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Antoine Griezmann, la dégaine du capitaine
Pour la rentrée des Bleus en Moldavie, Antoine Griezmann a encore enfilé son costume de leader d'attaque sur le terrain. Après une Coupe du monde largement réussie, le meneur de jeu de 28 ans confirme à chaque sortie son statut de patron en sélection. Au point de voir en lui le prochain capitaine du navire, brassard au bras ?
Les gens retiendront peut-être de cette semaine qu’Antoine Griezmann a eu le droit comme cadeau d’anniversaire à son propre documentaire sur Netflix, à l’instar de Mike Tyson ou Boris Becker. Ils auront aussi certainement enregistré les chiffres affolants publiés par le magazine L’Équipe : l’attaquant de l’Atlético de Madrid a cumulé près de 33 millions d’euros de revenus en 2018, décrochant la première place au classement des sportifs français les mieux payés. Jamais un athlète bleu-blanc-rouge n’avait amassé autant d’argent sur une année.
Puis, il y aura ceux qui se sont finalement posés devant Moldavie-France vendredi soir, une affiche pas très alléchante, pour constater qu’au-delà des millions d’euros et des opérations de comm’, Griezmann est surtout un excellent joueur de football. À Chișinău, il a été fidèle à lui-même au poste de numéro 10 dans le 4-2-3-1 proposé par Deschamps, ouvrant le score d’une magnifique volée du gauche, offrant le deuxième but à Varane et confirmant sa redoutable intelligence de jeu. Avec en plus de ça, une attitude qui laisse penser que le garçon a l’étoffe d’un capitaine.
La force de l’habitude
Griezmann veut-il vraiment être le patron de cette équipe de France ? La question était revenue sur la table en mai dernier, à quelques jours du coup d’envoi du Mondial en Russie, et le principal intéressé avait été clair : « Non, je ne suis pas le patron. Ce sont souvent les mêmes questions qui reviennent : si je suis leader, patron… Mais non, ça ne m’intéresse pas. Je veux être libre sur le terrain, comme je le suis. » Peu importe les discours, les faits sont là : le natif de Mâcon remplit tous les critères. Et il ne lui a pas fallu longtemps pour imposer sa légitimité naturelle dans le groupe de Didier Deschamps. En seulement cinq ans – sa première apparition sous le maillot tricolore remonte à mars 2014 –, Grizou a atteint les 67 sélections (27 buts), sans manquer un seul rassemblement et participant déjà à trois compétitions majeures. Au gré du temps, au fil des rencontres, il a pris de l’expérience et gagné en maturité, surtout après la Coupe du monde 2014, où il était encore considéré comme un petit nouveau à Clairefontaine.
Son image a définitivement changé deux ans plus tard, à l’Euro 2016, où il s’est imposé comme le véritable leader d’attaque de cette équipe, collectionnant les buts et faisant preuve d’un état d’esprit irréprochable, malgré les critiques et les incertitudes avant la compétition. C’est ça aussi Griezmann, un joueur façonné par Diego Simeone, capable de laisser ses tripes sur un terrain et de faire évoluer sa panoplie pour se mettre au service des autres, du collectif. Et un capitaine ne doit pas seulement donner les ordres, prendre les décisions ou gueuler dans le vestiaire, il doit aussi accompagner ses partenaires sur le terrain, les faire briller, les sublimer. Et c’est précisément ce qu’a su faire le Colchonero en Russie l’été dernier : se ranger un peu dans l’ombre – au point d’être parfois résumé à un simple tireur de penalty –, et accepter un rôle beaucoup plus ingrat, besogneux, pour mettre en lumière le déjà très lumineux Mbappé. Résultat : la France s’est installée sur le toit du monde pour les quatre prochaines années.
Juste valeur
Plus de six mois après le sacre mondial, un talent fou comme Mbappé est forcément plus discuté, plus attendu, plus scruté. Mais en Moldavie, quand le jeune Kylian a souvent patiné, Griezmann a prouvé qu’il avait (pour le moment) plus d’envergure pour assumer ce rôle de patron d’attaque. La vérité du terrain, encore elle. À 28 piges, le Madrilène a-t-il vraiment besoin d’un Ballon d’or pour exister ? A-t-il besoin d’un beau documentaire pour que le monde comprenne son importance dans une équipe de France championne du monde ? Les mots prononcés par Deschamps en septembre dernier, avant une rencontre face aux Pays-Bas, suffisaient amplement : « Je pense qu’il représente beaucoup, par ce qu’il fait sur le terrain et ce qu’il peut dégager en dehors sur le plan humain.[…]Il fait partie, sans vouloir faire offense à d’autres, des joueurs représentatifs ou emblématiques de cette équipe. Antoine est depuis un moment un leader d’attaque de la sélection. »
Le sélectionneur des Bleus ne manque jamais d’adjectifs pour faire l’éloge de son protégé, qu’il considère comme « sous-coté en France » . Et si c’était lui, le futur capitaine de l’équipe de France ? La question peut (encore) se poser, mais la réponse est couchée sur les dernières feuilles de match : Lloris est indéboulonnable, Varane est son suppléant attitré et Deschamps n’est pas du genre à tout chambouler. Après tout, Griezmann n’a pas besoin du brassard pour exister. Il lui suffit de jouer.
Par Clément Gavard