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Anthony Aymard : « Les gens, ici, sont très, très bien éduqués »

Propos recueillis par Tanguy Le Séviller
10 minutes
Anthony Aymard : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les gens, ici, sont très, très bien éduqués<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Parti en 2010 à Singapour, Anthony Aymard (26 ans) n'a toujours pas envie de rentrer en France. Après avoir fait les beaux jours de l'Étoile FC, un club de Français installés là-bas, il porte aujourd'hui les couleurs d'un club qui n'est même plus inscrit dans le championnat local, mais qui continue quand même à le payer. Entretien avec un ami de Moncef Zerka et de Sidney Govou, qui se remet doucement mais sûrement d'une rupture des ligaments croisés. Tout un programme.


Anthony, tu as découvert Singapour il y a près de cinq ans, d’abord grâce à l’Étoile FC, une équipe de Français qui disputait le Championnat local. Comment s’était fait ton arrivée dans cette équipe ?


En fait, en 2009, j’avais entendu parler d’un match test pour cette équipe dans la région toulousaine, mais en novembre, je me suis blessé au genou et je n’avais pas pu y participer. L’année suivante, on m’a rappelé et j’y suis allé. Il y avait 35-40 joueurs, des joueurs de National, CFA, CFA 2, des étrangers aussi, mais c’était plus pour compléter l’effectif. Ils ont pris quelques joueurs. J’étais le seul amateur, je jouais alors à l’époque à Polignac en DH. J’y suis allé sans trop me poser de questions, car j’étais en BTS alternance en Management des unités commerciales. C’était juste une expérience avec peut-être quelque chose derrière.



Et…

Une semaine après, je reçois un coup de fil. J’étais alors à la SNCF pour mon alternance et j’ai appris que j’étais pris. J’ai complètement laissé tomber les études du coup. Je ne regrette pas. Ça m’a permis de me construire, de voir plein de choses, de vivre du foot et ça, c’est ce dont je rêvais quand j’étais petit. C’est une superbe expérience. C’était un risque pour mes parents, mais c’était clair dans ma tête.



Justement, quelle a été la réaction de tes parents ?

Mon père m’a dit que j’étais fou, puis il a compris. Il a fait du foot aussi. Il m’a dit : « Je ne peux pas t’empêcher d’y aller, c’est ton rêve. J’aurais sans doute fait pareil » . Ma mère, c’était plus difficile (rires).



Ils sont déjà venus te voir à Singapour du coup ?

Ma mère, jamais, car elle craint l’avion. Mon père, lui, est déjà venu une fois. J’ai deux sœurs aussi, et une est venue deux fois déjà, tandis que l’autre a déjà fait le voyage à une reprise. Sinon, j’ai de la chance d’avoir une bonne bande de potes qui sont plutôt voyageurs et qui sont déjà venus très régulièrement. Je suis pas à plaindre de ce côté-là.



À l’époque, du coup, en 2010, c’était ton premier voyage en Asie ?

Ouais, début janvier, il y avait eu le match d’essai et aux environs du 20, on avait rendez-vous avec toute l’équipe à Roissy pour le départ. Je suis arrivé un peu dans l’inconnu, car je ne connaissais qu’une seule personne. Il y avait certains joueurs de l’année précédente qui se connaissaient déjà en revanche. Et en fait, on a décollé vers Singapour, mais seulement pour une escale, car on partait direct en Thaïlande pour un stage de dix jours.



Près de cinq ans après cette aventure de l’Étoile FC, que retiens-tu ?

C’était un très bon souvenir niveau humain. Je me suis fait vraiment de bons amis. J’étais assez jeune et ça m’a aidé. J’ai dû apprendre à me débrouiller tout seul. Après, au niveau de l’équipe, c’est parti un peu en live à la fin. Le président n’était pas très honnête. Et quand le mécène a repris le truc, il a créé des problèmes. On a notamment dû faire des démarches pour se faire payer à la fin de l’aventure. C’était comme un petit tribunal pour aller récupérer l’argent. Et ceux qui ne sont pas revenus à Singapour depuis n’ont pas vu la couleur de leur argent. Pour certains, ça représente deux mois de salaire, environ 6000€ je dirais. Moi, il me manquait un mois et comme je suis revenu jouer à Singapour ensuite, j’ai pu récupérer ce qu’on me devait.



