- Billet d'humeur
Antoine qui ?
Et si le Paris Saint-Germain Football Club avait pris l’une des plus heureuses décisions de son existence en choisissant de foutre Antoine Kombouaré à la porte ? Problème : cette vérité a du mal à être validée par une opinion publique autant moralisatrice qu’à la ramasse.
Deux sondages, au hasard. Un premier sur lequipe.fr sitôt la rumeur de mise à l’écart de Kombouaré confirmée : « Approuvez-vous la décision du Paris-SG de se séparer d’Antoine Kombouaré ? » . 16% de OUI, 82% de NON, 2% de personnes dont le cœur est alors trop lourd pour se prononcer. Un deuxième sur RMC : « Selon vous, fallait-il virer Kombouaré? » . OUI : 21%. NON : 79%. Naïve qu’elle est, la France est sous le choc. La tendance est là, et ne concerne pas seulement les acteurs passifs du foot français. Les anciens joueurs du PSG n’ont par exemple pas tardé à montrer les dents au moment de défendre leur ex-coéquipier. « Ce n’est pas logique, l’équipe a 40 points, elle est championne d’automne (…) C’est dégoûtant, ce n’est pas normal, son travail n’est pas récompensé » , grimaçait Laurent Fournier dans les colonnes de L’Equipe le 23 décembre. Le coach auxerrois est alors suivi par Daniel Bravo : « Ce qui est discutable, c’est le timing. S’il ne voulait pas d’Antoine Kombouaré, Leonardo aurait pu convaincre les Qatariens dès le début de la saison. Les entraîneurs sont des êtres humains » .
Antoine Kombouaré est un être humain qui palpera une indemnité de quelque 3 millions d’euros au moment où son contrat le liant au PSG sera soigneusement chiffonné puis envoyé dans la corbeille. Le genre de lot de consolation qui a le pouvoir de dissoudre n’importe quel sentiment d’humiliation. Pour le reste, Fournier et Bravo ont faux et encore faux. Est-il logique de virer l’ancien entraîneur de Valenciennes alors que le PSG est champion d’automne ? A priori, être vainqueur d’une saison « météorologique » n’a jamais pesé lourd dans un CV, exception faite pour les lauréats des Printemps de Bourges.
Rester bon ou devenir meilleur
Le bilan du Kanak est très bon depuis l’entame du championnat, avec 63,16% de victoires (12 en 19 rencontres) qui tranchent avec les maigrichons 35,52% de succès atteints par le club de la capitale lors des deux précédents exercices (27 victoires en 76 matches). Des chiffres dont l’évolution favorable résulte davantage de l’arrivée des biftons de Qatar Sports Investment et la manière dont les a utilisés Leonardo que du génie tactique du Nouméen. Kombouaré quitte Paris avec un bilan ni fabuleux, ni mauvais. Et après tout, peu importe, car ce n’est pas sur ses résultats que l’ancien défenseur central a été jugé – quand bien même l’argument de l’élimination en Europa League a été hypocritement avancé. Simplement, ce n’est pas parce que le PSG est bon qu’il doit s’interdire de songer à un avenir meilleur. C’est pourtant le procès que 80% de Français et des poussières attentent à Nasser al-Khelaïfi et Leonardo. Eux s’en cognent et continuent de diriger leur engin comme des robots. Et si le Paris Saint-Germain était la seule entreprise au sein de laquelle le patron et le DRH bossent en mettant leur cœur de côté, ça se saurait.
Quant au « mauvais timing » qui semble chagriner l’opinion publique, il est plutôt parfaitement bon. Quoi de plus vulgaire que de virer un coach pour « mauvais résultats » ? En éjectant Antoine au moment où il pilote le leader de L1, les dirigeants parisiens donnent un généreux coup de pied aux fesses de la routine du championnat de France. Deviner qu’un type plafonne est un geste plutôt louable et complètement novateur. Malgré ça, la décision prise par al-Khelaïfi et Leonardo a du mal à passer dans le gosier du Français contestataire, qui trouve matière à grogner en oubliant le vilain paradoxe qui l’habite : habitué à cracher sur le spectacle offert par la Ligue 1 tout en se caressant devant Manchester City, Barcelone et le Real Madrid, il continue de gueuler en snobant l’ambition d’un beau football auquel le PSG 2.0. aspire. Car offrir une place de parking au Camp des Loges à Carlo Ancelotti et les remorques de poids lourds qui vont suivre n’est pas de son goût. C’est l’âme du PSG à laquelle on est en train de toucher en faisant venir le Qatar, Beckham et la crème de la Serie A du côté de la Porte d’Auteuil.
Un coup du fil du Mans
Débarquent aussi tous ces fans du club qui tuent leur temps en exigeant qu’on ne les mette pas dans le même sac que ceux qui viennent de se joindre à la fête. Comme si le fait d’avoir vu sévir Safet Susic il y a vingt-cinq ans leur donnait plus de légitimité qu’un type devenu amoureux du blason depuis que 2011 lui a appris que Javier Pastore et Christophe Jallet ne faisaient pas tout à fait le même métier. Pendant ce temps-là, Antoine Kombouaré digère. Il a reçu mercredi un coup de fil pour entraîner Le Mans, 17ème de Ligue 2. Pour l’instant, c’est tout ce que le football français peut lui proposer. Pour un mec soutenu publiquement par tout un milieu, c’est peu. A moins que les bla-bla récités à chaud pour remonter le moral du licencié aient fait suffisamment de bruit pour éclipser un sujet un peu plus embarrassant : la valeur d’Antoine Kombouaré sur le marché.
Par Matthieu Pécot