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Arbitrage vidéo : la tentation de l’indécision

Par Christophe Depincé
Arbitrage vidéo : la tentation de l’indécision

Ce week-end, un nouveau cas a alimenté encore un peu plus le débat autour de l'arbitrage vidéo lors de la Supercoupe des Pays-Bas.

Samedi 5 août, Stade Kuip de Rotterdam. Feyenoord, champion des Pays-Bas, affronte Vitesse Arnhem, vainqueur de la Coupe, lors du traditionnel Johan Cruijff Schaal. Les supporters du Vitesse ont à peine le temps de crier à l’injustice, ceux du Feyenoord de dire « ouf » que les locaux transforment une situation litigieuse dans leur surface en une contre-attaque éclair. Les filets de Remko Pasveer tremblent, le stade exulte, Feyenoord mène désormais 2-0. Enfin, pas tout à fait. Les visiteurs encerclent l’arbitre, Danny Makkelie, les joueurs de Van Bronckhorst stoppent leur célébration, le stade se tait, le regard suspendu sur l’homme en bleu ciel qui, plus d’une minute après le but, mime avec ses mains le fameux rectangle signifiant l’appel à l’assistance vidéo. Il se dirige au bord du terrain pour se faire le replay de l’action devant un écran à sa disposition, tergiverse un peu et prend son courage à deux mains deux minutes trente trop tard : pénalty pour Vitesse Arnhem ! Des années qu’on vous le dit : la justice est trop lente.

Vidéo

Justice rendue, émotions volées

« Justice a été rendue » diront les pro-vidéo. Et ils auront raison. Pendant que les anti bondiront sur le ridicule de la situation et brandiront l’argument de la sacro-sainte émotion bafouée et corrompue. Et ils n’auront pas tort non plus. Ce sont là deux visions du football qui s’opposent et ne seront pas réconciliées de sitôt. Celle qui ne veut rien laisser au hasard, focalisée sur les enjeux et celle qui s’accroche aux mythes qui ont participé à l’histoire de ce jeu, de la main de Dieu à celle de Suarez. Il n’a d’ailleurs, pour les défenseurs de cette dernière, jamais été question de dire « vive l’injustice » . Il s’agit de savoir vivre l’injustice. Car elle nourrit chaque jour un sport qui accepte qu’un joueur coûte plus cher qu’une équipe et permet pourtant que le petit accroche parfois le scalp du géant. Elle nourrit mille légendes où une expulsion imméritée a galvanisé dix coéquipiers, mille autres où elle n’a pas été réparée.

C’est l’essence même de ce sport que de ressentir l’injustice, qu’elle soit réelle ou fantasmée, à chaque élément contraire. Mais la situation cocasse qu’a dû affronter monsieur Makkelie dépasse les fractures dogmatiques. Il ne s’agit pas là pour les romantiques de faire leur plaidoyer habituel sur les incohérences techniques de l’arbitrage vidéo ou les raisons qui font de celui-ci le fossoyeur d’une certaine idée du football. Non, c’est encore autre chose. Samedi soir, nous avons assisté à la démission d’un arbitre en plein match. Et cela pose une question fondamentale : la vidéo est-elle là pour aider l’arbitre ou pour le déresponsabiliser ?

Assistance et assistés

Elle a en tout cas poussé Danny Makkelie à s’effacer pour ensuite se donner en spectacle. Si plusieurs cas ont déjà démontré que la pratique n’est pas infaillible, celui-ci pouvait faire office d’exemple du bien-fondé de sa mise en place. Mais la vidéo a-t-elle aidé l’arbitre à prendre la bonne décision ou l’a t-elle avant tout poussé à ne pas en prendre ? Le pénalty semble clair à vitesse réelle et l’arbitre est très bien placé. Pourquoi ne siffle-t-il pas de suite ? Deux explications possibles : 1) il est mauvais, 2) il refuse de prendre un risque, aussi minime soit-il. La première explication pointe un problème qui devrait et pourrait être résolu en dehors du cadre de l’assistance vidéo. Celle-ci ne devant pas être un alibi à la médiocrité. La seconde semble la plus logique au vu du contexte et soulève la problématique du filet de sécurité déresponsabilisant qu’offre l’assistance technique.

Elle ouvre en effet le champ à une nouvelle forme d’arbitrage qui pousserait l’homme en noir, paralysé par la peur de se tromper, à ne plus arbitrer à chaud. Comme si un joueur demandait la permission à son entraîneur avant de tenter un dribble, de peur de le rater. Au-delà même des émotions, bientôt condamnées à être contenues voire différées, c’est aussi le courage des arbitres qui est pris en otage. Ils n’ont déjà pas le droit de parler, ni d’incarner leur fonction en privilégiant l’esprit à la lettre sous peine de sanction. Et ils seraient désormais incités à effacer toute prise de risque dans leur manière d’arbitrer ? Ça ne doit pas arriver. Trompez-vous, interprétez, sifflez ! On vous en voudra quelques minutes, quelques jours voire quelques mois pour les plus rancuniers. Mais ne cessez pas de décider, par pitié, ou d’ici quelques années plus rien ne justifiera votre présence sur un terrain de football.

Luis Enrique, en coulisses comme à la scène

Par Christophe Depincé

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