Mais ensuite, l’Étoile FC disparaît…

On nous avait dit en fin de saison que ça irait mieux la saison suivante. Pour nous, l’équipe repartait. J’étais conservé en plus, même si je n’avais pas encore resigné. Et puis, un mois, un mois et demi après la fin de la saison, on a appris que ça ne repartirait jamais. Et en décembre, c’est compliqué de retrouver un club. Je suis alors retourné au PuyFoot pour m’entraîner et jouer avec eux. Je voulais quand même revenir en juin à Singapour, car j’avais bien accroché avec l’Asie. Je ne voulais pas lâcher.



À ce moment-là, il paraît que Sidney Govou a essayé de t’aider.

On est originaire de la même ville : Le Puy-en-Velay. Le monde est petit, car y a aussi Coupet et Sagnol qui viennent de là. Et en fait, je connais Sidney depuis petit, même si j’ai plus fréquenté ses sœurs. Nos parents sont amis et on a des connaissances en commun. Il avait été invité à Singapour aussi et était venu quelques jours nous voir. On avait eu l’occasion de discuter. Quand il a appris ce qu’il m’arrivait, il m’a appelé pour m’aider. Il était alors à Évian. C’était un joueur de Ligue 1 à l’époque. Il n’avait rien à gagner avec moi. Malgré tout, c’était un peu tard pour ses contacts, mais quand même. Il m’avait dit qu’il y aurait des opportunités pour moi en juin. Quand un mec comme ça vient t’aider, ça te touche. Après, j’avais aussi mes propres contacts en Asie et je ne voulais pas trop le déranger pour ça, surtout qu’il s’était gravement blessé.



Finalement, en juin, tu retrouves enfin un club à Singapour : Tanjong Pagar United.

Je signe pour six mois et je joue de juin à décembre. C’était un petit club du championnat, on n’avait pas vraiment une équipe terrible. Du coup, j’essayais de sortir du lot pour être conservé. Et fin septembre, on fait un match. J’avais déjà vu les dirigeants en tête à tête où ils m’avaient dit qu’ils étaient intéressés pour me prolonger. Et puis à l’échauffement, le manager vient me voir et me dit : « On se voit dans la semaine pour que tu prolonges » . Très bien. On jouait Home United. Et puis pendant la rencontre, coup franc. J’y vais pour le tirer. Je mets le ballon dans la boîte et finalement, avec le rebond, ça rentre. J’avais marqué du milieu de terrain. À la fin du match, le manager revient me voir et me dit : « Non, c’est bon, tu prolonges demain » (rires). J’ai alors signé pour deux ans de plus jusqu’en décembre 2014 à ce moment-là.



Tu étais alors le seul Français de Tanjong Pagar United…

Les équipes avaient droit à quatre étrangers. Il y avait un Américain, un Japonais et un Argentin avec moi à ce moment-là. J’ai été le seul conservé. Puis un entraîneur français, Patrick Vallée, est arrivé. Entre-temps, la Ligue avait modifié les règles pour pouvoir accueillir cinq étrangers. Du coup, le coach vient avec quatre recrues, quatre Français. Il y avait Moncef Zerka, Kamel Ramdani, Ismael Benhamed (remplacé depuis par Sébastien Etiemblé) et Aurélien Hérisson. Je leur servais de guide au début. Je les ai aidés pour ouvrir un compte, avoir un forfait téléphonique, ce genre de choses. Il y avait vraiment une bonne entente entre nous. Ce sont toujours des amis aujourd’hui.





Et vous avez aussi eu des résultats !

On a fini 5es la première année avec eux et on a été en finale de la Coupe. Une finale qu’on a perdue (1-4). Ça aurait pu nous permettre de nous qualifier pour l’AFC Cup, qui est un peu considérée comme la Ligue Europa en Asie. La saison suivante, l’année dernière, a été plus compliquée. On a terminé 10es sur 12, mais on a quand même réussi à revenir en finale de l’autre Coupe de Singapour. Une finale qu’on a encore perdue. Il y a vraiment eu de la fatigue mentale lors de cette dernière saison.



Bizarrement, aujourd’hui, on ne retrouve plus votre équipe de Tanjong Pagar United dans le classement. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Il y a eu des histoires exceptionnelles ! En fait, en novembre dernier, j’étais en France et j’ai commencé à entendre des rumeurs comme quoi le club allait peut-être être retiré du championnat. Je savais que ce n’était pas l’équipe la plus stable. Et puis, un jour, Moncef m’appelle vers 2 ou 3 heures du matin en France et pour qu’il m’appelle à cette heure-là – car il connaît le décalage horaire – c’est que c’était forcément quelque chose d’important. Et il m’apprend que le club ne repart pas, que c’est une décision de la Fédération, qui a souhaité passer le championnat de 12 à 10 clubs.



