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Antoine Griezmann, une histoire de tif
La nouvelle n'a échappé à personne, ce mercredi, au moment de voir apparaître Antoine Griezmann sous le maillot de l'Atlético pour son retour au bercail : le Français a renoué avec les cheveux courts, pour le plus grand bonheur des fans des Bleus et des Rojiblancos. Mais pourquoi un si grand soulagement ? Grizou est-il vraiment plus performant quand sa tignasse est moins imposante ? Surtout, pourquoi le métronome de l'équipe de France accorde-t-il une telle importance à ses cheveux ? Il fallait absolument trouver des réponses à ces questions existentielles. On passe au shampooing ?
« Il a coupé aujourd’hui ? Je ne savais pas ! Ça me surprend énormément… » De l’autre côté du fil et de l’Atlantique, Gérald Lérandy, plus connu sous le nom de « Barber Gé » , a presque du mal à y croire. Revenu ouvrir son salon en Martinique après « une belle carrière en métropole », l’ancien coiffeur de footballeurs a gardé contact avec le monde du ballon rond, mais est passé à côté de l’info capillaire de ce mercredi : oui, Antoine Griezmann revient aux cheveux courts après plus de deux ans de tignasse. « Est-ce dû à son retour à l’Atlético ? On peut faire ce rapprochement », percute Gérald, l’homme qui se cache notamment derrière le look de Djibril Cissé en finale de Coupe de France 2006. « Des joueurs qui font des dingueries capillaires quand ils signent dans un club, ça existe, enchaîne l’influent Michaël Da Silva, connu sous le nom de Mika Caïolas dans le milieu. C’est ce qu’on avait fait avec Marcus Thuram, je lui avais fait un motif quand il avait signé à Mönchengladbach. »
À quelques kilomètres de Lyon, du côté de Mâcon, on est ironiquement déçu de ne pas l’avoir vu se pointer à domicile après sa masterclass lors de France-Finlande afin d’arranger sa touffe. « J’étais au match, j’aimais bien sa coupe, déjà j’avais l’impression qu’il avait un peu coupé sur les côtés, ça lui donnait un bon style et ça changeait, note Hassan, coupe-tif chez Raf’coiffure, situé à dix petites minutes à pied du stade municipal Champlevert. Je me suis dit qu’il serait passé faire un tour à Mâcon après le match ! Ça fait plus de quatorze ans qu’on est là, mais on n’a pas encore eu l’occasion de l’avoir. »
Tout pour le collec’tif
L’important est ailleurs. Si les supporters des Bleus et de l’Atléti ont accueilli cette nouvelle avec plaisir, c’est qu’il y a une bonne raison et elle n’est pas qu’esthétique. Cristiano Ronaldo avait les mèches blondes effet mouillé en guise de Super Saiyan, le Français n’a lui besoin que d’un bon coup de ciseaux pour atteindre son pic de forme. Cela correspond à ses meilleures périodes sur le plan individuel (saisons 2014-2015, 2015-2016 et 2018-2019) ainsi qu’à ses plus grands accomplissements collectifs (finale de Ligue des champions et victoire en Ligue Europa avec l’Atlético ; finale de l’Euro et victoire au Mondial avec les Bleus). Il avait d’ailleurs déjà connu une grosse tendance aux cheveux longs en 2017, mais avait pris soin de se présenter rasé de près pour les grandes échéances internationales de 2016 et 2018. En 2019, l’arrêt des coups de ciseaux réguliers sur sa caboche ont coïncidé avec son déménagement à Barcelone et, par conséquent, à sa descente aux enfers sur le terrain. Le lien est trop gros pour ne pas être fait, surtout pour les grands superstitieux.
