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Arango, ce modeste génie
À 32 ans, le pied gauche de feu de Juan Arango fait plus que jamais des merveilles. À Gladbach ou en sélection, le Vénézuélien excelle. Il n'a pourtant jamais intégré les rangs d'un club du gotha. La faute à pas de chance ou à une faille structurelle ?
Quarante-deuxième minute de Pérou-Vénézuela. Coup franc à l’entrée de la surface sifflé en faveur des visiteurs. Juan Arango s’élance, le mur repousse sa tentative. L’arbitre ordonne que le coup de pied arrêté soit retiré. Cette fois, le meilleur joueur vénézuélien de l’histoire tape le poteau opposé, et le gardien inca s’incline. L’un des plus beaux pieds gauches de la planète foot vient encore de frapper. Dix jours plus tôt, Arango avait déjà régalé lors d’un rendez-vous international. À lui seul, il ne s’était pas trouvé loin de qualifier pour la phase de poules de Ligue des champions le Borussia Mönchengladbach, pourtant bien mal en point après avoir été surpris sur sa pelouse à l’aller par le Dynamo Kiev (1-3). Transversales, coups de pied arrêtés, passes en profondeur, Arango avait réalisé un quasi-sans faute et même inscrit un but de la tête. Le Borussia l’avait emporté (2-1), mais le score manquait d’ampleur. Vendredi dernier à Lima, les Vénézuéliens, mis sur les rails de la victoire par leur numéro 18, vont finir par céder sous la pression péruvienne (2-1). Question : Arango, 32 ans, serait-il trop fort pour les équipes qu’il représente ?
« Il raccourcit le temps »
Ex-adjoint de Javier Aguirre quand il dirigeait l’Atlético Madrid, mais surtout ex-coéquipier d’Arango quand celui-ci évoluait à Pachuca, Omar Arellano ne se fait pas prier pour tresser des lauriers au Vénézuélien. « Il a toutes les caractéristiques d’un joueur qui fait la différence : il est efficace devant le but, sa qualité de passe est excellente, comme sa vision de jeu. » L’ex-attaquant poursuit : « Pour moi, il lui a simplement manqué une opportunité pour réussir dans un grand club. » Quand Arango s’engage avec Pachuca, le club qui dominera les années 2000 au Mexique, il n’a que 21 ans. « Il était très discret, très travailleur, se rappelle Arrellano, il est arrivé pour occuper le poste de milieu offensif, mais quand l’entraîneur s’est rendu compte qu’il avait aussi cette capacité à marquer des buts, il l’a fait monter d’un cran, pour évoluer en soutien de l’avant-centre. » Avec Pachuca, Arango s’impose comme titulaire indiscutable dès son arrivée. Il y reste 18 mois et inscrit 17 buts.
En 2004, le Vénézuélien fait le grand saut vers l’Europe et signe à Majorque. Ex-entraîneur du Real Madrid, Benito Floro se trouve alors sur le banc du club des Baléares. Floro fut l’un des premiers à s’intéresser à un joueur provenant d’un pays où les talents à l’exportation portent généralement de larges chemises rayées plutôt que short et crampons. Le coach espagnol repère Arango lors d’un Mondial moins de 20 ans et le débauche du FC Caracas, pour le faire signer au Mexique en faveur des Rayados Monterrey. Quatre ans plus tard, il le fait débuter en Liga. Dans une interview à un média vénézuélien, Floro définit ainsi son protégé : « C’est un joueur qui raccourcit le temps et les distances. » L’actuel coach du WAC Casablanca détaille : « Il est rapide, bon de la tête, son pied gauche est prodigieux, ses transversales sont périlleuses, sa frappe est puissante et précise. » N’en jetez plus.
Des buts insensés
En Espagne, Juan Arango marque notamment les esprits par ses buts spectaculaires. Sa demi-volée insensée tapée en pivot contre la Real Sociedad est ainsi considérée comme l’un des plus beaux pions de la saison 2005-2006 (voir vidéo plus bas, Ndlr). Lors de ses trois dernières saisons avec Majorque, son total de buts et de passes décisives frôle la dizaine. Des stats qui auraient pu séduire un grand d’Espagne. Finalement, Arango s’engage en 2009 avec le Borussia Mönchengladbach. La saison dernière, le milieu offensif fait l’unanimité avec six buts et douze passes décisives, et porte les siens vers une surprenante quatrième place. Les deux exercices précédents, on lui avait toutefois reproché son inconstance.
Plus récemment, le sélectionneur, César Farías, s’en est pris aux supposées tendances au dilettantisme du milieu offensif, jusqu’à laisser planer le doute sur sa convocation. « Juan peut jouer avec davantage d’intensité, a estimé le Mourinho vénézuelien, il pourrait donner beaucoup plus, car il déborde de talent, mais le talent ne suffit pas. » Farías a finalement préféré ne pas se passer de la grande référence de la Vinotinto, pour le résultat connu. Un nouveau but, sur sa grande spécialité : les coups francs. Ce mardi soir, celui qui a ouvert les portes de l’Europe à ses compatriotes tentera de contribuer au redressement de la Vinotinto face au Paraguay. Le sélectionneur des Guaranis, Gerardo Pelusso, a ciblé en Arango la menace majeure : « Je le suis depuis de nombreuses années, il est très talentueux, il peut nous faire très mal. » À 32 ans, le meilleur est peut-être encore à venir pour le discret et génial Juan Arango.
Son but insensé face à la Real Sociedad :
Arango avec Gladbach :
Par Thomas Goubin