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Arda Turan, forte tête plus que tête de Turc
Il n’est ni grand ni rapide. Il marque peu et n’affole pas les statistiques. Il n’ira pas au Mondial et ne sera jamais mis en avant. Lui, c’est Arda Turan, Turc de naissance et meneur de jeu de génie. Sans leur caution technique, les Colchoneros redeviendraient une équipe lambda, ou presque.
Arda Turan n’a pas la reconnaissance que son talent mérite. Arda Turan n’est pas un soldat simeonesque comme un autre. Arda Turan n’entre dans aucune case. Arda Turan est différent… Oui, il est difficile de définir Arda Turan. Meneur de jeu au toucher léché, l’international turc est la caution talent de l’Atlético de Madrid. Il en est également l’une des clés. À désormais 27 ans, le natif d’Istanbul est au sommet de sa carrière. Une carrière qui l’a mené des bords du Bosphore à ceux du Manzanares, du Galatasaray au club du Sud de la capitale espagnole. Tout au long de son périple, il n’a cessé de cultiver sa différence. Pourquoi ? Parce qu’à l’heure de la guerre des mutants Messi-Ronaldo, lui avoue que son idole est Iniesta : « Nous avons le même âge ? Ça n’importe pas. J’ai de l’admiration pour lui-même si nous sommes rivaux sur le terrain » , déclare-t-il au Libero. Avant de défier le Milan AC à San Siro, les Colchoneros de Diego Simeone devront remettre une part de leur destin dans les pieds d’Arda Turan. Et ils ne le regretteront pas. Explications.
En Liga, le plus bel intermittent du spectacle
Si Arda Turan est un joueur si atypique sur le terrain, il le doit à une jeunesse passée dans la rue. « Nous avons toujours joué dans la rue, même quand nous étions plus vieux, nous jouions dans la rue. Pour cela, le football en Turquie ne pourra être comme en Espagne, parce que les enfants jouent toujours dans la rue » , raconte-t-il. Son enfance, il ne la catalogue pas comme difficile. Il explique seulement avoir « vécu dans des maisons avec les portes ouvertes, personne n’avait peur et de toute façon, personne n’avait d’argent pour acheter quelque chose » . Le football changera tout, Fatih Terim sera son guide. L’ancien sélectionneur de la Turquie le rapatrie en 2000 au centre de formation du Galatasaray. En 2005, Gheorghe Hagi, alors entraîneur du Gala, le fait débuter en équipe première. Par la suite, tout va très vite. Toujours membre des sélections de jeunes, il rejoint la Milli Takim en 2006. En 2009, du haut de ses 22 ans, il devient même capitaine de l’équipe du lycée français. Arda n’est pas du genre à perdre son temps.
Surtout, ses prestations de capitaine font rapidement le tour de l’Europe. Les plus grandes écuries européennes viennent frapper à la porte. Le prix à débourser, de plus de 25 millions d’euros, effraie. Il attendra donc 2011 pour découvrir un autre football. Contre 15 patates, l’Atlético Madrid décroche le gros lot. Ses débuts sont réussis. Décisifs – 5 buts, 8 passes –, il est élu mi-décembre meilleure recrue de Liga devant Falcao et Fàbregas. Excusez du peu. L’arrivée de Diego Simeone à la même époque va changer la donne. Connu pour ses petites sucreries, Arda va souffrir de son physique déficient. Lui préfère voir le ballon courir, alors que Simeone veut voir ses hommes galoper. Ainsi, son adaptation aux méthodes du Cholo ne se fait pas sans souffrance. Turan est incapable de tenir 90 minutes. Que ce soit pendant 20, 45 ou 60 minutes, il assure et devient le plus bel intermittent du spectacle. En chiffres, lors des six premiers mois de Simeone, le Turc ne termine que 10 % des matchs. Autre changement, son poste : meneur de jeu, il devient ailier gauche sous un Simeone qui lui préfère Diego dans l’axe. Beaucoup de changements, donc.
5 buts et « pas spécialement satisfait »
Mais Arda a la tête dur, et les reins solides. Alors, il se remet au travail. Et se laisse pousser la barbe. Désormais, il accepte de « faire son travail en défense » pour « avoir de la liberté en attaque » . Il a désormais 90 minutes dans les jambes et la lucidité qu’elles nécessitent. Lors des gros matchs de cette saison – Supercoupe d’Espagne face au Barça, matchs de C1 –, il est l’un des tout meilleurs Colchoneros. Lors du match de championnat face à ces Blaugrana, il était d’ailleurs la seule bonne raison de se rendre au stade. Sa nouvelle caisse n’explique pas tout, son talent beaucoup plus. Sa vision du football également. Toujours dans le magazine Libero, il raconte : « Il se peut que je mette cinq buts dans un match et que je ne me sente pas spécialement satisfait, mais gagner la Coupe face au Real au Bernabéu, l’histoire s’en souviendra. » Le Turc a même donné son nom à un néologisme en Espagne, « l’Ardaturanismo » : « C’est-à-dire, si tu me mets dans un classement des meilleurs buteurs, je serai le dernier. Ce n’est pas ma priorité. » Prolongé en automne jusqu’en 2017, il ne devrait pas quitter les bords du Manzanares à moins d’une offre faramineuse. D’autant plus que les ultras du Frente Atlético l’ont érigé en icône. Arda n’a vraiment rien d’une tête de Turc.
Par Robin Delorme, à Madrid