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Deschamps, au carrefour des générations
Trois jours après l’annonce surprise de la retraite internationale d’Antoine Griezmann, Didier Deschamps dévoile ce jeudi la liste des Bleus pour affronter Israël (10 octobre) et la Belgique (14 octobre), en Ligue des nations. Et lancer un nouveau cycle, si possible.
On ne sait pas encore quels outils Didier Deschamps va sortir de sa boîte, ce jeudi à 14h, à l’heure d’annoncer les 23 Bleus convoqués pour affronter Israël et la Belgique les 10 et 14 octobre prochains. Ce que l’on sait, c’est que le maître d’œuvre de Clairefontaine a du pain sur la planche, alors que se profile un sacré chantier de reconstruction. Trois jours après l’annonce surprise de la retraite internationale d’Antoine Griezmann, Didier Deschamps entame un rassemblement anecdotique sur le plan sportif – qui devrait le voir poursuivre sa large revue d’effectif –, mais déterminant en dehors des terrains. Après un rassemblement tumultueux en septembre (défaite contre l’Italie, victoire contre la Belgique) et alors que son crédit s’amenuise, le boss des Bleus a perdu l’une des dernières fondations de son mandat avec le départ de Griezmann. Tant et si bien que son édifice s’affaiblit, sur tous les plans.
Un vestiaire à reconquérir
Plus jeune équipe championne du monde en 2018, l’équipe de France ne compte que cinq rescapés six ans plus tard à peine : Kylian Mbappé, Ousmane Dembélé, Lucas Hernandez, N’Golo Kanté, Benjamin Pavard et Alphonse Areola – sachant que pour les deux défenseurs, l’un est blessé, l’autre n’a pas été retenu en septembre. Pour le reste, Didier Deschamps a su renouveler son groupe, tordant le cou à ceux qui lui reprochaient une certaine frilosité à ce niveau, sans toutefois lui donner un second souffle après la finale perdue face à l’Argentine au Qatar. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le sélectionneur parle de « réoxygénisation » en cette rentrée 2024. Car après avoir perdu Raphaël Varane, Hugo Lloris, Olivier Giroud, Steve Mandanda et maintenant Antoine Griezmann sur retraite internationale, sans oublier les déboires de Paul Pogba, le Basque sait qu’il a besoin de nouveaux relais.
D’autant plus que son management plus agressif lors de l’Euro a semble-t-il laissé des traces dans un vestiaire où l’omnipotence de Kylian Mbappé pourrait vite créer des tensions. Après la défaite face à l’Italie, Mike Maignan a ainsi tonné, visant à demi-mot l’attitude de son capitaine. Les retours d’Eduardo Camavinga et Aurélien Tchouaméni, voire d’Adrien Rabiot, pourraient ramener quelques hommes de confiance à Didier Deschamps dans ce vestiaire à réaménager. Mais le champion du monde 1998 va, quoi qu’il arrive, devoir se réinventer pour relancer une équipe de France qui semble amorcer un lent déclin. En ce sens, la décision d’Antoine Griezmann vient mettre du crédit aux doutes que l’on peut avoir sur l’état de santé du groupe France, alors que Grizou ne masquait pas son rêve de disputer la prochaine Coupe du monde aux États-Unis, pays qu’il adore. D’autant plus que, malgré le storytelling défendu par la FFF et Deschamps lui-même dans son hommage à Griezmann, le sélectionneur a bien appris la décision au dernier moment. Une nouvelle preuve de l’éloignement progressif entre DD et son vestiaire.
Soigner sa sortie
La veille de l’annonce d’Antoine Griezmann, Guy Stéphan était ainsi à Madrid pour superviser le derby. « Au terme d’une réflexion longue et aboutie, Antoine a décidé de mettre un terme à sa magnifique carrière internationale. Nous avons eu une longue discussion à ce sujet récemment », a prétendu Didier Deschamps pour sauver les apparences, même si celui qui a toujours voulu contrôler les évènements semble de plus en plus les subir à Clairefontaine. Entre autres politesses sur Griezmann, « un monument du football français, l’un des plus grands joueurs de son histoire », le sélectionneur a toutefois reconnu sa relation privilégiée avec le Mâconnais : « On a souvent dit qu’Antoine était mon chouchou. Nous avions effectivement noué une relation très forte, qui restera intacte. Du fond du cœur, merci pour tout, mon Grizou. » Une relation affectée par le choix d’accorder le capitanat à Kylian Mbappé, puis par les tâtonnements tactiques de la Dèche lors du dernier Euro.
Désormais privé de son vice-capitaine à l’influence XXL, leader technique mais aussi d’esprit, que Deschamps qualifiait lui-même « d’indispensable, pas irremplaçable », le sélectionneur se retrouve à un carrefour, en ce début d’automne 2024. Fragilisé en interne par les départs de ses tauliers et son management à l’Euro, et en public par les éternels débats sur le jeu soporifique des Bleus, Didier Deschamps doit tout reconstruire, après douze ans à son poste. Si des promesses (Bradley Barcola, Michael Olise, Warren Zaïre-Emery…) ont de quoi lui redonner le sourire, le champion du monde 1998 va devoir faire émerger de nouveaux leaders tout en restaurant son autorité et sa crédibilité auprès de son vestiaire, et du public. Au risque de se diriger vers une fin d’histoire amère avec les Bleus, comme ça a été le cas pour beaucoup des champions du monde 2018. Il y a quelques jours, un autre ancien taulier de DD, Olivier Giroud, avait ainsi ces mots : « Je suis un peu triste de ne même pas avoir pu marquer un but dans cet Euro, avec ce temps de jeu maigre que j’ai eu. Ça n’a pas été une fin comme je l’espérais. » À Didier Deschamps de faire les choix pour maîtriser au mieux sa sortie, si elle arrive un jour.
Par Adrien Hémard