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Anthony Mahoungou : « Un passement de jambes de Mbappé, c’est comme un spin move au foot US »

Propos recueillis par Alexandre Delfau
6 minutes
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Bercé par le Paris Saint-Germain, Anthony Mahoungou a vite trouvé son bonheur dans le foot US. Rare Français à avoir pu effectuer une pré-saison avec une franchise NFL (les Eagles de Philadelphie), le wide receiver de 26 ans espère toujours intégrer l'élite américaine. Devenu en parallèle consultant pour la chaîne L’Équipe, il commentera dimanche le Super Bowl, qui opposera les Buccaneers de Tampa Bay aux Chiefs de Kansas City et sera diffusé en clair. Entretien avec un gars qui a remplacé football par soccer dans son vocabulaire.

Salut Anthony. Raconte-nous : tu es joueur de football américain, mais tu as d’abord commencé par le football européen ?Le soccer est mon premier amour. En tant que Français, le sport numéro un est le soccer, donc j’ai grandi avec des étoiles dans les yeux en voyant jouer Thierry Henry et Zizou. Étant donné que je suis de banlieue, de La Courneuve dans le 93, j’ai toujours joué dans la rue et sur les petits terrains de cité. Je me mets vraiment au soccer quand j’ai 10 ans et je m’inscris à l’AS Courneuvienne. Ma première année est spéciale, car je commence avec l’équipe C. Mais beaucoup de joueurs de l’équipe B sont partis en classe de neige, alors j’ai pu intégrer cette équipe. J’étais attaquant, mais en arrivant dans la B, j’ai demandé à jouer arrière gauche. Au retour de classe de neige, ils m’ont quand même gardé et j’ai terminé meilleur joueur de l’équipe lors d’un tournoi qu’on avait fait à La Rochelle. La deuxième saison, je suis en A, mais je me blesse et je suis plâtré au poignet. Dans le sport, mon but a toujours été d’être le meilleur au plus haut niveau. Et quand j’ai 11 ans et que je vois que je ne suis pas dans un centre de formation, je me dis que pour devenir pro, ce n’est pas impossible, mais qu’il n’y a plus beaucoup de chances. Quand j’ai réalisé ça, je n’ai pas voulu continuer le foot.

Le foot US fait en sorte que le travail de chaque joueur soit important pour l’exécution du jeu. Pour moi, c’est le sport collectif par excellence.

Comment en es-tu venu au football américain ?Je touche un peu à tout en arrivant au collège : rugby, badminton, boxe thaï et en 5e, à 12 ans, je me mets au foot US. Il se trouve qu’à l’époque où je jouais au foot à La Courneuve, quand je terminais mes entraînements, je voyais des gars sur le terrain avec des épaulières et des casques noirs avec un éclair jaune. Et à cet âge-là, t’es un peu bête, et donc je me moquais d’eux avec mes gars. On trouvait ça bizarre. Mais il se trouve que quelques années plus tard, mon frère s’y est mis, et en assistant à ses premiers matchs et entraînements, j’ai kiffé. Déjà le sport en lui-même, peu importe ton gabarit, il y a un poste pour toi. Contrairement à tous les autres sports collectifs, le foot US fait en sorte que le travail de chaque joueur soit important pour l’exécution du jeu. Pour moi, c’est le sport collectif par excellence.

Aux États-Unis, t’as des gens qui installent leurs tentes et font des grands barbecues à proximité du stade cinq heures avant un match.

