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Anthony Martial, la fin du malentendu ?
Fort de bonnes prestations avec Manchester United et du forfait de Dimitri Payet, Anthony Martial est de retour en équipe de France. Plus d'un an après sa dernière sélection, et après avoir traversé les premières grosses turbulences de sa jeune carrière. Et si le prédécesseur de Kylian Mbappé comme futur phénomène français avait encore les moyens de devenir un top player ?
« Pour un joueur d’un tel talent, il devrait tout casser dans ce championnat. Mourinho et le sélectionneur de l’équipe de France l’ont un peu éteint, on a toujours l’impression qu’il joue à 85%. » Difficile de dire si les propos de Gary Neville ont influencé Didier Deschamps au moment d’inclure Anthony Martial dans sa liste pour les prochains matchs des Bleus. Toujours est-il que le sélectionneur fraîchement prolongé n’a pas dû manquer les matchs récents de Manchester United et a donc décidé de tendre la main à l’attaquant mancunien. Plus d’un an après une dernière sélection – et un premier et unique but – face à l’Italie le 1er septembre 2016. Depuis, le natif de Massy et ancien du CO Ulis, comme Thierry Henry et Patrice Évra, avait manqué plusieurs rassemblements sur blessure avant de sortir des petits papiers de DD à cause de prestations faiblardes dans le nord de l’Angleterre. Ce retour en équipe de France, ce n’est pas une anomalie pour son ancien formateur à l’OL, Robert Valette, car « ce qu’Anthony a produit avec Manchester United ces derniers mois, c’était très intéressant » .
« Il y a des pièges qu’il n’a pas su éviter. » Robert Valette, ancien formateur à Lyon
Pour le retraité du centre de formation lyonnais, le retour de Martial dans le groupe France est d’autant plus fort qu’il traduit un vrai changement de mentalité chez le jeune attaquant. « Il a eu une période délicate qui était liée avant tout à du hors-terrain (séparation avec sa compagne et mère de sa fille, ndlr). Quand vous devenez riche, vous entrez dans un nouvel univers, avec de nouveaux codes. » Et l’Essonnien a visiblement mis du temps à s’adapter : « J’avais parlé de cet enjeu à un joueur comme Hatem Ben Arfa, je lui avais dit : « Vous venez d’un milieu où il y a des codes, mais vous arrivez dans un autre milieu où ces codes diffèrent. Si vous voulez importer vos codes au lieu de vous adapter à ceux de votre milieu, vous allez vous planter. » » Loin de juger l’ancien joueur de l’OL, Robert Valette préfère considérer sa traversée du désert comme une étape douloureuse, mais bien souvent nécessaire. « Quand on est un jeune footballeur à succès, on a beaucoup de monde autour de nous, et pas seulement des gens qui nous veulent du bien, mais surtout des gens qui veulent profiter de nous. À vingt ans, c’est très difficile à gérer, l’entourage est très important. Ce n’est pas surprenant qu’Anthony ait eu une période compliquée, il y a des pièges qu’il n’a pas su éviter, et ce n’était pas très surprenant car, étant jeune, en formation, on voyait qu’il était bon, mais aussi qu’il était dans son propre monde. »
« Mourinho a su lui imposer son exigence. » Robert Valette
Désormais, l’ancien formateur lyonnais espère que Martial va pouvoir exploiter à fond son énorme potentiel. « Un joueur de ce niveau, on n’en avait pas touché au centre de formation de Lyon depuis Lacazette. On savait que c’était potentiellement un futur top player. En réalité, on oublie trop souvent qu’il n’a que 21 ans et qu’à 18 ans, il était l’équivalent de Mbappé aujourd’hui. » Ce n’est pas avec quatre buts en Premier League depuis le début de la saison que l’attaquant peut affirmer avoir totalement retrouvé son niveau, mais au vu de son statut de super sub à MU, Robert Valette estime tout de même que le jeune homme a passé un cap, voire un écueil : « Il a mûri, il a appris à composer avec son milieu, à gérer le hors. C’est pour cela qu’il est plus consistant en club, plus efficace. La base, c’est d’être performant au quotidien. » Quant à savoir s’il aurait pu rebondir plus vite avec l’aide de José Mourinho ou Didier Deschamps, Valette préfère penser que son ancien protégé est le seul responsable de son rendement : « Aucun entraîneur ne se prive d’un talent sans bonne raison. Si un entraîneur laisse un bon joueur sur le banc, c’est qu’il y a un problème quelque part. Je trouve que Mourinho a pris le temps de mieux connaître Anthony et, désormais, s’il semble avoir passé une première période compliquée dans sa jeune carrière, c’est peut-être parce que cet entraîneur a su lui imposer son exigence et lui redonner le sens des priorités. » À voir si Martial garde le cap, au moins jusqu’au Mondial en Russie.
Par Nicolas Jucha
Propos de Robert Valette recueillis par NJ