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Antonio Duran et la baby-sitter

Par Ramon Jabugo
Antonio Duran et la baby-sitter

Il est, avec Bob Houghton et Roy Hodgson, l'un des trois coachs les plus influents de l'histoire du Malmö FF. Antonio Duran est également à ce jour le premier et le dernier Espagnol à avoir dirigé un club suédois. Retour sur une épopée pleine d'amour.

Né à Arbucies, en Catalogne, Antonio Duran émigre aux Canaries, avec sa famille, alors qu’il n’a que 10 ans. C’est sur l’île qu’il tape la balle pour la première fois. Plutôt très bien d’ailleurs. Il a ainsi 18 ans lorsqu’il se fait repérer par un dirigeant du club de Cordoue, alors en vacances du côté de Tenerife. Quelques mois plus tard, Duran retrouve la péninsule et devient titulaire dans le milieu de terrain du club andalou. Ses buts, son abattage physique et son intelligence tactique finissent d’ailleurs par séduire l’Atlético Madrid. Les Colchoneros sont alors entraînés par Helenio Herrera qui deviendra le mentor footballistique de Duran. Aux cotés du futur coach intériste, le Catalan découvre les plaisirs des sessions d’entraînement intenses, le 4-2-4, mais aussi et surtout la concurrence de Larbi Ben Barek et d’Henry Carlsson. Les changements n’existant pas encore à l’époque, Duran joue peu. Trop peu. Pas de quoi le faire déprimer cependant, puisque, malgré leur rivalité, l’Espagnol et le joueur suédois deviennent très vite complices. De cette amitié naîtra d’ailleurs le surnom de Duran : « El traductor » .

3615 Ulla

Au-delà de leur relation linguistique, les deux hommes partagent surtout le même amour de la musique classique, mais aussi le même dégoût du régime franquiste. Voyant que Duran n’a pas de famille à Madrid, Carlsson – qui a débarqué à Madrid avec sa femme, ses trois enfants et Ulla, une nounou de 21 ans – l’invite régulièrement à venir dîner chez lui. Au fil du temps, les visites de l’Espagnol se font de plus en plus nombreuses. De plus en plus longues aussi. Et pour cause : Duran est tombé amoureux de la Mary Poppins suédoise. « Avant de partir en Espagne, des amies à moi m’avait dit : « Tu vas nous ramener un Espagnol, c’est sûr. » C’est ce qu’il s’est passé. Je suis tombée éperdument amoureuse d’Antonio au point de faire ma vie avec lui » , raconte aujourd’hui Ulla Duran du haut de ses 85 ans. En 1952, les tourtereaux mettent à l’épreuve leur relation lorsque le joueur signe au Real Oviedo pour deux saisons. Le club asturien est alors en deuxième division et remonte l’année suivante en Liga grâce aux bonnes performances de son capitaine Duran. Titulaire indiscutable et véritable leader d’Oviedo, il choisit pourtant de raccrocher les crampons à 30 ans pour se marier quelques mois plus tard à Stockholm. Plutôt que de rentrer en Espagne, le couple décide de profiter du monde libre et s’installe en Suède. Un exil que Duran ne regrettera pas…

