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«Après Singapour, la Thaïlande ?»

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«Après Singapour, la Thaïlande ?»

A 20 ans, Kévin Yann a fait le pari de quitter une carrière en France qui sentait le sapin pour partir à Singapour, rejoindre une équipe 100% française, sacrée championne pour sa première participation. Pas banal.

Alors comme ça, toi et une bande de Frenchies, vous venez d’être sacrés champions de Singapour ?! Raconte-moi un peu ce qu’est ce club de l’Etoile FC…

Écoute oui, c’est assez bizarre. En fait à la base, c’est un Français (Johan Gouttefangeas, NDR) qui apparemment aurait eu une petite carrière dans le foot –personnellement, je sais pas, j’ai jamais trop rien vu sur lui…– qui a eu l’idée d’acheter une franchise dans le championnat de D1 de Singapour, la S-League, pour cette saison 2010. Je crois que ça coûte dans les 500 000 $ pour pouvoir participer. La condition des dirigeants de la Ligue, c’était que tout le club soit français, du staff aux joueurs. Donc il a recruté un entraîneur (Patrick Vallée) et il a réalisé un stage de détection en France en février pour recruter une vingtaine de joueurs. Moi j’ai débarqué dans l’aventure un mois après.

Comment ?

Il se trouve que ça faisait deux ans que je jouais à Lorient, en réserve. J’ai eu un petit différend et j’ai donc voulu partir. C’est à ce moment qu’un agent que je connais, qui avait des contacts avec le coach de l’Etoile FC, m’a parlé de ce club en m’annonçant qu’il cherchait un milieu défensif. Bon au début forcément, j’étais assez réticent. Finalement, de but en blanc, je me suis décidé. J’ai pris le billet d’avion et je suis parti, cinq jours après. J’ai signé pour la saison et le dimanche suivant, j’étais aligné.

Tu as signé sans garanties ?

Si, j’ai eu un test physique assez dur, que j’étais obligé de valider. Il y a d’ailleurs eu des Français qui sont venus à Singapour à leurs frais et ont dû repartir parce qu’ils n’avaient pas validé le test.

Mais c’est quoi ce championnat de franchises avec des équipes 100 % étrangères ?

L’Etoile FC est quand même un peu à part. Sur douze équipes en élite, il y en a neuf locales, qui ont un quota maximum de cinq étrangers. Ensuite il y a une équipe de Chinois, c’est la réserve d’un gros club de Pékin (Beijing Guo’an), une équipe de Japonais, même principe (Albirex Niigata) et nous. Comme je te disais, c’est parce que le président a payé pour participer, pour trois ans.

Et au bout des trois ans ?

Je ne sais pas, c’est pas facile, il faut de l’argent, mais comme le président n’en a pas énormément, il prend surtout des joueurs au rabais, donc est-ce que ça peut durer ? En tout cas, c’est sûr qu’il a fallu des couilles pour monter un tel projet.

Avec Ginola comme parrain d’après ce que j’ai lu ?

Oui, j’ai lu ça aussi, mais je ne l’ai jamais vu. D’ailleurs personnellement, je n’y crois pas trop à cette histoire…

Du coup, ça ressemble à quoi la S-League ?

Sur certains matchs, des coéquipiers qui ont déjà joué en L1 ou L2 dans le passé (notamment le capitaine Matthias Verschave, pour ceux à qui ça parle) m’ont dit que ça pouvait parfois rivaliser. Après, le reste du temps, c’est du niveau CFA, CFA2. C’est assez structuré comme championnat, ça fonctionne bien. Les joueurs locaux sont souvent des petits gabarits, forts techniquement. Après la tactique, ça vaut pas la France quand même… C’est là qu’on a fait la différence d’ailleurs, on était une équipe super soudée, bien en place, donc même si on s’est parfois ratés, on a réussi à être les plus constants sur l’année.

Mais vous avez des supporters ?

Oui, il y a pas mal d’expatriés français à Singapour, donc on avait même notre petit kop d’ultras. Après c’est pas des grosses affluences quand même, 2 000, 3 000…

Monter une équipe de toutes pièces, ça n’a pas dû être facile ?

C’est sûr. Comme je suis arrivé un mois après les autres, je n’ai pas vu le tout début, mais de ce que j’ai compris, c’était hyper compliqué, l’équipe a perdu tous ses matchs amicaux, le président faisait la gueule. Mais avant le début du championnat, on a réussi un super parcours en League Cup, qu’on a gagnée d’ailleurs, donc ça a permis de bien se lancer. On visait pas plus que la cinquième place et finalement on finit en tête.

Pas de regrets, donc ?

Non, c’est une super expérience humaine, le groupe était bon, très solidaire. Heureusement, parce que ça n’a pas toujours été facile. On a quand même eu beaucoup de problèmes, des retards de paiement, quelques tensions avec le président… D’ailleurs là, ça fait plus d’une semaine que la saison est terminée mais on est tous bloqués à Singapour, parce qu’on attend les primes de victoire qu’on nous a promises et qu’on ne veut pas nous donner pour l’instant.

Financièrement d’ailleurs, c’est intéressant ?

Dans l’équipe, les salaires vont d’un peu plus de 3 000 à 1 000 euros. Vu que le coût de la vie n’est pas très cher, qu’on ne paie pas d’impôts et qu’on a des avantages en plus, c’est pas si mal, même si Singapour est le championnat qui paie le moins dans la région.

Ah bon ?

Oui, là d’ailleurs j’attends de rencontrer le président pour discuter, mais j’aimerais bien aller voir ailleurs après Singapour. La Thaïlande ou le Viêt-Nam, ce serait pas mal, voire le Japon ou la Corée, mais là c’est encore un autre niveau. Je travaille avec des agents, on va voir comment ça se passe, mais avec ce titre de champion de S-League, ça m’ouvre des portes dans le coin.

Et c’est si tentant, la Thaïlande ?

Oui, il y a du bon niveau là-bas, avec pas mal d’étrangers, des Sud-Américains. Et les salaires, pour les meilleurs joueurs, c’est même mieux que la L2. Les stars peuvent gagner 20 000 euros, sans impôts. Vu le niveau de vie là-bas, c’est énorme.

Tu as tiré une croix sur une carrière en France ?

Non pas forcément, c’est sûr que j’aimerais bien revenir, je n’ai que 21 ans, on verra. Mais déjà la vie ici est top. C’est carré, respectueux, propre, il fait toujours beau, en dehors de la saison des pluies. Et puis il ne faut pas se leurrer, il n’y a plus d’argent en France. En restant, j’aurais galéré en CFA, ou j’aurais gagné 1 000 euros en National. Alors qu’ici, je peux m’en sortir.

Propos recueillis par Régis Delanoë

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