Malgré les obstacles, Arjan de Zeeuw choisit la police, se lance et écrit un nouveau chapitre de sa vie. « L’univers de la police m’attirait depuis longtemps et j’avais toujours voulu faire quelque chose d’utile pour la société. J’avais déjà changé de carrière en cours de route. Je me suis dit « Ok, pourquoi ne pas le refaire ? » »
Joueur préféré des supporters et de… Tony Blair
Joueur clé des équipes dans lesquelles il a évolué, dans sa carrière de footballeur, De Zeeuw est loué pour être un exemple de calme et de professionnalisme. « Avant de devenir footballeur, j’avais un surnom : le faiseur de paix. » Élu meilleur joueur de Porstmouth à l’issue de la saison 2003-2004, il gagne le brassard de capitaine la saison suivante. Un capitaine dont se souviendront les fans de « Pompey » . Il devient définitivement une légende du club lors d’un match disputé face à Bolton le 27 novembre 2004. Pendant la rencontre, De Zeeuw se fait cracher au visage par l’attaquant sénégalais des Trotters, El-Hadji Diouf. Incrédule, Arjan de Zeeuw ne réplique pas. Auteur de l’unique but qui permettra la victoire de son équipe, le capitaine de Portsmouth, d’un calme olympien, se contentera de commenter dans la presse : « On menait 1-0, je n’allais pas me faire expulser même si, oui, j’aurais aimé lui en mettre une. » Diouf sera, lui, condamné à trois matchs de suspension et à deux semaines sans salaire. Cet épisode, les supporters de Portsmouth s’en rappellent encore…
Malgré la relégation du club à l’issue de cette saison, les fans pleurent le départ de leur ancien capitaine qui repart à Wigan à l’été 2005. Du haut de ses 35 ans, De Zeeuw effectue une saison très cohérente au cœur de la défense des Latics, les aidant à gagner une bonne place de milieu de tableau. Déjà élu joueur de l’année lors de sa première saison à Wigan (2001/2002), il sera cette année-là élu par les supporters « meilleur élément de l’histoire du club » . Rien que ça. Plus prestigieux encore, De Zeeuw recevra les éloges d’un certain… Tony Blair. Dans un entretien accordé au magazine Football Focus cette année-là, l’ancien Premier ministre déclare son amour pour le joueur hollandais : « J’aime beaucoup Arjan de Zeeuew, il est vraiment très bon et ne baisse jamais les bras. Je pourrais même en faire notre coordinateur de parti ! » La réponse de De Zeeuw ? « Le Premier ministre ne doit vraiment pas y connaître grand-chose en football ! »
Reconversion réussie
L’année suivante, De Zeeuw est finaliste de la Coupe d’Angleterre, capitaine d’une équipe de Wigan qui affrontait un grand Manchester United. Dans l’antre du Millennium Stadium à Cardiff, devant près de 67 000 personnes, le capitaine des Latics se retrouvait cet après-midi-là face à des joueurs du calibre de Wayne Rooney, de Cristiano Ronaldo ou encore de Ryan Giggs. Grosse pression donc. Et pourtant… « La semaine dernière, je suis allé interroger chez lui un homme suspecté d’être impliqué dans plusieurs cambriolages. Il était très nerveux et pour être honnête, je l’étais autant que lui. Tu peux jouer devant des dizaines de milliers de gens, mais là, c’est complètement différent… »
À l’heure où nos anciennes gloires du foot rêvent toutes ou presque de devenir des consultants grassement rémunérés, Arjan de Zeeuw a lui une tout autre ambition. Il espère bientôt faire évoluer sa nouvelle carrière et pouvoir enquêter sur des crimes de plus gros calibres : « Bientôt, j’espère pouvoir travailler directement sur les scènes de crimes, sur des meurtres ou des kidnappings. » Surprenante confidence. Encore aujourd’hui, De Zeeuw doit faire face à son passé d’ancienne star du ballon rond. Dans un entretien accordé au Daily Mirror cette fois, s’il explique avoir définitivement tourné la page, il admet qu’aux Pays-Bas, certains se rappellent encore de lui : « On m’a reconnu une fois au boulot. On interrogeait un suspect au sujet de plusieurs cambriolages et le mec m’a dit : « Je te connais. Tu es ce footballeur qui jouait en Angleterre ! » Donc on a parlé football et on a rapidement repris la discussion sur le crime. J’ai senti que ça l’avait ouvert, il se dévoilait plus après ça. »
Et le salaire dans tout ça ? Peu importe, De Zeeuw se sent utile. « Je gagnais bien ma vie en Angleterre. Mais ce n’était pas assez pour me poser sur mes fesses pour le restant de ma vie. Ce n’est pas moi de toute façon. Je n’ai pas envie de me retrouver au club de golf tous les après-midi, non merci. La première année après avoir pris ma retraite, je me levais encore tous les samedis matin : « Alors, on joue qui aujourd’hui ? Ah non c’est vrai, je ne joue pas aujourd’hui… » »
Par Sara Menai