- Ligue 1
- Le joueur de la 2e journée
Appelez-le Sir Emmanuel
Auteur d’un triplé ce week-end lors de la victoire de son AS Monaco face à Montpellier (4-1), Emmanuel Rivière profite de ce début de saison pour prendre une petite revanche sur la vie. Souvent blessé, souvent moqué, parfois à juste titre, le Martiniquais, meilleur buteur de Ligue 1, pourrait finalement connaître une saison plus heureuse qu’annoncée. À moins que…
La reprise de la Ligue 1 est toujours une période difficile. On a tous, au détour d’une journée suivie à la plage ou à l’étranger, eu le malheur de suivre le résultat de son équipe préférée sur internet, quitte à se livrer à ses vices. Ici, le principal risque est évident et a été subi par tous : avoir un score erroné, avec un nom de buteur répété trois, voire quatre fois, à cause d’un bug informatique. Un bug informatique, c’est sans doute ce à quoi ont cru les amateurs de Ligue 1 qui consultaient leurs smartphones ce dimanche. Oui, un triplé d’Emmanuel Rivière, le lendemain d’un doublé d’Anthony Modeste, ça fait un peu problème de serveur. « C’est pas grave, j’achèterai L’Équipe demain. » Et pourtant. Déjà buteur décisif à Bordeaux, où il a débloqué la situation pour l’AS Monaco, Emmanuel Rivière a bien inscrit un coup du chapeau face à Montpellier ce week-end (4-1). Meilleur buteur de Ligue 1 avec quatre buts, l’ancien Stéphanois a marqué autant de pions qu’en une demi-saison avec Monaco l’année passée et est déjà à la moitié de son record de buts dans l’élite en une saison pleine (8). Censé être la brebis galeuse du secteur offensif princier du club du Rocher, le Martiniquais a profité de ses deux premières sorties pour rappeler à Claudio Ranieri qu’après une bonne phase de préparation, il continuerait à être un prétendant aux titularisations. Comme quoi, avec un peu de hargne et d’envie…
Tous les voyants au vert
C’est un record vieux de 2005 que Radamel Falcao était censé effacer avec brio et facilité. Prévu comme le troisième attaquant de l’AS Monaco derrière le Colombien et le bon Valère Germain, Emmanuel Rivière s’est chargé de faire disparaître Javier Ernesto Chevanton, dernier Monégasque à avoir inscrit un triplé en Ligue 1, des tablettes. Pas vraiment ce que l’on attendait d’un attaquant souvent blessé, rarement constant et toujours moqué. Mais sur le Rocher, depuis la reprise, on est assez serein lorsque aborde le cas Rivière. Annoncé partant lors du mercato estival, l’ancien Toulousain a, selon son entraîneur Claudio Ranieri, qui s’est confié à beIN Sport, réalisé une excellente présaison. « Je suis très content d’Emmanuel et toute l’équipe est contente de lui. Cela ne m’étonne pas. Il s’est très bien entraîné durant la préparation » , avoue le technicien italien, dont le passage du 4-3-3 au 4-4-2 profite bien au Martiniquais. En effet, celui qui n’avait pas débuté la rencontre face à Bordeaux a pu jouir d’un système le favorisant face à Montpellier. Positionné en attaque, aux côtés d’un Falcao qui occupait les deux centraux héraultais, Rivière a pu dégainer de nombreux appels en profondeur et faire parler sa vitesse. En somme, Rivière profite de la même manière que Diego Costa à Madrid, la saison passée. Manu l’avoue lui-même, il « apprend beaucoup de Falcao. Il n’y a pas mieux au monde. Il focalise toute une défense et libère beaucoup d’espaces. » En d’autres termes, que ce soit en matière de dispositif tactique et de confiance, Rivière évolue dans les meilleures conditions. D’autant plus que le joueur, souvent blessé, semble avoir récupéré l’usage de son corps. « Je sais que le plus dur reste à venir. Je reprends du plaisir. Je n’ai plus mal à cette cheville. J’avais un peu perdu mon jeu » , confiait-il en conférence de presse.
Attention au surrégime
Tout heureux de pouvoir garder le ballon du match pour sa maman, qui habite en Martinique, Rivière connaît trop l’ombre pour se satisfaire de deux journées passées dans la lumière. Habitué aux départs canons – il avait claqué une passe décisive et un but pour sa première monégasque – Rivière, sorti de son lit, sait mieux que quiconque que les choses peuvent reprendre leur cours normal. Avec Rivière, la hype peut rapidement laisser place à la galère. « Personne ne m’attendait, je sortais d’une blessure » , poursuit le joueur. « Seuls ma famille et moi savions ce que je valais. J’ai travaillé, j’ai fermé ma gueule. » Il s’est aussi fait un petit défrisage et offert un bouc qui lui donnent des allures de Mexicain de Tijuana, ou TJ, comme ils disent là-bas. Une coupe porte-bonheur qui lui a permis d’inscrire trois buts que les pessimistes qualifieront de « faciles » , surtout pour un attaquant qui a fait du lob ou du ballon piqué sa spécialité. En somme, Rivière était au bon endroit au bon moment, mais n’est-ce pas cela que l’on demande à un attaquant ? Lui qui n’a jamais fait mieux que huit buts en une saison est bien parti pour battre son record. Non pas que le joueur, moyen, a fondamentalement changé ou progressé. Simplement, il est en pleine possession de ses moyens dans une équipe qui lui offre un confort certain. Outre l’atout Falcao, Rivière est accompagné par les deux cracks Ferreira-Carrasco, impressionnants ce dimanche, et Ocampos. Deux dynamiteurs de défense capables de filer des caviars et, encore une fois, de créer des espaces dans lesquels Rivière sait parfaitement s’engouffrer. Au fond, Rivière, c’est la caution « joueur moyen » de l’AS Monaco. L’atout du cœur, l’atout Ligue 1, l’atout normal. Et si cette année, on ne peut pas se moquer de lui, on ne va pas pouvoir se moquer de grand-chose à Monaco…
Swann Borsellino