Le coup de massue, surtout que tu étais en pleine rééducation pour une rupture des ligaments croisés.


Oui, c’est ça. Je me suis blessé à l’entraînement en septembre dernier. J’avais négocié pour pouvoir faire ma rééducation en France. Un proche, qui est kiné, est venu me voir pour m’aider. Là, aujourd’hui, ça va mieux de ce côté-là. Ça fait 5 mois. Je me sens bien, j’ai repris la course, le ballon. J’ai beaucoup bossé en salle. J’ai été très sérieux et, surtout, il n’y a pas eu de complication.



Hormis avec le club qui n’est donc pas reparti en ce début de saison…

En fait, le club n’a même pas fait faillite. Les bureaux existent toujours. Et je suis toujours payé ! Car entre-temps, j’avais prolongé jusqu’en décembre 2015, comme Sébastien et Aurélien. Moncef, lui, est sans contrat, alors que Kamel a signé pour Home United. Le club nous doit une année de salaire, mais il n’a pas la liquidité nécessaire pour le faire d’un trait. Donc il nous paie normalement tous les mois. Le club est réglo de ce côté-là. Mais bon, on n’a pas d’entraînement, rien. On ne doit rendre de compte à personne. On se débrouille. Ça change pas grand-chose pour moi avec ma blessure, mais pour les autres, c’est problématique.



Un salaire de footballeur à Singapour, ça représente quoi ?

Je dirais que c’est comme en National ou en CFA. On a le logement compris et les billets d’avion aussi. Quant aux impôts, tous les mois, on donne environ 10% de notre salaire, mais à la fin de l’année, on en récupère quasiment les trois quarts. C’est comme ça que ça marche pour les étrangers. C’est une sorte de 13e mois (rires).



Singapour est une ville à l’européenne, tu le ressens ?

J’habite proche du centre-ville, à 5 minutes en taxi et à peu près autant pour aller à la Baie de Singapour. Il y a énormément d’expats. Depuis que je suis là, j’ai pu voir l’évolution des quartiers. Il y en a où c’est l’Europe ou l’Australie. Tu te demandes si t’es bien en Asie. Il y a beaucoup de Français. J’avais vu récemment qu’ils étaient près de 20 000, mais je pense que c’est bien plus.



Tu m’as parlé de la Baie de Singapour, du coup, tu as forcément déjà été au Marina Bay Sand, l’un des hôtels les plus fous du monde ?

J’y suis déjà allé, oui. C’est un endroit sympa avec un centre commercial en bas avec des canaux comme à Venise et une boîte de nuit en haut. C’est un endroit incontournable.



Du côté des amendes, il paraît aussi que c’est très strict. Tu confirmes ?

C’est clair. Faut être assez rigoureux. Il faut éviter de boire ou de manger dans le métro. On ne fume pas non plus comme ça dans la rue. Les fumeurs se retrouvent parfois tous autour d’une poubelle. Les gens, ici, sont très, très bien éduqués. Franchement, niveau sécurité, il n’y a aucun problème. Il faut dire qu’ils mettent de la prison ferme pour pas grand-chose. Et il y a encore la peine de mort ici. Les gens ont peur de l’uniforme.



Le GP de Formule 1, tu y as déjà assisté ?

Non, mais j’ai déjà été aux essais lors de ma première année. C’est en plein air, et la ville est alors coupée pendant trois ou quatre jours. Même si c’est pas trop mon truc, c’est à faire.

La ville de Singapour est située à un carrefour géographique en Asie. Est-ce que ça t’as permis de visiter d’autres pays aux alentours ?


J’ai pas mal bougé, oui. J’ai fait Bali, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande. J’en reviens d’ailleurs aujourd’hui (entretien réalisé lundi 2 mars). Ce sont des pays que ressemblent à Singapour, très développés, mais pas avec le même niveau de vie. C’est pour les vacances. D’ailleurs, je te conseille Rawa Island en Malaisie. C’est une île minuscule où on accède qu’en bateau. Il y a deux hôtels seulement. C’est pas très loin d’une autre île où ils avaient fait Koh Lanta une année. On peut y faire du snorkeling, du canoë.



Tu te verrais revenir en Europe ?


Franchement, je n’ai pas réellement cherché. Pourquoi aller ailleurs quand ça se passe bien. En France, en National, c’est la guerre à la fin de chaque saison. Je ne ferme pas du tout la porte en revanche, mais ma qualité de vie ici me va très bien.
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