Quels parallèles et différences fais-tu entre le football (soccer) en France et le football américain aux États-Unis ?En fait, aux États-Unis, le sport est tellement important, ce n’est pas un loisir, ça fait partie de la vie. On arrive à avoir des ambiances dignes de Ligue 1, Premier League, Ligue des champions, à un niveau qui est encore amateur puisqu’en université, tu es considéré comme amateur. Avec ma fac, on faisait des matchs à 70 000 spectateurs. Quand on a joué contre Wisconsin et Nebraska, qui étaient deux grosses facs de ma conférence, ils ont des stades avec 105 000 personnes. Pour avoir vu des matchs au Parc des Princes, ou du PSG handball, quand tu vois les ultras, tout ça, tu sais qu’en tant que joueur, ça fait kiffer. J’ai déjà discuté avec des handballeurs comme Adama Keita, Benoît Kounkoud et les frères Karabatic de l’importance des fans quand tu joues. Presnel Kimpembe aussi, il me raconte que c’est un truc de fou. Et moi, je leur raconte comment je l’ai vécu aux States. Aux États-Unis, t’as des gens qui installent leurs tentes et font des grands barbecues à proximité du stade cinq heures avant un match. Toi, quand tu sors du car et que tu les vois tous, c’est juste incroyable. Il y a des gens qui prennent tellement de plaisir à te voir performer, qu’ils font des voyages, et moi, je trouve ça fou, je trouve ça beau. On peut faire un parallèle sur la ferveur, la proximité joueur-fan. L’amusement aussi, les célébrations. Ce n’est pas un truc qu’on retrouve au rugby et au basket, mais au soccer et au foot américain, quand un joueur marque, le jeu s’arrête. Quand t’as Mbappé qui fait des passements de jambes, qui casse des chevilles et accélère, t’entends les fans crier. C’est pareil au football américain, le joueur qui a la balle et qui va mettre un spin move et une grande feinte de corps pour mettre le défenseur dans le vent, les gens vont kiffer.

Tu es fan du Paris Saint-Germain et on t’a vu très attentif au dernier parcours en Ligue des champions.En fait, je suis fan du PSG parce que mon frère a toujours été fan de l’OM. C’était un peu une façon d’être contre mon grand frère. Je ne suis jamais allé au Parc des Princes petit parce que La Courneuve-Boulogne-Billancourt, c’est trop loin. (Rires.) La dernière Ligue des champions, à partir des quarts de finale, c’était la folie. En plus, c’était la première fois depuis 2014 que je n’avais pas passé un été à Paris. Je suis fan de Neymar depuis qu’il joue à Santos. Mbappé, quand j’étais aux États-Unis, on parlait beaucoup d’un jeune joueur de Monaco qui était originaire de Bondy, donc du 93 comme moi. Presko (Kimpembe), l’un de ses meilleurs potes, c’est mon gars, donc on s’est déjà vus à plusieurs occasions. Colin Dagba aussi, on s’est déjà croisés plusieurs fois, c’est un super mec.

En tant que joueur et désormais consultant, est-ce que tu penses que le foot US a sa carte à jouer en France, comme par exemple la NBA ?Je pense que c’était important que le foot US en clair arrive. Pour l’évolution de cette discipline, il fallait qu’on propose quelque chose sur le long terme. Passer juste le Super Bowl, ce n’est pas assez pour attirer l’œil des gens. Maintenant, avec un match diffusé en clair chaque week-end, d’un coup, on a eu la création d’une communauté de gens qui ne connaissaient pas le foot, mais pour qui c’est entré dans le quotidien depuis septembre. Ils peuvent zapper 20-30 minutes pour comprendre de plus en plus les règles. À la Fédération française de football américain, il y a beaucoup de jeunes et de parents qui ont appelé pour dire qu’ils avaient entendu parler de football américain et qui aimeraient savoir quel club est le plus proche de chez eux.

Si tu regardes vingt minutes d’un match entre septembre et décembre, à la fin décembre pour le Super Bowl, t’es prêt et tu comprends les règles !

Qu’est-ce que tu réponds justement aux gens qui disent que les règles sont un frein au fait de ne pas plus s’intéresser à ce sport ? Déjà, je comprends tout à fait. Mais je pense que justement, sans nous jeter des fleurs, avec Peter Anderson et Grégory Ascher (qui présentent les matchs aux côtés d’Anthony sur la chaîne L’Équipe, NDLR), à chaque match, on prend 10 minutes pour rappeler les règles et au fur et à mesure du match, on essaye d’allier pédagogie en expliquant les règles tout au long de la partie et faire des analyses sur certaines situations de jeu. Si tu regardes vingt minutes d’un match entre septembre et décembre, à la fin décembre pour le Super Bowl, t’es prêt et tu comprends les règles !

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