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Anthony Martial, l’occasion de Séville
Parti se relancer au FC Séville, Anthony Martial espère surtout tourner la page de son séjour mancunien. Une aventure qu’il aura entamée dans la peau d’un wonderkid avant de rentrer dans le rang et de rejoindre la longue liste des espoirs déchus.
Visiblement, Manchester United n’avait pas besoin d’Anthony Martial, le 15 janvier dernier, pour concéder un nul face à Aston Villa (2-2) après avoir compté deux buts d’avance. Absent, sans véritable raison, du groupe mancunien, le Français a dû attendre l’après-match pour entendre son coach évoquer son cas. « Il ne voulait pas être dans l’équipe », indiquait Ralf Rangnick en conférence de presse. Réplique du joueur le lendemain sur ses réseaux sociaux : « Je ne refuserai jamais de jouer un match pour Manchester United. » Lequel des deux dit vrai ? La réponse ne sera sans doute jamais connue et importe finalement peu. Pour en finir avec cette histoire de poker menteur, les deux hommes s’expliquent et le Français retrouve les terrains une semaine plus tard face à West Ham pour son onzième match de la saison. Entré en jeu à neuf minutes du terme, il décale idéalement Cavani, dont le centre trouve Marcus Rashford – tous deux remplaçants au coup d’envoi – qui offre la victoire aux siens au bout du temps additionnel. Sept jours qui résument parfaitement la relation que l’international français a entretenu avec Manchester United, lors de six saisons et demie entre ombre et lumière. Aujourd’hui âgé de 26 ans, il rejoint le FC Séville, où il est prêté pour les six prochains mois (en diminuant presque de moitié son salaire), dans une quasi-indifférence.
Divine idylle
Arraché à l’AS Monaco dans les derniers instants du mercato estival 2015 pour un montant de 50 millions d’euros (plus 30 de bonus) jugé « ridicule, mais symbolique de la folie du monde du football » par Van Gaal, son nouvel entraîneur, l’attaquant avait honoré sa première à Old Trafford face à Liverpool, le 12 septembre suivant. Une vingtaine de minutes après son entrée, il prend la balle sur l’aile gauche, accélère, balade Martin Škrtel avant de le perdre sur un dernier crochet et de tromper Simon Mignolet. Un gamin français des Ulis qui place un enroulé du droit… Comment ne pas penser à Thierry Henry ? Le public du Théâtre des rêves plonge immédiatement et consacre un chant à celui qui n’avait aucune chance selon la presse anglaise et pour lequel United aurait « jeté 50 millions par la fenêtre ».
Après une première saison plutôt réussie d’un point de vue personnel, Martial fait la rude connaissance de José Mourinho, arrivé pour remplacer Van Gaal. Sa relation avec le Portugais est compliquée, voire conflictuelle, comme en témoignent les nombreuses piques du Mou, dont celle-ci avant un match face à Hull City en février 2017 : « Il a fait assez pour gagner sa place sur le banc. Il doit faire mieux que ceux qui se battent pour le même poste. » Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’ancien Lyonnais réussit sa meilleure saison une fois le Special One parti, lors de l’exercice 2019-2020. Statistiquement, son bilan chez les Red Devils est à l’image de son passage : mitigé, mais surtout avec un désagréable arrière-goût de gâchis. Martial aura enfilé 270 fois la tunique de United, de quoi en faire le troisième Français le plus capé sous le maillot mancunien derrière Évra et Silvestre. Avec ses 79 buts toutes compétitions confondues, le joueur formé à l’OL est, sur ce plan-là, devancé par le seul Éric Cantona. Placé, mais jamais devant.
L’aile ou la pointe
Devant, au poste d’avant-centre, c’est pourtant là qu’il est sans doute le plus à l’aise. Tantôt positionné sur l’aile, souvent la gauche, tantôt replacé dans l’axe en véritable numéro neuf, il reste bien plus performant dans ce dernier rôle. Un exemple : il signe sa meilleure saison en 2019-2020 avec 17 buts en 32 matchs de Premier League quand Solskjær le fixe en pointe. De quoi déjuger Van Gaal, qui assure que le garçon n’était « pas un buteur, mais plus un ailier ». Tout le problème du Golden Boy 2015 se situe dans cette déclaration : incapable de devenir indiscutable, pénalisé par ses mauvaises performances, ses blessures lui faisant manquer 61 matchs des Red Devils ou des problèmes extrasportifs polluant parfois ses préparations. Et le futur doré auquel il était promis s’est ainsi assombri. À 26 ans, tout n’est pas encore perdu, loin de là. Quitter Manchester United, qui n’est pas reconnu pour sa stabilité ces dernières années, pour rejoindre le FC Séville, un club d’une régularité remarquable et qui avait déjà essayé de l’enrôler dans le passé, pourrait lui permettre de repartir de l’avant et de garder sa place avec les Bleus, où il conserve un certain crédit, en vue de la prochaine Coupe du monde. Avec Youssef En-Nesyri à la CAN, le Français devrait rapidement avoir une place dans l’équipe de Julen Lopetegui. Charge à lui, cette fois, de la saisir et surtout de la garder.
Par Florian Porta