- Ligue 1
- J4
- Nantes-OM (1-1)
Tribunes : chaos en France ?
Les incidents qui se sont déroulés lors de Nantes-OM, avec l’agression d’une famille de supporters phocéens, s’avèrent d’une gravité nouvelle, puisqu’un père a failli y perdre la vie en défendant son fils. Ils sont surtout révélateurs d’une dégradation du climat dans les tribunes de l'Hexagone, et des lourdes défaillances de la sécurité dans nos stades.
Il était difficile de ne pas soupirer, encore une fois, quand l’information est tombée. Alors que venait de se tenir le procès des individus responsables de l’agression du petit Kenzo et de sa famille à Ajaccio (le 3 juin), une fois encore des parents et leur enfant, supporters de l’OM, se sont retrouvés attaqués par des supporters de l’équipe d’en face. À tel point que le père, en tentant de protéger son gosse, a subi un infarctus et deux arrêts cardiaques, se retrouvant hospitalisé en soins intensifs. Sans l’intervention d’un jeune pompier venu assister à la rencontre, le pire aurait été envisageable. Le profil des assaillants semble d’ailleurs assez similaire à ceux qui avaient sévi en Corse. Il ne s’agit vraisemblablement ni d’« indeps » affiliés à une quelconque firme, ni d’ultras de la Brigade Loire. Les plus virulents étaient, comme le dit le beau-frère : « des animaux, des abrutis, je ne sais pas comment il faut les appeler… Ils se sont précipités le long du grillage qui nous séparait de la tribune Loire pour nous cracher dessus, nous insulter, nous jeter des litres de bière. J’ai eu la peur de ma vie. Que se serait-il passé s’il n’y avait pas eu de barrière ? » ; « À aucun moment, on a été vindicatifs ou provocateurs », explique-t-il.
Selfies devant l’ambulance et stadiers déconnectés
Loin d’être rassurante, cette donnée – la banalisation de ces comportements par des « quidams » – s’avère encore davantage angoissante pour l’évolution du climat dans les gradins. Les termes « idiots », « imbéciles » ou « barbares » peuvent être rassurants à utiliser, mais ils ne permettent certainement pas de comprendre comment nous en sommes arrivés, en 2023, à ce que l’intégrité physique d’un gamin de six ans soit menacée. Porter un maillot de l’OM ou célébrer un but d’Ismaïla Sarr peuvent-ils constituer une circonstance atténuante dans l’esprit de qui que ce soit ? Plus largement, que se passent-ils aujourd’hui dans nos tribunes, chez le fameux « supporter » lambda, pour qu’il en soit réduit à se prendre pour un hooligan de seconde zone ? Tensions sociales ? Trop de scroll sur les comptes TikTok dédiés aux terraces ? De quoi relativiser également l’efficacité de toutes les mesures sécuritaires votées pour assurer la lutte contre les violences dans les enceintes sportives, afin de préparer les JO 2024 et conjurer les démons de la finale de Ligue des champions 2022 au Stade de France.
Mon mari en voulant défendre sa famille à fait infarctus dans la tribune. Et là encore certains idiots de la tribune Loire n'ont eu aucun respect : selfies devant l'ambulance, insultes encore…
— Alicia Mahé (@AliciaMahe) September 2, 2023
Si l’affaire Kenzo avait occasionné plusieurs versions successives, cette fois les propos de la mère ont largement été corroborés par de nombreux témoins présents à proximité. Cette maman, installée donc en tribune Océane avec sa famille, a donc fourni une première description de cette soirée en enfer. « Nous avons été agressés durant la rencontre : crachats, insultes, bières jetées au visage… Mon mari, en voulant défendre sa famille, a fait un infarctus dans la tribune. Et là encore, certains idiots de la tribune Loire n’ont eu aucun respect : selfies devant l’ambulance, insultes encore… Mon fils de six ans a vécu son premier match dans un stade français où son père a failli mourir en défendant sa famille. […] Merci aux stadiers incompétents qui n’ont rien fait, car ce n’était pas leur tribune ! Merci aux urgentistes qui ont sauvé mon mari de deux arrêts. »
💬 "On a subi un déferlement de violence"
Une famille agressée en plein match Nantes-OM, le père fait un infarctus pic.twitter.com/9DKz03rG22
— BFMTV (@BFMTV) September 3, 2023
Ces derniers points ne sont pas les moins inquiétants. L’absence totale de réactions de la sécurité interne du club, malgré les appels à l’aide des victimes, laisse songeur, voire interrogatif. Les relations entre la BL99 et le directeur sécurité-sûreté de la Beauj’ David Amaré ont viré au conflit ouvert, depuis plusieurs semaines, à tel point qu’une des sociétés de sécurité traditionnelles de la Beaujoire a préféré se retirer. Le président de l’association de supporters nantais « Activ Nantes », Thierry Tissot, précisait ainsi pour France Bleu : « C’est totalement inadmissible l’attitude qu’ont eue certains supporters à l’encontre du petit garçon de six ans et de sa famille. Les stadiers n’étaient focalisés que sur la Brigade Loire et leurs fumigènes. »
Solidarité avec la famille brutalement agressée à Nantes pour avoir simplement soutenu son club @OM_Officiel. https://t.co/XpzU61RtnL
Ces violences sont indignes : rien ne justifie qu'un enfant, ses parents ou quiconque subissent une telle haine dans un stade. Je salue la…
— Amélie Oudéa-Castéra (@AOC1978) September 3, 2023
Le FC Nantes a de son côté confirmé (auprès de So Foot et de plusieurs autres médias) sa volonté de porter plainte, plutôt que de se pencher sur sa part de responsabilité. La commission de discipline de la LFP aura du pain sur la planche quand il lui faudra déterminer les fautifs et les sanctions à prendre. La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra a évidemment réagi sur X (ex-Twitter) : « Ces violences sont indignes : rien ne justifie qu’un enfant, ses parents ou quiconque subissent une telle haine dans un stade. Je salue la réaction de la LFP […] ainsi que celle du club. » Il faudra rapidement se pencher sur le sujet autrement que par l’indignation morale. On réalise bien que les déplacements des groupes de supporters ne représentent pas, ou de moins en moins, le fond du problème.
Par Nicolas Kssis-Martov