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Angleterre : Jude Bellingham, l’ultime joyau de la couronne
Des débuts en pro à seize piges, un transfert au Borussia Dortmund à dix-sept et une première cape en équipe nationale d’Angleterre – dont il est devenu ce jeudi le troisième plus jeune joueur à enfiler le maillot – moins de quatre mois plus tard. Tout va décidément très vite pour Jude Bellingham, la dernière hype du football britannique. Focus sur un type pas forcément destiné à prendre part à l’alléchant Belgique-Angleterre de ce dimanche soir, mais assurément programmé pour régner sur l’empire du milieu anglais.
C’est, sorti des drames et à un Souleymane Diawara près, un privilège uniquement accordé aux tout grands de ce sport ou aux chantres de la fidélité. Jude Bellingham n’est encore ni l’un ni l’autre. Mais cela ne l’a pas empêché de devenir cet été l’égal de Javier Zanetti, Francesco Totti, Paolo Maldini, Johan Cruyff ou Romain Danzé. Comment ? En voyant, à tout juste 17 ans, son numéro de maillot retiré de la circulation par son ex-club de Birmingham City à son départ pour le Borussia Dortmund. D’autant plus fort que le foot anglais n’est vraiment pas coutumier du fait. La preuve, s’il en fallait encore une, que l’ado est à ranger dans la catégorie « espèce rare » . Nouvelle illustration près de quatre mois après les faits, ce jeudi à Wembley : en entrant en jeu à la 73e minute d’un Angleterre-Irlande déjà plié, Bellingham est devenu à dix-sept ans, quatre mois et quatorze jours le troisième plus jeune joueur à revêtir la liquette des Three Lions. Les deux premiers ? Theo Walcott, et Wayne Rooney. Deux noms qui incitent respectivement à la prudence, et à l’optimisme. Mais pour l’heure, c’est bien l’optimisme qui prime au royaume de Sa Majesté.
Coup de foudre à Wast Hills
À Birmingham, il est un homme que ce baptême international précoce n’a pas franchement surpris : Jérémie Bela, équipier de Bellingham la saison passée chez les Blues. À son arrivée dans les West Midlands en novembre dernier, l’ancien Dijonnais a éprouvé un sentiment qu’un seul type lui avait fait ressentir jusqu’ici. Un certain Raphaël Varane, son camarade de formation au RC Lens. « Dans la maturité, l’assurance, c’est lui, statue l’ailier, passé deux ans par l’Espagne et Albacete. Il sait ce qu’il veut, comment y aller et ce qu’il faut faire ou pas pour y parvenir. » Le coup de foudre, pour Bela, est intervenu dès ses premiers pas à Wast Hills, le centre d’entraînement de Birmingham City : « On m’avait dit qu’il était bon, mais quand je l’ai vu, j’étais cho-qué. Il a un visage de bébé, mais à aucun moment je ne me suis dit qu’il avait seize ans. Sa personnalité, son talent… Et puis, il a une grosse confiance : il sait ce qu’il est capable de faire. » À peu près tout, en l’occurrence. Ce qui semble faire de lui le box-to-box que l’Albion guettait depuis les départs en retraite de Frank Lampard ou Steven Gerrard, en 2016.
Même si Pep Clotet, l’homme qui l’a balancé le 25 août 2019 dans le grand bain du Championship à seize piges, l’a régulièrement utilisé dans les couloirs (le gauche, le plus souvent), en soutien de l’attaquant, voire en pointe lors de la saison 2019-2020 (au cours de laquelle le gamin de Stourbridge a facturé 44 matchs sous le maillot des Blues, dont 35 comme titulaire). « Quel que soit son poste, il s’adapte vraiment : il est très intelligent tactiquement, et est toujours dans le dépassement de fonction, résume Bela. Dans le couloir, il est moins dans le débordement, mais il élimine facilement. Son meilleur poste ? Relayeur, dans un milieu à trois. Il a un gros volume de jeu et n’a pas peur de demander le ballon, de faire le jeu. Ni d’aller au mastic, à la tête et de tacler ou de faire des fautes intelligentes. Il ne se laisse pas faire ! À cet âge-là, on a souvent un peu peur. Mais lui, il rend les coups ! Et il récupère énormément de ballons. »
Déjà dans le game
Pour en faire quoi ? Émerveiller, parfois : « Il peut avoir des éclairs de génie, des gestes auxquels on ne s’attend pas. » Flinguer vers l’avant et ouvrir les défenses, souvent : « Il ne tire pas trop de loin, alors qu’il a une bonne frappe. Il est plutôt celui qui va essayer de percuter, perforer, entrer dans la surface et chercher la dernière passe. Les stats’, c’est d’ailleurs là où on va un peu plus l’attendre désormais. Il a eu des chiffres honorables la saison dernière (quatre pions, et trois assists) vu son âge, d’autant qu’il a créé beaucoup d’occasions non converties et qu’il y a cette part invisible : il est énorme dans le jeu sans ballon. Mais il peut marquer davantage, et faire encore plus de passes dés. » Un double objectif que sa signature à Dortmund pourrait bien faciliter. Sur les bords de la Ruhr, ses compères offensifs ne se nomment plus Lukas Jutkiewicz et Scott Hogan, mais Marco Reus, Erling Haaland ou… Jadon Sancho. Un garçon dont l’explosion outre-Rhin a sans doute pesé dans la réflexion de Bellingham, déjà auteur de onze apparitions et deux passes décisives chez les Schwarz-Gelben (l’une en Bundesliga, l’autre en C1). Plus un pion en Coupe d’Allemagne, qui l’a élevé au rang de plus jeune buteur de l’histoire du BvB le 15 septembre dernier.
Estimé à 23 millions d’euros, son transfert en Allemagne fin juillet a également fait de lui la troisième plus grosse vente de l’été chez les joueurs de 18 ans et moins (derrière Fábio Silva à Wolverhampton, et Jérémy Doku à Rennes), la huitième chez les garçons de vingt ans ou moins. Grisant ? Pas vraiment. « Si ça n’avait pas été rendu public, on n’aurait même pas deviné que c’était fait, assure Bela. Jude ne parle jamais d’argent, il a juste envie de jouer. Après son transfert, il nous a tous remerciés, mais il est resté concentré sur les derniers matchs. Sa motivation était décuplée, il continuait à courir et accepter nos remarques comme les critiques. C’est un petit qui travaille beaucoup, qui est très à l’écoute en plus de son talent naturel. S’il reste focus comme ça, il peut aller très loin. » À l’Euro 2021, par exemple ? En l’appelant pour garnir un entrejeu dernièrement dépeuplé et encore orphelin d’un profil comme le sien, le sélectionneur Gareth Southgate a envoyé un premier message en ce sens. Une nouvelle entrée, ce dimanche en Belgique, en constituerait un second.
Par Simon Butel
Propos de Jérémie Bela recueillis par SB