- Premier League
- Manchester City
Appelez-le Roberto Mancity
Manchester City a peut-être réussi le plus beau coup de l'hiver. Vieira, ok. Mais, en plus, l'autre vraie bonne idée des Citizens est sans doute d'avoir installé Roberto Mancini sur son banc.
Pas de doute, Manchester City parle désormais italien. En début de saison, les Citizens perdaient peu (2 défaites seulement, meilleur bilan du championnat), accumulaient les matches nuls (jusqu’à 7 de rang) et encaissaient un paquet de buts (27, plus mauvais total de la première moitié de tableau). Suffisant pour convaincre les dirigeants du club mancunien de bazarder le pauvre Mark Hughes même au lendemain d’une victoire, pour remettre un peu d’ordre dans la maison un peu sans dessus dessous, faut bien l’avouer. Et pour cela, quoi de mieux que d’aller piocher en Italie, au royaume de la discipline tactique. Mais pas question non plus de mettre un tocard. Déjà que le malheureux Hughes détonnait un peu dans cet attelage de luxe.
Du coup, les lascars d’Abu Dhabi ont probablement déniché de ce qui restait de mieux sur le marché à cette époque de l’année. Et il faut bien dire que pour l’instant le pari est en bonne voie car Roberto Mancini, sitôt installé dans sa nouvelle baraque, a tout de suite fait mettre de nouveaux verrous et changer les fenêtres histoire que l’équipe arrête de prendre des courants d’air. Résultat : trois succès assortis à chaque fois d’un clean sheet qui va bien. Y’a des trucs comme ça qui ne mettent pas 107 ans à porter leurs fruits. Reste maintenant à savoir si l’effet peut être durable.
Joueur, un loser magnifique
A peine débarqué à son tour à City, Patrick Vieira, qui a connu Mancini à l’Inter Milan, s’est tout de suite attelé à brosser le portrait d’un gars qui, à écouter « La grande saucisse » , a quand même une bonne tête de vainqueur : « Roberto Mancini demande beaucoup à ses joueurs à l’entraînement comme en match mais il va beaucoup apporter au football anglais et sa vision devrait satisfaire les supporters. C’est un gagnant qui a toujours voulu venir en Premier League. Alors oui, il change souvent de tactique en cours de match mais c’est parce qu’il a confiance dans les joueurs. Je suis sûr que l’homme qui a aidé l’Inter à conquérir plusieurs titres successifs sera un renfort important pour l’équipe » . Un winner, on vous dit. Pourtant, quand il était joueur, ce n’était pas la première chose que l’on pensait du natif de Jesi (Ancône). Un superbe joueur au demeurant, un meneur-buteur hyper élégant, racé, presqu’un autre âge déjà quand il distillait son talent dans les années 80 et 90.
A la baguette, le beau Roberto a offert les plus belles années à la Sampdoria de Gênes, en compagnie de son avant-centre fétiche, Gianluca Vialli : un titre de champion (1991), quatre Coupes d’Italie (ok, très mineures là-bas) et une Coupe des vainqueurs de coupe (1990). En fin de carrière, Mancini ira garnir encore un peu plus son armoire à trophées au sein de la Lazio avec un nouveau scudetto (2000), une nouvelle C2, une Supercoupe d’Europe et une autre paire de coupes nationales. Pourtant, au-delà de ce palmarès solide et de ses stats (meilleur buteur de l’histoire de la Samp’ avec 137 pions), Mancini reste aussi le symbole des échecs gênois face à Barcelone (en finale de C2 en 1989 et surtout en finale de Coupe des clubs champions en 1992) ainsi que des ratés de l’Italie, sortie en demie de l’Euro 88 et du Mondial 90 à la casa, compétition au cours de laquelle lui et son pote Vialli s’étaient fait chourer leur place par Baggio et Schillaci. Après cette claque, la Squadra se rate en qualifs pour l’Euro 92 avant que Mancini ne se fritte avec Arrigo Sacchi et zappe la World Cup 94. Oui, malgré son immense classe, Mancini aura quand même symbolisé une certaine idée de l’échec à l’italienne.
Un palmarès d’entraîneur en trompe-l’œil
Ok, mais Manchester City n’a pas embauché le joueur Mancini mais l’entraîneur. Celui qui a raflé des trophées partout où il œuvré. Ici une Coupe d’Italie avec la Fiorentina (2001) puis une autre à la tête des Laziale (2004) avant surtout le règne avec l’Inter, trois scudetti à la file, assortis de deux coupes qui ne font pas de mal. Dis comme ça, le bilan ne peut pas mentir : ce mec connaît son métier et sait le faire fructifier, c’est indéniable. Mais l’esprit poil à gratter pourrait inciter à pondérer cette réussite. Passons rapidement sur les coupes nationales jouées en tongues de l’autre côté des Alpes pour nous pencher sur la valeur des trois championnats glanés par les Nerazzurri. Faut pas se mentir, ils ne valent pas grand-chose. Un premier récupéré sur tapis vert (Juventus et Milan déclassés), un deuxième glané face à personne (Juve en Serie B et Milan lesté de 15 points de retard au coup d’envoi) et enfin un troisième à peine plus crédible dans une Serie A encore ravagée par le Calciopoly. En clair, du billard pour l’Inter et son wagon archiplein de mégastars.
Mais c’est peut-être là que réside le meilleur gage de la valeur de Mancini. A Milan, ce type aura su driver d’une main de maître un vestiaire rempli de melons, où l’égo aurait facilement pu basculer vers l’égoïsme. Rien que pour ça, Mancini offre quelques solides gages au moment de relever un défi très voisin à Manchester City. D’autant qu’il a conservé sa vista. Ainsi, équipé d’un logiciel un peu vieillot, le nouveau manager des Citizens a tout de suite remis Robinho en selle au détriment de Craig Bellamy, oubliant que le Brésilien est en goguette depuis son arrivée en Angleterre et que le Gallois est, sans aucun doute, le meilleur joueur de l’équipe cette saison, gueulard influent, très attaché à Hughes et donc capable de mettre le souk en moins de deux dans le vestiaire. Sur ce coup, Mancini a frôlé la sortie de piste. Malin, l’Italien a chaussé ses pneus neige, s’est remis dans les bons rails, et réintégré fissa Bellamy dans son onze. Suffisant pour que le Gallois lui jure fidélité.
Alors évidemment, l’affaire est loin d’être dans le sac. Déjà parce que City compte dix longueurs de retard sur Chelsea (mais avec un match en moins). Ensuite parce qu’en faisant venir Vieira, Mancini ne s’est pas fait que des fans, certains observateurs regrettant le choix d’un vieillard aux abois et étranger qui plus est plutôt que d’un jeune Britannique prometteur par exemple, même s’il faut se creuser pour en trouver à ce niveau. Oui, il va falloir encore quelques clean sheet pour convaincre les sceptiques.
Par