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Après la Gold Cup, Cuba reprend un peu de déserteurs

Par Florian Porta
6 minutes

Ce n'est ni une nouveauté ni une surprise, nombreux sont les sportifs cubains à profiter de compétitions internationales pour déserter. C'est ce qu'a fait Sandy Sánchez, portier de 29 ans, lors de la dernière Gold Cup. Un départ de plus qui illustre la sévère crise qui touche l'île depuis de longs mois.

Après la Gold Cup, Cuba reprend un peu de déserteurs

Il n’est jamais évident de renoncer à sa carrière internationale sans être poussé vers la sortie. Raphaël Varane l’a bien fait, mais seulement pour protéger un corps déjà bien usé à tout juste 30 piges. Sandy Sánchez n’a lui pas encore franchi le cap de la trentaine, est plutôt en forme, et pourtant, il vient lui aussi de claquer la porte de sa sélection. À 29 balais, le portier cubain a profité de la dernière Gold Cup aux États-Unis pour se faire la malle après le dernier match de poules des siens – une défaite 4-2 face au Canada le 5 juillet – dont il n’a disputé que les 62 premières minutes avant de sortir définitivement donc. Quatre de ses compatriotes l’avaient imité quelques jours plus tôt, portant le contingent d’athlètes cubains ayant déserté à 35 rien que pour cette année. Et le récent départ du natif de Manatí n’incite pas à l’optimiste pour l’avenir d’une sélection seulement 166e au classement FIFA et dont le pays traverse une crise sans précèdent.

Sánchez, le départ qui Sandy long

Là où le cas du portier inquiète, ce n’est pas seulement parce qu’il s’agit de l’unique gardien cubain à avoir planté un pion – sur penalty certes. C’est surtout parce que cela concerne un joueur installé depuis 2015 en sélection, qui compte 27 capes là où ses quatre collègues déserteurs réunis n’en cumulent que 24. Maikel Chang gardera définitivement son compteur bloqué à trois après avoir lui aussi déserté en 2013, alors qu’il n’avait que 21 ans. « Ce qui m’a poussé à partir, c’est que je voulais jouer au football professionnel. Et à Cuba, il n’y avait pas la possibilité de jouer au football et d’être professionnel », confie celui qui évolue maintenant au Real Salt Lake City, en MLS. 2013, c’est pourtant également l’année où le professionnalisme, proscrit depuis 1961, fait son retour sur l’île. Depuis, certains joueurs, comme Sánchez, passé par le Brésil et la République dominicaine, ont même pu évoluer à l’étranger tout en continuant à être sélectionnés, ce qui était impossible avant. Pourtant, sur le fond, rien n’a vraiment changé, et les joueurs restent sous l’emprise de leur fédération.

Il y a beaucoup de difficultés, beaucoup de paperasse et aussi un manque d’intérêt de la part de la Fédération cubaine pour faire jouer ses joueurs hors du pays.

Mario Lara

Mario Lara, cubain lui aussi et qui a fondé le Fortuna SC, un club situé à Miami et majoritairement composé de compatriotes qu’il tente d’aider, explique : « Il y a beaucoup de difficultés, beaucoup de paperasse et aussi un manque d’intérêt de la part de la fédération cubaine pour faire jouer ses joueurs hors du pays. C’est elle qui joue normalement le rôle d’agent ou d’intermédiaire entre les joueurs et les équipes. Les joueurs reçoivent parfois des offres de clubs d’Amérique centrale, mais la Fédé les retient et ne les transmet pas aux joueurs.  » Désormais exilé au beau milieu de l’Utah, Chang se montre à son tour pessimiste sur ce pseudo-professionnalisme : « Je pense qu’il faudra beaucoup de temps, beaucoup d’années. Beaucoup de choses doivent changer à Cuba, mais même dans dix ans, je ne pense pas que cela arrivera. » Dernière preuve en date de cet amateurisme déguisé : les maillots portés par les Leones del Caribe pour les trois matchs de cette Gold Cup version 2023 ont été conservés par la Fédération afin de pouvoir les réutiliser lors d’un prochain rassemblement, ce qui en dit assez long sur le soutien économique et l’investissement dont bénéfice ce sport.

