- Serie A
- 17e journée
- Juventus/Atalanta
Appelez-le Maître Stendardo
Guglielmo Stendardo vient de vivre une drôle de semaine. Le défenseur de l’Atalanta n’a pas participé au match de Coupe contre la Roma. Suspendu ? Blessé ? Non non. Monsieur passait ses examens finaux pour devenir avocat. Excusez-le.
Justifier une absence de cette manière-là, on n’avait encore jamais vu ça. Guglielmo Stendardo a rarement fait la Une des gazettes en Italie pour ses prestations extraordinaires. Il est, depuis près d’une décennie, un modeste défenseur de Serie A. Parfois bon. Toujours courageux. Mais jamais étincelant. Pourtant, cette semaine, tous les médias transalpins lui ont consacré un peu d’espace. Car le joueur, plutôt que d’aller disputer un huitième de finale de Coupe d’Italie, au stadio Olimpico, contre la Roma, a préféré se rendre à Salerne, pour passer ses examens pour devenir avocat. Oui oui, avocat. Et que cela soit clair : la chose lui tenait vraiment à cœur, puisque la Roma est l’un de ses adversaires favoris, lui qui a passé cinq saisons chez le rival, la Lazio. Dans un premier temps, son coach, Stefano Colantuono, a tapé du poing sur la table. Comment un joueur peut-il oser manquer un match pour des examens ? Le technicien était même prêt à lui administrer un (ou plusieurs) match(s) de suspension, car Stendardo ne l’aurait « pas prévenu à temps de son absence » , ce que le joueur contredit. Mais les hautes instances sont venues mettre leur nez là-dedans. Gianni Petrucci, président du CONI, a loué l’attitude du joueur, et a mis, indirectement, un joli taquet à Colantuono. « Le punir ? Il faudrait plutôt le féliciter pour cela ! » Trois jours d’examen, et voilà Stendardo de retour à Bergame. Prêt à affronter la Juve, cet après-midi. Sans sa toge d’avocat.
De Stendardo à Mutu
Une bonne question peut tout de même se poser. Pourquoi un joueur de 31 ans, titulaire dans un club de Serie A, est-il en train de passer ses diplômes pour devenir avocat ? Des diplômes pour devenir entraîneur, d’accord. Mais avocat, c’est loin d’être commun. Et visiblement, Stendardo en est plutôt fier. « Passer mes examens pour devenir avocat, c’est le couronnement d’un rêve. J’espère sincèrement devenir un exemple pour les jeunes. Lorsque l’on joue au football et que l’on est un sportif de haut niveau, on peut également obtenir de très bons résultats dans les études » , a-t-il affirmé. À croire que le joueur a toujours cultivé, au fond de lui, l’envie de réussir ailleurs que dans le football. De fait, ce n’est pas la première fois que Stendardo fait passer le droit avant le ballon rond. En novembre 2008, déjà, il était parti soutenir sa thèse en droit à quelques jours d’un match contre Catane (il évoluait alors à Lecce).
Son entraîneur, Mario Berretta, avait été bien plus compréhensif que Colantuono, puisqu’il lui avait accordé une permission de quelques jours, en assurant qu’il s’agissait pour son joueur d’un « rendez-vous trop important » . Or, si l’on y regarde de plus près, le choix de Stendardo d’aller passer ses examens plutôt que d’aller aider ses camarades (qui en auraient bien eu besoin puisqu’ils se sont inclinés 3-0) est un signe fort. D’une, cela veut dire que le football peut parfois attendre. De deux, il souhaite signifier que culture et football ne sont pas forcément ennemis. Un débat vieux comme le monde, certes, mais qui a justement été rouvert par cette « affaire Stendardo » . Pour être plus précis, il est bon de rappeler que le défenseur atalantino n’est pas le premier joueur de Serie A à être diplômé de quelque chose. On trouve, dans la liste des « laureati » , Oliver Bierhoff (diplôme d’économie), Erjon Bogdani et Giorgio Chiellini (économie et commerce) ou encore Valerio Fiori, Adrian Mutu et Fabio Pecchia (droit). Comme quoi, l’habit ne fait pas toujours le moine.
Avocat de l’Atalanta
Stendardo peut toutefois être satisfait. Son initiative a été soutenue par tous, et son entraîneur, Colantuono, d’abord furax, a finalement décidé de le convoquer pour le match face à la Juve. Un choix peut-être diplomatique pour ne pas se mettre à dos la Fédé et la presse, mais qui prouve que la hache de guerre est déjà enterrée entre les deux hommes. En rentrant de ses trois jours d’examen, le joueur a immédiatement tenu à remettre les choses au clair. « C’était quelque chose de tellement important pour moi, je suis content de voir que tout le monde s’est montré compréhensif. Désormais, je peux me replonger dans mon monde, qui est le football, et à nouveau tout donner pour mon équipe » , a-t-il avancé. À commencer par cet après-midi, face au leader, la Juventus. Un club qu’il connaît bien, puisqu’il y a joué pendant six mois, de janvier à juin 2008.
Mais pour connaître la conclusion de cette belle histoire, il faudra encore patienter quelques semaines. Maintenant qu’il a passé les écrits, Stendardo doit attendre près d’un semestre pour connaître les résultats. Aux alentours du mois de juin, il saura s’il a été reçu, et s’il pourra, le cas échéant, passer les oraux, qui ont lieu entre mi-août et début septembre (Colantuono, au moins, est prévenu à l’avance). C’est seulement après qu’il pourra, en cas de réussite, enlever son short pour enfiler une toge. Pratique : il aura alors la possibilité de défendre l’Atalanta devant les tribunaux, puisque l’équipe bergamasque a pris la mauvaise habitude, depuis son retour en Serie A, de débuter chaque saison avec des points de pénalité. En évitant juste de ne pas confondre ses deux mondes. Un gros tacle par derrière sur le juge, ça risquerait d’être mal vu, hein…
Eric Maggiori