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Antonetti à Lille, pour quoi faire ?
Ce soir à Angers, Frédéric Antonetti dispute son premier match sur le banc des Dogues. Avec une première mission commando de cinq matchs d'ici la trêve, le Corse vient réveiller un groupe apathique.
916 jours. 916 jours que Fred Antonetti ne s’est pas assis sur un banc de touche. La dernière fois, il avait perdu à Gerland, à une époque où Lisandro martyrisait encore les défenses de Ligue 1 et où Grenier rentrait des coups francs. Ce soir-là, Lyon retrouvait le chemin de la Ligue des champions. Antonetti, lui, partait libre de Rennes après quatre ans. Pour faire le bilan, calmement, puis pour jouer au consultant de luxe sur le plateau de J+1. Là, il a démontré une pédagogie posée et détaillée, loin de l’image du gueulard qui lui collait à la peau. Avec Lille, il retrouve un club plutôt enclin au travail de l’ombre, qui ne souhaite pas forcément attirer la lumière par les coups d’éclat extrasportifs de ses employés. De là à le faire par des performances sur le terrain ?
Le pragmatisme dans la moyenne
Antonetti, c’est un coach dans la moyenne de la Ligue 1 actuelle. Au cours de ses 509 matchs dirigés depuis le banc, ses équipes ont marqué en moyenne 1,16 but par match, en ont encaissé 1,12, ce qui le place respectivement aux 11e et 9e rangs des entraîneurs en place. Pas forcément folichon au regard du spectacle proposé dans le championnat de France. Pour autant, Nicolas Marin, lancé par Antonetti à Saint-Étienne alors en Ligue 2, met Antonetti « dans les offensifs. Il aime le jeu, il aime produire du jeu. Quand j’ai joué avec lui, c’était vraiment, vraiment très agréable. Si les joueurs se mettent au diapason, font ce que le coach leur demande, ils vont vraiment prendre du plaisir » . Cette année-là, Antonetti, en passant du 4-4-2 au 4-3-3, avait trouvé la bonne formule, et Saint-Étienne terminé champion. Une approche pragmatique confirmée par l’intéressé lors de sa première conférence de presse au Nord : « Le football, c’est simple, hein. On a le ballon, on attaque, on n’a pas le ballon, on défend. Après, combien de joueurs à vocation offensive on met ? Ça dépend des joueurs qu’on a, ça dépend des joueurs performants. » Faire réussir les joueurs, précisément ce qui est attendu d’Antonetti. Ensuite seulement, le jeu.
Former pour marquer
Car c’est là où Renard a échoué, avant tout : recruté pour redonner du clinquant au club après les années Girard, il n’a jamais pu développer ses idées de jeu. La faute à des joueurs qui n’ont pas progressé sous ses ordres. Si les bases arrières sont solides et expérimentées, les armes offensives sont à fourbir. Or personne, hormis un Sofiane Boufal dont le talent avait déjà éclaté en fin de saison dernière, ne s’est illustré. Pourtant, la qualité ne manque pas entre les jeunes Guirassy, Benzia, Guillaume, Nangis ou Tallo. Certes à des niveaux différents, ils ont tous montré des potentiels intéressants par le passé. Mais à Lille rien, nada, walou, que dalle : pas un but en 37 apparitions cumulées – comme un symbole, Benzia a ouvert son compteur lors du premier match « d’après » . Laurent Huard, actuel entraîneur de la réserve du PSG, a côtoyé Antonetti à Saint-Étienne et surtout Rennes. Pour lui, c’est un formateur : « Il est 100% foot, il fait dans le détail, il prépare ses entraînements, il prépare ses matchs, mais il est surtout pour que chaque joueur puisse progresser. Il a l’âme d’un formateur. Il aime avoir des jeunes joueurs, détecter le potentiel de chaque joueur, jusqu’où il peut aller. Il considère qu’il y a de la marge dans ce groupe et il va le faire progresser. »
Mais le progrès passera par la sueur et les larmes si nécessaire : « Il a une exigence footballistique. C’est quelqu’un de très proche de ses joueurs, mais il est exigeant dans l’investissement, intransigeant là-dessus. » Une idée confirmée par Nicolas Marin : « Il est très exigeant, c’est quelqu’un qui aime faire travailler les jeunes. Il peut parfois paraître un peu dur avec les jeunes, mais c’est pour leur bien. C’est sûr que quand tu débutes avec cet entraîneur, c’est compliqué, mais c’est pour tirer le meilleur de nous-mêmes. Personnellement, j’en garde un très bon souvenir. Demandez à Perrin, à Gomis… pareil. » Dans une équipe lilloise où les jeunes ont souvent été pointés du doigt par les supporters pour une certaine nonchalance sur le terrain, cela peut faire du bien : « Ils vont vite devoir se mettre au pli, sinon ça va leur faire tout drôle ! C’est quelqu’un qui est à cheval sur le travail, si les jeunes ne se mettent pas au diapason, ils vont aller faire un tour en réserve toute la saison, c’est tout ! »
Le froid, la pluie et les règles
L’investissement personnel et le comportement au sein du collectif. Sur ce dernier point, Antonetti semble avoir du pain sur la planche. Si Renato Civelli réfutait récemment toute idée de clan, il reste qu’il a mis une balayette à Boufal à l’entraînement, qui s’est lui-même embrouillé avec Tallo en se moquant de son inefficacité, ce dernier disputant longuement un penalty à Boufal quelques jours plus tard, avant que Mavuba n’intervienne pour clore la dispute. Ça fait beaucoup, en cinq mois. Dans un groupe où les jeunes et nouvelles têtes sont légion et où le nombre d’anciens se réduit comme peau de chagrin, l’arrivée du Corse peut recadrer certains comportements.
Par le foot d’abord, selon Laurent Huard : « Il va accrocher tout le monde sur le foot parce qu’il est très riche, il analyse beaucoup, c’est comme ça qu’il va les réunir, sur leur passion commune. Lui, il lui faut un terrain de foot, une télé pour voir les matchs, tant qu’il a ça, il est heureux. Il a connu le froid à Saint-Étienne, la pluie à Rennes… Il aura les deux à Lille, mais ça va le faire ! » Et puis par les règles, une idée maîtresse du discours d’Antonetti : « Bien sûr il y a des règles, bien sûr il y a des exigences. Bien sûr, parfois je prends la tête des joueurs. Bien sûr, je sais tout ça ! Mais c’est pour leur bien et c’est pour le bien de l’équipe. C’est ma façon de manager et je le fais avec passion. » Pour, enfin, redonner des frissons aux supporters du Nord. Avec ou sans doudoune.
Par Eric Carpentier