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— Atlético de Madrid (@Atleti) September 8, 2021
Mika Caïolas s’est déjà occupé de la tignasse de Toinou « quatre ou cinq fois » et se trouve être un ami de Landy Angres de San Sebastián, coiffeur attitré de l’attaquant à qui l’on doit la mise à jour de mercredi. « C’est un peu symbolique : il était parti de l’Atlético et était arrivé à Barcelone en se laissant pousser les cheveux, là il a voulu marquer le coup, il rentre au bercail, coupe tout, recommence à zéro et repart sur de bonnes bases, analyse le quadragénaire. Les cheveux courts, ça lui va 100 fois mieux. Quand il les laisse longs et qu’il les attache avec les cheveux qui ondulent, c’est dingue aussi. Pourtant, contre la Finlande, il a fait une super prestation en les ayant longs. Il a de super beaux cheveux, Antoine… Maintenant qu’il a ses trois enfants, je ne pense pas qu’il refasse de folies comme ses cheveux bleus. Il murit, il devient plus vieux. »
Lyazid Makhlaf, « le barbier de Montmartre » qui tient également un petit salon de coiffure pour enfants dans le 18e arrondissement parisien, se montre lui beaucoup plus catégorique. « Ça, c’est aujourd’hui ? C’est mieux qu’hier quand même, c’est beaucoup mieux. Ça fait plus élégant, et il est trop petit pour avoir les cheveux longs, décrypte ce grand fan de l’OM et de la JS Kabylie, entre deux coups de ciseaux dans les cheveux d’un petit garçon aux tifs bouclés, avant d’opérer une légère machine arrière. Ah, mais ce qu’il a laissé au-dessus là, c’est trop moche. La longueur, ça fait trop caniche. Je fais partie de l’ancienne génération, donc pour moi l’idéal c’est la coupe classique : pas de coupe à la joueur de foot, je n’aime pas trop ça. C’est trop exagéré, ils font des choses bizarres ! Ils n’ont plus de tact, ils font n’importe quoi ! Moi, je suis à la Beckham : à l’ancienne, très propre. Le changement, ça lui va bien à Beckham, Griezmann moins. »
Un hair de famille
Au grand désespoir de Lyazid, Griezmann aurait pourtant pu garder sa crinière façon Mufasa pendant un moment. C’est en tout cas ce qui était prévu, comme il l’expliquait dans un entretien accordé à Movistar en novembre 2020 : « Je garderai mes cheveux longs, même si on me demande de les couper. Mes enfants et ma femme veulent que je les garde. » Moins d’un an plus tard, l’artilleur des Bleus a délaissé sa toison catalane pour revenir aux bases. Le Mâconnais avait besoin de changements, comme souvent. « Changer de coupe de cheveux, je tiens ça de ma mère qui, à chaque saison, change de tête et de couleur de cheveux, racontait le principal intéressé dans les colonnes de Gala à l’été 2018. Après, ça dépend de mes envies. » Une histoire de famille, mais aussi d’un modèle : David Beckham. Les mots de Griezmann : « J’adore son image sur le terrain, il m’inspire pour tout. » Le comportement de l’international français, désireux de soigner son style et son image, se rapproche en effet de celui de l’ancien milieu de Manchester United, devenu une véritable icône mode dans les années 2000. « C’est lui qui a révolutionné, ou du moins implanté, la coupe de cheveux dans le foot, confirme Mika Caïolas. Il a eu la boule à zéro, les cheveux longs, des tresses, un peu rasé devant, décoloré… C’est un génie. »
Grihair’zmann
La pop star britannique a probablement été à l’origine d’une nouvelle étape dans la fascination de certaines personnes pour les tignasses de footballeurs. Rien de nouveau sous le soleil pour Lyazid qui se souvient de quelques requêtes inhabituelles en 1998 : « Il y a des enfants qui me demandaient si je pouvais leur faire un trou au milieu de la tête pour faire comme Zidane, c’était mignon. » Les mannequins en herbe pensent surtout à leurs intérêts personnels au moment de changer de tête. Il est parfois question de superstition, assure Barber Gé : « Ils se sentent mieux dans leur peau, mieux dans leurs corps quand ils sont bien coiffés le jour du match, c’est ce qu’ils me disent. C’est comme monsieur tout le monde pour les grandes occasions. » Reste qu’il s’agit avant tout d’une mode et d’une époque qui veut que l’image soit d’une importance capitale dans une carrière. « Les joueurs n’en avaient rien à secouer de leurs cheveux, déroule Mika Caïolas. Maintenant, il y a tellement d’enjeux avec tout ce qui est publicités qu’il faut qu’ils soient nickels. Tu te sens beaucoup mieux quand tu as les cheveux coupés : tu arrives sur le terrain en Ligue des champions, tu as une vraie coupe de cheveux, les gens te regardent plus. Alors que si tu as une coupe éclatée, tu ne fais pas sensation. Est-ce que ça va changer leur façon de jouer ? Je ne pense pas. Mais ça te permet d’être mieux dans ta tête. » Peut-être que Grizou vient tout simplement de lancer le compte à rebours avant le prochain Mondial.
Par Jérémie Baron et Clément Gavard
Tous propos recueillis par JB et CG, sauf mentions