Ce qui amène les internationaux à filer dès qu’ils en ont l’opportunité, souvent aux États-Unis, parfois en Europe. Plus ils sont jeunes, plus ils ont de chances de réussir à passer véritablement professionnels, surtout dans le pays qui abrite la MLS. « Il y a quelques clubs ici qui recherchent de jeunes joueurs. Il y a deux raisons à cela. La première, c’est qu’ils n’ont pas à les payer trop cher. La deuxième, c’est qu’ils peuvent les modeler plus facilement pour qu’ils s’adaptent au football pratiqué ici », détaille Mario Lara. Alors pourquoi Sandy Sánchez, dont son club, l’Atlético Pantoja, a également annoncé le départ, a-t-il décidé de tout plaquer maintenant et pas des années plus tôt alors qu’il a eu une paire d’occasions de le faire ?

« Les rêves doivent être réalisés »

S’ils sont déjà plus d’une cinquantaine de footballeurs cubains à avoir quitté le navire depuis le début de ce siècle, il n’avait jamais été plus de quatre à le faire pendant une Gold Cup jusqu’à cette année. Un triste record qui s’explique par la crise économique et sociale que traverse Cuba. Depuis l’arrivée de la Covid-19, en 2020, la situation ne cesse de se dégrader sur l’île. Pénuries alimentaires ou de médicaments, coupures d’électricités, absence de liberté ou unification du système monétaire, la Tierra caliente a connu, il y a deux ans jour pour jour, le 11 juillet 2021, la plus grande contestation sociale depuis l’arrivée au pouvoir de Fidel Castro en 1959.

Retourner à Cuba ? Non, ce n’est pas aussi important que cela, ce qui compte, c’est que j’ai pu voir ma famille.

Maikel Chang

En vain, finalement, puisque les choses n’ont pas vraiment bougé – si ce n’est qu’il est désormais à nouveau possible de déposer des dollars en espèce dans les banques – au sein d’un pays désormais dirigé par Miguel Diaz-Canel. « Cuba a sa politique et sa façon de penser qui est très différente du reste du monde. Ils vivent avec une façon de penser très différente, et beaucoup de gens ne sont pas d’accord, c’est pourquoi ils quittent le pays », se désole Maikel Chang. Une décision courageuse et un embarquement immédiat pour une aventure où tout n’est pas toujours facile. « Les premières semaines sont assez difficiles, dévoile Mario Lara. Il faut laisser beaucoup de choses derrière soi et comprendre que l’on ne verra pas sa famille pendant un moment et que l’on ne pourra pas rentrer dans son pays pendant des années. »

Huit très exactement, comme le prévoit la loi en vigueur à Cuba concernant les déserteurs. Chang en a fait l’expérience entre 2013 et 2021 : « Retourner à Cuba ? Non, ce n’est pas aussi important que cela, ce qui compte, c’est que j’ai pu voir ma famille. Et c’était spécial parce que je ne les avais pas vus depuis longtemps. » Pour autant, le joueur de 32 ans assume son choix et ne le changerait pas : « La seule chose que je dis toujours, c’est que les rêves doivent être réalisés. Si c’est votre rêve, quoi que vous fassiez, vous devez essayer de le réaliser, c’est-à-dire quitter votre famille pendant quelques années pour essayer de faire en sorte que tout aille bien. C’est ce que j’ai fait et je ne pense pas que je le regretterai un jour, car ma famille est très fière de ce que j’ai accompli. » Et celle de Sandy Sánchez le sera sans doute aussi dans quelques années.

Le bijou inscrit par la Guadeloupe en Gold Cup

Par Florian Porta

Tous propos recueillis par FP.

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