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Anthony Martial va déjà trop vite
À 17 ans et 11 mois, l’attaquant monégasque est devenu le plus jeune buteur de la saison contre Rennes. Acheté 5 millions à Lyon cet été, il est cajolé par son entraîneur et promis à un avenir doré.
« Sur ses prises de balles, il me rappelle Nicolas Anelka. » On est samedi dernier au cœur du silencieux Louis-II. En tribune de presse, les journalistes s’affairent sur le match du jour. Sur le pré, Monaco s’amuse de Rennes. Au milieu des confrères, des anciennes plumes viennent toujours reluquer les matchs. Pas facile de couper le cordon. Cette ambiance est comme une madeleine de Proust pour ces monstres sacrés qui ont couvert Monaco et le football pendant plus de 40 ans, un temps où les shorts étaient plus courts et les moustaches plus longues. Et pourtant, derrière les traits abîmés et les yeux délavés, le coup d’œil est toujours là. Et quand Martial ouvre son compteur but en professionnel peu de temps avant la mi-temps, les langues se délient. Anthony Martial a quelque chose.
En zone mixte, Mounir Obbadi, son coéquipier, ira même plus loin, comparant le minot à un certain Thierry Henry. En une soirée, le jeune Monégasque a déjà changé d’univers. Maintenant, il doit faire avec. Et garder la tête sur les épaules. Ce que Claudio Ranieri a fait avec son joueur en le protégeant depuis son arrivée fracassante cet été. « Je savais que c’était le bon moment pour le faire jouer » , détaille l’ancien coach de la Roma. Depuis son arrivée cet été, contre 5 millions d’euros, on attendait de voir la merveille à l’œil. Né en 1995 (il aura 18 ans vendredi), le môme est couvé depuis son adolescence par la DTN qui voit en lui un phénomène. Débarqué à Lyon à 14 ans, Martial casse tout : 32 buts en 21 matchs lors de sa deuxième saison chez les U17. L’histoire est en marche. Surtout que l’OL décide de changer son fusil d’épaule en s’infligeant une crise d’austérité. Le salut passera par les jeunes de la formation. Benzia, Bahlouli, Plea, Ferri ou Martial sont là pour redresser le club. Et puis cet été, la jurisprudence prend un coup dans la gueule. Incapable de vendre Bafetimbi Gomis pour renflouer les caisses, Lyon se décide à bazarder Martial à Monaco contre un chèque de 5 millions d’euros. Cinq patates pour un môme dont le CV affiche trois bouts de match en Ligue 1. Une folie pour certains. Un gros coup pour d’autres.
La Juve le suit de près
Lorsqu’il débarque sur le Rocher, le môme est dans un premier temps timide. Son discours est classique : « Je vais jouer avec des grands joueurs et progresser plus vite. Mon but c’est de jouer avec l’équipe 1, de marquer des buts et de rendre fier les supporters. » Le petit frère de Johan (qui joue actuellement à Brest) est une énigme. On l’imagine prêté dans la foulée, mais non. Ranieri le garde au chaud. Pourtant, ses premiers matchs en CFA ne sont pas brillants. On le voit râler, rouspéter et produire des prestations quelconques. Mais Willy Sagnol, fraîchement intronisé patron des espoirs, connaît le loustic. Dès octobre, Martial est surclassé avec la génération 1993. Comme Adrien Rabiot, le joueur va taquiner Thauvin, Digne, Kondogbia et Areola, tous champions du monde U20 cet été. L’attaquant reprend goût au jeu et au terrain. Rapide, puissant, adroit des deux pieds, son profil est unique en plus d’être polyvalent.
Au sein de l’ASM, on estime que Martial a un style de jeu parfait pour combiner avec Falcao. Pour étirer une défense, il n’y a pas mieux que le jeune international espoir. En privé pourtant, l’entourage du joueur s’impatiente. Il doit jouer. Et vite. Alors on fait remonter à la surface une ancienne rumeur, rappelant que la Juventus est sur le coup depuis son passage lyonnais. Hasard du calendrier ou pas, après une bonne rentrée à Nantes, il se retrouve titulaire contre Rennes. La suite est évidente. À quelques heures du derby contre Nice, Martial a déjà bousculé la hiérarchie des attaquants. Valère Germain est passé numéro 4. Rivière n’est pas loin de passer numéro 3. Le gamin a un coup à jouer. Et son entraîneur n’a pas envie de le laisser partir. « Au mercato, je préfèrerais qu’il reste à Monaco. Avec beaucoup de champions autour de lui, il peut apprendre beaucoup. » En attendant, Martial est soumis à un silence médiatique de la part de son club. « Il est encore trop jeune » , rétorque-t-on quand on demande d’entendre le son de sa voix. Pas grave, le joueur a trouvé une autre manière de faire parler de lui. Sur le terrain.
Par Mathieu Faure