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Annie-Laure Gulli : « Le football féminin passe encore après le football masculin »
Et pourquoi les footballeuses n’auraient pas le droit de regoûter, elles aussi, à la magie de la Coupe de France ? C’est ce que martèle Annie-Laure Gulli depuis plusieurs semaines. Indignée par l’absence d’informations sur la reprise des équipes féminines amateurs, pendant que les hommes tapent joyeusement dans le ballon rond depuis le 30 janvier, la joueuse de la Ligugéenne (D1) s'est lancée dans un concert de casseroles. Après avoir envoyé une lettre ouverte à la ministre déléguée aux Sports, la Poitevine a lancé une pétition en ligne pour que les footballeuses reprennent la Coupe de France, comme les hommes. Entretien.
Pourquoi avez-vous décidé d’interpeller Roxana Maracineanu ?J’ai pris l’initiative quand la FFF a annoncé la reprise de la Coupe de France pour les équipes masculines amateurs, sans indiquer aucune date pour les équipes féminines. Sur le coup de l’émotion, j’ai pris mon ordinateur et j’ai commencé à écrire. Je voulais de suite frapper fort en interpellant la ministre déléguée aux Sports. Et ça tombait bien, puisqu’on était en plein dans la semaine « Sport féminin toujours », dont le but est de promouvoir les sportives. Cette lettre ouverte était donc l’occasion parfaite de montrer qu’il reste beaucoup d’étapes à franchir avant de mettre hommes et femmes sur un pied d’égalité dans le sport, car c’est bien ce que prouve la décision de la FFF, le football féminin passe encore après le football masculin.
Avez-vous l’impression de lancer une bouteiller à la mer ? C’est un peu ça. Je suis pour l’instant assez déçue, car je n’ai eu aucun retour, pas même un mail pour me préciser la bonne réception du courrier en indiquant que ma demande allait éventuellement être traitée. Mais je ne lâcherai pas. J’ai renvoyé cette semaine une lettre et je suis prête à organiser d’autres actions d’ici quelques semaines. Je vais discuter avec mon équipe pour voir si nous pouvons intenter des démarches auprès du district pour obtenir du soutien, quitte à aller manifester devant le bâtiment avec des pancartes pour se faire entendre. C’est d’ailleurs dommage que la situation sanitaire complique les choses, car on aurait aussi pu aller protester à Paris devant le ministère des Sports.
En quoi la gestion de la FFF sur ce sujet est-elle un scandale ?J’ai appris après avoir envoyé la lettre que la fédération attend de voir si le protocole sanitaire est encourageant lors des matchs des équipes masculines, avant de programmer les rencontres des équipes féminines. Bon, déjà, de mon point de vue, la reprise de la compétition n’était pas justifiée au regard de la situation et du nombre de décès. Mais elle l’est encore moins actuellement après ce passe-droit accordé aux hommes pendant que les femmes restent sur le carreau. Il n’y a vraiment aucune considération pour les footballeuses amatrices. Tout tourne autour de l’argent. Certains me répondent que les féminines ne rapportent rien. Je suis consciente que le football pratiqué par des hommes est plus médiatisé et déclenche plus de revenus, mais si on ne nous laisse pas jouer, comment voulez-vous que les footballeuses soient visibles et attirent elles aussi du monde ?
Est-ce un signe que le foot féminin fait un pas en arrière ?Oui, on a l’impression de repartir en arrière, alors que le nombre de licenciées et de sections féminines ne fait qu’augmenter. Je trouve cette inégalité de traitement vraiment scandaleuse. On se retrouve à réclamer l’égalité, alors que ça devrait être instinctif. Il ne faut pas cracher sur le football féminin, car en développant la pratique, on accroît le nombre de pratiquants, de supporters et ça permet de fédérer un club.
Cet épisode vous a-t-il écœurée du foot ? Pas du tout, c’est un sport qui est très beau et rassemble beaucoup de monde. Au contraire, cet épisode me pousse à me montrer encore plus présente et mener d’autres actions afin de poursuivre le développement du football féminin. En fait, je suis simplement écœurée par la façon dont la hiérarchie prend des décisions sans penser au football amateur. Il ne faut pas oublier que les joueuses payent des licences et rapportent elles aussi de l’argent.
Propos recueillis par Tara Britton