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Argentine : un Mondial à l’heure d’été
Il n’y a rien de plus doux qu’une Coupe du monde l’été. Et les Argentins le découvrent avec émerveillement pour la première fois de leur vie. Avec parfois la sensation d’avoir été privés de ce plaisir jusque-là.
Trois degrés à Paris, la nuit qui tombe à 17 heures, la Coupe du monde au début de l’hiver a quelque chose de désolant pour qui est habitué aux longues heures passées aux terrasses des bars et des cafés. L’Argentine, en revanche, où l’on a toujours vécu la Coupe du monde au cœur de l’hiver austral, découvre avec délice les joies des chaudes soirées à fêter les victoires de la Scaloneta, comme le résume l’écrivain Andrés Burgo dans Tiempo Argentino : « Ceux qui habitent dans cette partie du monde n’ont vécu que des coupes du monde en doudoune dans des pièces fermées et près du radiateur. Les Coupes du monde en été sont magnifiques et on ne le savait pas. C’était un privilège jusque-là réservé aux gens du nord, qu’ils soient européens, nord-américains ou japonais. Fêter une victoire en short ou voir jouer Kylian Mbappé au bord d’une piscine, c’est un vrai plaisir. »
Double ration d’asado
Nicolás, qui travaille dans le secteur public, garde un souvenir glacial d’un Argentine-Côte d’Ivoire en ouverture du Mondial 2006. À l’époque, ce footballeur amateur regarde le match en famille devant un ragoût bien hivernal, alors que la température oscille entre 5 et 10 degrés : « Et à la fin du match, c’était fini. » Rien à voir avec le double asado qu’il s’est envoyé sous 34 degrés avec des amis samedi dernier, le jour du match contre l’Australie : « On a allumé la parrilla en suivant le match Pays-Bas-États-Unis, on a regardé le match de l’Argentine. Et après la victoire, on a remis du bois et on a fait un deuxième asado pour fêter la qualif. En fait, ce qui est super, c’est l’après-match dont on ne peut pas trop profiter quand la Coupe du monde se joue en hiver. » Ezequiel, chauffeur de taxi, confirme : « La dernière fois, je suis allé voir jouer la Selección chez des amis avec mon fils. J’ai dit à ma femme que je rentrais dans la foulée, résultat on a fait un petit match, puis un barbecue et on est rentrés à 3 heures du matin. »
Dans la chaude nuit de Buenos Aires, après la victoire en huitièmes de finale, des milliers de personnes refaisaient le match en buvant du Fernet Coca ou des bières fraîches dans les rues et les parcs de la ville jusqu’à des heures avancées de la nuit. Les jours de match, des centaines de personne se parent de l’uniforme national, short et maillot de Messi ou de Maradona sur le dos. Absolument inhabituel dans cette partie du monde où les Coupes du monde sont normalement synonymes de maillots camouflés derrière plusieurs couches de vêtements : « C’est bête, mais voir tous ces maillots dans la rue, ça participe à créer une ambiance différente. Les gens fêtent beaucoup plus les victoires. Après le match contre l’Australie, j’ai eu l’impression qu’on s’était qualifiés pour la finale », remet Nicolas, qui vit cette première fois avec délectation. Comme ce groupe de dix amis qui a loué une maison avec piscine et parrillapendant un mois pour vivre cette Coupe du monde estivale dans les meilleures dispositions.
Bière, vin et pisse-vinaigre
Au milieu de l’euphorie ambiante, il y a bien sûr comme toujours quelques pisse-vinaigre. Sebastian fait partie de ceux-là. Pour ce travailleur indépendant, le Mondial en été est aussi un caillou dans sa botte à l’heure de faire ses bilans de fin d’année et de clôturer ses comptes : « Entre Noël qui arrive et le boulot, ce n’est pas idéal pour suivre les matchs. En hiver, il n’y a pas grand-chose à foutre, je peux me concentrer exclusivement sur la Coupe du monde. » Quant à la question des asados ? « De toute façon, on en fait toute l’année », évacue ce quadra qui a hâte de retrouver son Mondial hivernal. Pour José, professeur de padel, la différence entre l’été et l’hiver se joue elle à un détail, et pas des moindres : le choix de la boisson. « Normalement, on boit du vin devant les matchs, là on boit de la bière. » La quantité ingérée dépendra, elle, du résultat de l’Albiceleste face aux Pays-Bas samedi.
Par Arthur Jeanne, à Buenos Aires