En quelques mois, l’Espagnol parvient à dompter le froid, la neige, la langue suédoise et trouve rapidement un travail dans une imprimerie. En parallèle à cela, Duran occupe également la fonction d’entraîneur/jardinier pour le club amateur d’Östrand. C’est tout sauf un simple loisir. L’Espagnol met en effet en pratique ce qu’il a observé avec Helenio Herrera et ne tarde pas à se faire repérer par le club de Sandvikens, le premier club de l’élite suédoise à faire confiance au talent de manager de Duran. Ce dernier, passe ensuite à Åtvidabergs, avec lequel il luttera jusqu’à la fin pour remporter le titre de champion. Une prouesse qui éveille alors l’intérêt d’Eric Persson, le président de Malmö. Ce dernier hésite pourtant à faire confiance à Duran… à cause de son passeport. Working class hero depuis qu’il a aidé à sauver la vie de plusieurs juifs danois lors de la Seconde Guerre mondiale, Persson est également un membre du Parti social-démocrate suédois des travailleurs dont l’idéologie est une révision du marxisme orthodoxe. Autant dire que la politique de Franco n’emballe pas vraiment celui qui est surnommé « Hövdingen » (le chef). Duran et Persson finiront tout de même par se rencontrer dans un restaurant de Stockholm afin de tirer les choses au clair. Ce soir-là, Duran expliquera à son futur chef qu’il est un fervent opposant à Franco. Les deux hommes finiront surtout par se rapprocher grâce à leur passion commune pour la littérature et Alexandre Dumas en particulier. Deal !

« Le maître du ballon est le maître du jeu »

Lorsqu’il prend les rênes de Malmö en 1964, le club suédois est en pleine déprime sportive. Duran prend conscience qu’il faut une refonte complète des méthodes de travail pour mettre fin à dix ans de disette. Convaincu qu’il est le grand architecte sportif dont le club a besoin, Persson fait même de Duran le premier entraîneur professionnel de l’histoire du football suédois. Il ne le regrettera pas. À l’entraînement, Duran est intraitable avec ses amateurs. Les footings durent des heures et le snaps interdit. Malgré les méthodes stakhanovistes de leur caudillo de coach, les joueurs apprécient néanmoins la nouvelle philosophie de jeu tactique mise en place par l’Espagnol. « C’était un grand travailleur et, même s’il mettait l’accent sur le physique, il nous répétait toujours que le ballon devait être au-dessus du jeu. « Le maître du ballon est le maître du jeu. » C’était sa grande phrase » , explique aujourd’hui Roland Andersson, le disciple de Duran. « Il a été le premier à importer le 4-2-4 et on peut dire qu’il a révolutionné le football suédois à lui tout seul, » enfonce même l’ancien sélectionneur suédois, coupable d’avoir également lancé pour la première fois Zlatan Ibrahimović chez les pros lorsque l’actuel Parisien n’était encore qu’un gamin insolent à Malmö.

En huit ans passés à Malmö, Duran gagne 4 titres de champion. « À chaque fois qu’il gagnait un titre, il fêtait ça avec un bon cigare et en écoutant en boucle Besame mucho de Nat King Cole. C’était vraiment un grand monsieur » , sourit l’ancien international suédois moustachu Steffan Tappert. Le plus gros plaisir de la carrière de Duran intervient pourtant en 1966 lorsque Malmö dispute un seizième de finale de Coupe des clubs champions contre l’Atlético Madrid (Malmö sera d’ailleurs le premier adversaire européen des Colchoneros en Coupe d’Europe des clubs champions). Malgré l’élimination, Duran s’aperçoit que le franquisme a encore de belles heures devant lui. Il se rend compte à ce moment-là que sa vie est en Suède. Jusqu’à la fin de ses jours. Lorsqu’il quitte son poste d’entraîneur à Malmö pour rejoindre Djurgårdens, le club n’est plus le même : converti en véritable pépinière du pays, l’Espagnol a assis les bases d’une équipe qui parviendra à se hisser en 1979 jusqu’en finale de C1 contre Nottingham Forest. Duran meurt en 2009 après une deuxième rupture d’anévrisme. Ses restes reposent aujourd’hui à Åkersberga. Loin, très loin de son pays d’enfance, mais proche de sa femme qui lui rend toujours visite aujourd’hui. Proche aussi d’un Malmö qui ne serait sans doute pas en Ligue des champions aujourd’hui si Antonio n’était jamais tombé amoureux d’une jolie baby-sitter suédoise.

Dans cet article :
Targhalline : « Je n’avais pas d’autre choix que de réfléchir plus vite »
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Par Ramon Jabugo

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