- Euro 2022
- Quarts
- Angleterre-Espagne (2-1 AP)
Angleterre : Wiegman on fire
On avait promis à l’Espagne l’enfer, face à cette équipe anglaise qui s’était qualifiée en quarts avec un solide bilan de 14 buts marqués et 0 encaissé. À Brighton, les Lionnes ont vu toutes leurs certitudes bousculées, croyant même un temps être éliminées de leur propre Euro. Mais c’était compter sans le team spirit inébranlable inculqué par Sarina Wiegman.
96e minute : Georgia Stanway file seule au but avec une obsession : libérer les 28 994 spectateurs venus assister à ce quart de finale contre l’Espagne – et battre au passage le record de spectateurs pour un quart d’Euro féminin. Les Espagnoles laissent faire, la joueuse de 23 ans allume la mèche et envoie une sublime frappe puissante à l’entrée de la surface, que Sandra Paños ne pourra pas rattraper. Sur le banc, une autre femme a le sourire : Sarina Wiegman. La sélectionneuse néerlandaise des Lionnes sait qu’un grand pas vers la qualif’ en demies est fait et que les Lionnes repoussent – au moins temporairement – la traditionnelle malédiction qui plane sur l’Angleterre lors de chaque compétition à domicile. Gagnante du dernier Euro avec les Pays-Bas, elle a renouvelé sa formule magique pour faire de cette équipe anglaise une machine collective, où chacune a sa place. Georgia Stanway en sait quelque chose : avant l’arrivée de la native de La Haye sur le banc, elle était elle-même jamais bien loin de l’entraîneur, à faire banquette. Et elle sait aussi remercier celle qui lui a fait confiance et l’a titularisée lors de chacune des rencontres de cet Euro.
A masterclass
Peu de temps avant, Sarina Wiegman, qui avait été absente des bancs pendant une semaine en raison du Covid, avait déjà fait les bons choix : celui de faire entrer Chloe Kelly, Alessia Russo et Ella Toone à la place des taulières Beth Mead, Ellen White et Fran Kirby dès l’heure de jeu. Un choix extrêmement audacieux, puisque les trois joueuses sont celles qui ont fourni 8 des 14 buts de l’Angleterre lors de cet Euro. « Enlever White, c’est comme enlever Kane. Sarina Wiegman fait des changements cruciaux à des moments cruciaux, elle montre du courage quand c’est nécessaire », admire d’ailleurs l’ancien joueur de Chelsea Jason Cundy sur les antennes de TalkSport. L’Evening Standard parle même du « plus gros pari de sa carrière en Angleterre ». Quelle aurait été l’issue pour la coach néerlandaise si celui-ci n’avait pas fonctionné ? Aucune idée, puisqu’à la 84e minute, la Manchester United connexion se met en place entre les deux entrantes, et Russo remet pour Toone qui avait bien suivi (1-1).
La selección inglesa ??????? femenil promedia 5.5 goles por partido bajo el mando de Sarina Wiegman.De locos.#WEURO2022 pic.twitter.com/Q6wpuBe0v8
— Oscar Mendoza (@oscarmen02) July 20, 2022
Rien de bien surprenant si l’on relit ce que laissait filtrer en conférence de presse Keira Walsh, décryptant les mots de Sarina Wiegman avant la rencontre : « Par le passé, nous avons sans doute trop parlé de la qualité des autres équipes et des autres joueuses lors des rencontres, et cela vous monte un peu à la tête. Mais, pour Sarina, il s’agit de ce que nous faisons nous. Nous ne doutons pas des capacités de l’Espagne, mais mercredi soir, c’est notre style qui compte. » Sa coach en visio dans sa bulle Covid préfère temporiser :« Nous connaissons notre plan, mais nous savons aussi que nous n’avons encore rien gagné. » Mais alors que l’Angleterre sortait archifavorite de ses poules, en ayant battu tout le monde et inscrit 14 buts pour aucun encaissé, il s’agissait tout de même de dégonfler le melon pour la sélectionneuse. L’Espagne a été une formidable piqûre de rappel. Attaquant fort son match, avec tous les ingrédients pouvant mettre les Anglaises en difficulté, la Roja a longtemps fait croire que le fameux « It’s coming home » chanté par les fans des Lionnes dès le coup d’envoi aurait un tout autre sens après 90 minutes. Surtout quand Athenea del Castillo, entrée à la mi-temps, décide de faire la misère à la défense anglaise et de servir Esther pour l’ouverture du score (0-1, 54e).
La fin de la lose
Mais le coup de génie de la coach néerlandaise vient bouleverser l’habituel lose anglaise. Elle relance physiquement avec du sang neuf, bascule à trois derrière pour attaquer d’autant plus sur les ailes et remporte finalement le duel du milieu de terrain qu’avait imposé l’Espagne techniquement. « La manière dont elle a remporté la victoire a bouleversé le scénario habituel lorsque les équipes nationales anglaises affrontent des adversaires plus techniques et plus expérimentés à ce stade », écrit d’ailleurs le quotidien conservateur. Une victoire aux forceps, qui signe un nouveau point de départ pour une sélection anglaise habituée à rouler sur ses adversaires sans être trop embêtée. L’Angleterre est désormais capable de gagner au mental. Au coup de sifflet final, les Anglaises exultent comme rarement durant cet Euro et entonnent le traditionnel Sweet Caroline, main dans la main avec Sarina Wiegman, qui a désormais sa propre version : « Sarina Wiegman, good times never felt so good, so good ! » (en VF, « Sarina Wiegman, le bon temps n’a jamais été aussi bon, aussi bon ! » ). Et si la solution pour faire gagner des Anglais lors des compétitions à domicile était de nommer des sélectionneurs étrangers ?
Par Anna Carreau